Soutenance de thèse de Claire MÉLOT

Penser l'accueil : espaces politiques et gestes de l’assemblage


Titre anglais : Beyond hospitality: political spaces and gestures of assembling
Ecole Doctorale : ALLPHA - Arts, Lettres, Langues, Philosophie, Communication
Spécialité : Philosophie
Etablissement : Université Toulouse II Jean Jaurès
Unité de recherche : EA 3051 - ERRAPHIS - Équipe de Recherches sur les Rationalités Philosophiques et les Savoirs
Direction de thèse : Jérôme LEBRE


Cette soutenance aura lieu vendredi 19 septembre 2025 à 14h00
Adresse de la soutenance : Université Toulouse - Jean Jaurès Maison de la Recherche 5, allées Antonio-Machado 31058 TOULOUSE - salle D31

devant le jury composé de :
JÉRÔME LÈBRE   Professeur agrégé   Lycée Louis Le Grand   Directeur de thèse
Emma BIGÉ   Professeure d'enseignement artistique   École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon   Examinateur
Manola ANTONIOLI   Professeure   École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-La Villette   Rapporteur
Claudia SERBAN   Maîtresse de conférences   Université Toulouse - Jean Jaurès   Examinateur
Daniel ESTEVEZ   Professeur   École Nationale Supérieure d'Architecture de Toulouse   Examinateur
Martin DELEIXHE   Maître de conférences   Université Libre de Bruxelles   Rapporteur


Résumé de la thèse en français :  

Cette thèse porte sur la notion d’accueil en philosophie et sa capacité à renouveler une approche tant physique que politique de l’espace. Les moments de l’assemblage, à l’échelle du geste en train de faire et d’être fait, ne peuvent être ni saisis ni évalués : j’explore les ressources théoriques et politiques de ce seuil, de ce moment où s'inventent des figures ne répondant plus à un principe premier, ni causal, ni d’autorité.

Cette recherche autour des gestes de l’assemblage nourrit l’examen de la notion d’accueil : à la suite de la lecture critique de l’hospitalité développée par Derrida, j’examine en quoi la notion d’accueil – beaucoup moins débattue en philosophie que celle de l’hospitalité mais sortant justement des conditions constitutivement dissymétriques propres à la tradition hospitalière – peut être féconde pour penser le faire et l’agir-ensemble. J’examine en particulier la spécificité de gestes d’assemblage qui improvisent pour concevoir-réaliser dans le même mouvement : autour d’un faire-ensemble qui est un ‘faire-avec ce et cell·eux qui sont déjà-là’, s’invente une micro-politique des gestes qui déploie une myriade de relations dont le trait commun est l’improvisation. Les gestes qui tâtonnent suspendent les habitudes et font surgir du neuf. En cela ils sont un lieu privilégié d’expérimentation et d’observation de ce que je cherche à décrire par l’agir-avec et l’agentivité : de multiples façons de vivre et de pratiquer une ouverture à l’imprévisible. À l’heure de l’instrumentalisation des discours sur l’espace, en particulier sous le modèle de la ville néolibérale depuis les années 1980, ce travail propose ainsi une approche de l’espace comme relation, pour penser des figures, des formes et des usages de l’espace ouvert dont le « lexique reste à inventer » (Nancy).

Mes travaux partent d’une approche critique de la phénoménologie de l’espace et du corps chez Husserl et Merleau-Ponty, des apports décisifs de la pensée Beauvoir et d’Arendt pour penser la relationnalité et la pluralité, et des travaux récents de Barad et Haraway sur la spatialité et l’agentivité. Mes recherches s’ancrent dans une pratique personnelle et collective de la conception-construction en architecture, qui dialogue avec d’autres pratiques contemporaines (danse et sculpture notamment) et leurs formes multiples d’assemblage pour explorer la pertinence d’une conceptualisation de la notion d’accueil comme philosophie politique (Derrida, Nancy, Arendt, Barad). J’examine ainsi d’abord ce que la phénoménologie a pu dire de la perception de l’espace, puis en quoi le tournant politique impulsé par Beauvoir et Arendt à partir de la pluralité a ouvert des pistes pour penser la relationnalité. J’interroge ainsi notamment, sans confondre leurs projets respectifs, en quoi l’agentivité de la matière [mattering] et l’ontologie relationnelle proposées par Barad font écho à la pensée de l’action et du politique chez Arendt, et ce qu’elles peuvent apporter à une pensée de l’accueil à partir des gestes de l’assemblage.

