Mécanismes élémentaires de la migration des joints de grains couplée au cisaillement
La migration de joint de grains couplée au cisaillement dans des bicristaux d'aluminium a été étudiée à l'échelle microscopique par une double approche mêlant des simulations atomistiques de dynamique moléculaire et des expériences de déformation in-situ dans le microscope électronique en transmission (MET).
Les simulations ont consisté en la caractérisation de l'effet de l'introduction d'un dipôle de disconnections sessiles sur la migration du joint de flexion symétrique $Sigma$41[001](540) à 0 K. L'utilisation de la technique Nudged Elastic Band a permis de déterminer le chemin d'énergie minimum de la migration et de révéler le mécanisme microscopique sous-jacent. La description de ce dernier en terme de composition / décomposition et propagation des disconnections s'avère fructueuse et montre en particulier que le dipôle introduit agit comme un site de nucléation préférentiel pour les disconnections mobiles réalisant la migration. Bien que l'introduction du dipôle ait peu d'effet sur la contrainte critique de migration il apparaît en revanche que l'impact sur l'énergie d'activation soit plus conséquent avec une diminution pouvant aller jusqu'à moins de la moitié de la valeur calculée pour la migration du joint idéal. Par ailleurs il est aussi montré qu'une disconnection préexistante glissant dans le joint subit une force de friction de la part du dipôle soulignant l'ambivalence de ce défaut sur la dynamique du joint.
Les expériences de déformation in-situ MET sont conduites sur des lames minces extraites de deux bicristaux différents : le $Sigma$3[110](1$bar{1}$1) (joint de macle) et le $Sigma$41[001](540). Au microscope les lames sont sollicitées en traction sous des températures situées entre 200°C et 480°C. Le joint $Sigma$3[110](1$bar{1}$1) se montre globalement assez peu mobile malgré l'observation de macro-marches associées à des dislocations intergranulaires se déplaçant occasionnellement. D'un autre côté une intense activité de plusieurs familles de disconnections en mouvement dans le joint est observée dont une famille de type $frac{1}{6}<211>$ identifiée par l'analyse de l'asymétrie de leur contraste pour différents vecteurs de diffraction ($pmb{g}$). Ces résultats sont compatibles avec la présence d'un mélange de marches de signe et hauteur différents au sein d'une même famille. La traction du joint $Sigma$41[001](540) a parfois montré des évènements de migration couplée au cisaillement dont la valeur du couplage mesuré est proche de prédictions effectuées à partir du modèle des disconnections. Dans les deux bicristaux étudiés il est remarqué que la dynamique du joint ainsi que la distribution des disconnections dans son plan sont corrélés aux interactions avec défauts environnants tels que les dislocations intragranulaires ou les sous-joints. Des exemples de telles interactions sont décrits et leur rôle possible dans la migration des joints discuté. Enfin une configuration particulière des disconnections, en réseau d'hexagones irréguliers, observée dans le joint $Sigma$3[110](1$bar{1}$1) est analysée. L'exploitation des contrastes MET permet de conclure qu'il s'agit de trois familles de disconnections de type $frac{1}{6}<211>$ ayant un rôle potentiel dans l'accommodation d'une légère déviation dans l'orientation du plan du joint. |