Cette thèse de recherche-création en Arts plastiques problématise la fabrique du cinéma d’animation depuis la posture d’artiste-chercheuse. Elle est initiée par des déambulations en forêt et interroge la fabrique de l’animation dans sa dimension processuelle en adoptant une voie poïétique, qui rejoint une conduite à l’aveugle. En prise avec les textures du monde et inspirée par les débats théoriques et philosophiques liés au paysage (Cauquelin, Collot), au site (Serra) et à une esthétique et culture environnementale (Morizot, Zhong Mengual), cette thèse est attentive à ce qui fait trajet plutôt que projet et adopte la déambulation comme méthode de recherche-création. L’étude porte notamment sur les relations entre les expériences in situ et celles qui se jouent dans l’atelier d’animation, elles problématisent en ce sens la fabrique du film, en inquiétant les modèles institués propres au champ du cinéma d’animation et proposent de nouvelles injonctions créatrices.
Chargé de ces explorations pratiques et théoriques, l’atelier se définit alors comme une boîte noire aux lieux mêlés (Serres), où la pratique expérimentale relance, au travers d’une approche matériologique (Dubuffet) et cinéplastique (Faure, Chateau), les débats entre dessin et coloris, entre faire et agir, entre expérience et programme. Les expérimentations cultivées dans l’atelier rejouent des pratiques archaïques du cinéma d’animation (peinture animée, rotoscopie, animation de terre) et, par leur dimension critique, mènent à la création de pièces de chantier spécifiques (cartographies de textures, partitions chromatiques, tas de mots). Suivant cette démarche, la couleur dans toutes ses manifestations (couleur-signe, couleur-matière, couleur indicielle, entropie de la couleur) contamine l’écriture du film ; la boîte noire se redéfinit alors comme lieu d’émergence d’un coloris. Le court-métrage en cours d’écriture Troglodyte exemplifie ce travail de la couleur. Le film issu d’une expérience en forêt est lui-même enforesté, nourri par le transport sur la table de travail des matériaux et de ce qui fictionne in situ, transformant la couleur en coloris bigarré.
Ainsi, il n’est plus question de faire image suivant une conduite forcée, ni de contraindre la création filmique et sa réception au dispositif de projection en salle. Terre-grisaille, proposé en bout de course comme une boîte noire ouverte, entreprend de défaire le film, de l’éclater et de le reconfigurer. Il invite le visiteur à fréquenter les poétiques dispersées (Lascault) de l’atelier et les fictions qui s’y inventent. |
This research-creation thesis in Arts problematizes animation cinema poietics from an artist-researcher posture. It is initiated through walks in the forest and explores the process of animation making, following a poietic path that aligns with a blind process.
Engaged with the textures of the earth and inspired by theoretical and philosophical debates about landscape (Cauquelin), site (Serra) and environmental aesthetics (Morizot, Zhong Mengual). This thesis, attentive to the travel more than destination, adopts wandering as a research-creation methodology. This study focuses on the relation between in situ experiences and what’s played out in the animation desk and in this way, problematizes, film fabrication, in worrying usual animation cinema models, and propose alternative creative ways.
Loaded by this practical and theoretical explorations, animation workshop redefines itself as a blended-spaces black box (Serres), where experimental practice revives debates — through a materiological (Dubuffet) and cineplastic approach (Faure, Chateau) — between drawing and color, between doing and acting, between experience and program. The experiments cultivated in the animation studio revisit archaic animation practices (painted animation, rotoscopy, claymotion) and their critical dimension leads to the creation of specific conception documents (textures cartography, chromatic partitions, heaps of words). In this process, color in all its manifestations (color-sign, color-material, indicial color, entropic color) contaminates film-writing process ; and allow to redefine black box as a space for the emergence of coloris. The short film in progress, Troglodyte, exemplifies this color work. The film, born from an experience in the forest, is itself forested, nourished by the transfer to the worktable of materials and of what is fictionalized in situ, transforming color into a variegated palette
Thus, there is no longer a question of creating images through a forced process, nor of obliging film creation and its reception to the traditional screening setup. Terre-grisaille, presented as an open black box at the end of the thesis, seeks to dismantle the film, fragmenting and reconfiguring it. It invites the visitor to engage with the dispersed poetics (Lascault) of the workshop and the fictions that are invented there. |