Je cherche à montrer que l’accueil n’est pas l’hospitalité, en ce qu’il permet de penser l’espace partagé et de mobiliser des ressources pour l’agir-ensemble. La notion d’accueil est travaillée par des motifs du neuf et de l’ouvert qui permettent de mettre en évidence ce qui façonne les espaces et la façon dont ils nous façonnent en retour. Les moments de l’assemblage sont des moments de suspension où peut être éprouvé très concrètement à la fois le faire et l’action comme agir politique, et où peut être aperçu cet espacetempsmatière-en-devenir [spacetimemattering] que développe Barad et qui rebat les cartes de la matérialité/matérialisation. Ainsi, j’examine si et en quoi interroger les figures du ‘tas’, de la ‘struction’ et de la suspension, la co-émergence d’un faire qui fait et défait en faisant, et la micro-politique des gestes éprouvés permet de penser le potentiel subversif de l’accueil.

 
Résumé de la thèse en anglais:  

This thesis investigates the notion of ‘accueil’ in philosophy and its capacity to renew both physical and political approaches to space. The moments of assembling, at the scale of the gesture in the process of making and being made, can be neither grasped nor evaluated: I explore the theoretical and political potentials of this threshold, of the moment when figures are invented that no longer respond to a first principle, whether causal or of authority.

This research into the gestures of assembling feeds into a critical examination of the notion of ‘accueil’: following Derrida’s critical analysis of hospitality, I investigate ‘accueil’ – much less discussed in philosophy than hospitality but moving away from the constitutively asymmetrical conditions inherent in the thought of hospitality – as a potentially fruitful way of thinking about doing and acting-together.

In particular, I examine the specificity of gestures of assembling, which improvise in order to conceive-realize in the same movement. Around a making-together that is a ‘making-with that and those who are already there’, a micropolitics of gestures is invented – deploying a myriad of relations whose common thread is improvisation. Gestures slowly feeling their way suspend habits and give rise to something new. They are, in this sense, a privileged place for experimentation and observation in terms of what I seek to describe through the notions of ‘acting-with’ and agency: multiple ways of living and practicing an openness to the unpredictable. At a time when discourses about space are increasingly instrumentalized, especially under the paradigm of the neoliberal city and since the 1980s, this thesis proposes an approach to space as relation in order to think about figures, forms and uses of the openness of space whose “lexicon remains to be invented” (Nancy).

My research draws on a critical approach in the phenomenology of space and body in Husserl and Merleau-Ponty, on the important contributions of Beauvoir and Arendt in thinking about relationality and plurality, and on the recent works of Barad and Haraway around spatiality and agency. My research is rooted in a personal and collective practice of conception-construction in architecture, in the concrete gestures and practices of assemblage and their echoes with other contemporary practices (especially dance and sculpture) and their multiple forms of assembling in order to explore why and how it is relevant to conceptualize the notion of ‘accueil’ as a political philosophy (Derrida, Nancy, Arendt, Barad).

I examine what phenomenology has been able to say about the perception of space, and how the political turn brought about by Beauvoir and Arendt, starting from plurality, has opened up new paths for thinking about relationality. In particular, with respect to their respective projects, I examine how the matter’s agency [mattering] and relational ontology developed by Karen Barad echoes Arendt’s thinking on action and the political and how they can help us think about ‘accueil’ departing from gestures of assembling.

In doing so, I try to show that ‘accueil’ is not hospitality, enabling us to think about sharing space and to provide resources for acting-together. The notion of ‘accueil’ is traversed by figures of the new and the open, revealing how spaces are shaped and how they shape us in return. Moments of assembling are moments of suspension, in which we can concretely experience both doing and acting as political action, catching a glimpse of what Barad calls ‘spacetimemattering’, which reshuffles the cards of materiality/materialization. Through all this, I examine if and how questioning the figures of the ‘heap’ , of 'struction' and suspension, the co-emergence of a doing that makes and unmakes gestures while doing them, as well as the micro-politic of experienced gestures enables us to think about the subversive potential of ‘accueil’.

Mots clés en français :accueil, espace, gestes, assemblage, agir, spacetimemattering,
Mots clés en anglais :   hospitality, space, gestures, assembling, action, spacetimemattering,