Les terres rares (TR) sont des métaux critiques utilisés dans les nouvelles technologies, dont les énergies renouvelables, et produites surtout en Chine et en Australie. Les TR sont divisées en TR légères (La-Eu) et TR lourdes (Gd-Lu). Ces-dernières sont plus rares, et ont plus d’applications. Les gisements de TR peuvent être primaires, formés à haute température (ignés, carbonatites, systèmes alcalins) ou secondaires, de plus basse température (placers, argiles à adsorption d’ions). Le type et le tonnage des gisements de TR dépendent de nombreux paramètres comme la source du magma, les processus magmatiques, la circulation de fluides hydrothermaux, et/ou l’altération. Les granites alcalins sont les gisements primaires les plus riches en TR lourdes. Actuellement, si le rôle des processus magmatiques est accepté pour la concentration et le fractionnement des TR, celui des fluides hydrothermaux pose question.
Ce manuscrit se concentre sur l’importance relative des fluides hydrothermaux par rapport aux processus magmatiques pour le comportement des TR. Pour cela, une étude détaillée de la pétrographie et des inclusions fluides de six complexes alcalins est effectuée. Ces complexes sont Amis (Namibie), Evisa (Corse), Khan Bogd (Mongolie), Strange Lake (Canada), et Ambohimirahavavy et Manongarivo (Madagascar). La comparaison entre ces six complexes permet une conclusion générale sur l’origine de l’enrichissement et du fractionnement des TR dans les complexes alcalins.
Cette étude montre que la minéralogie principale des six complexes est similaire. Elle est formée de quartz, feldspath alcalin, amphibole-Na, aégyrine, et d’un zirconosilicate complexe (elpidite ou eudialyte). La plupart des minéraux accessoires sont communs à tous les complexes, avec quelques variations. Les principaux sont le pyrochlore, le zircon, et les oxydes de Fe et/ou Ti. L’amphibole, l’eudialyte, l’elpidite et les feldspaths se sont formés au stade magmatique. Le quartz et l’aégyrine sont zonés et ont cru du stade magmatique à hydrothermal ; les feldspaths et les zirconosilicates primaires ont été altérés au stade hydrothermal. Ces-derniers sont souvent remplacés par un assemblage de minéraux variés (silicates, oxydes, halides, carbonates, phosphates) formant des pseudomorphoses. L’étude détaillée de la zonation et l’altération des amphiboles et des aégyrines, qui fait l’objet d’un article publié, montre que les fluides hydrothermaux mobilisent et fractionnent en effet les TR. Une estimation quantitative confirme leur importance par rapport aux processus magmatiques. Une étude similaire sur le zircon montre que ces processus sont principalement locaux, car la composition en TR du zircon dans les pseudomorphoses dépend du minéral qu’il remplace. Ces conclusions démontrent l’importance de l’étude de minéraux communs afin de mieux contraindre les processus géologiques.
La composition et l’origine des fluides hydrothermaux fait l’objet d’une étude au travers de l’analyse microthermométrique et MEB d’inclusions fluides piégées dans du quartz. Cette étude montre que bien que la salinité des fluides varie beaucoup, ils circulent tous à une température relativement basse (< 400 °C). Au moins deux fluides ont circulé dans les six complexes, l’un riche en Na et K, et le second en Ca et Na. A Madagascar et Strange Lake, il a été établi que le fluide riche en Na et K est orthomagmatique, tandis que celui riche en Ca et Na est secondaire.
En conclusion, ce manuscrit montre que l’enrichissement et le fractionnement des TR dans les granites et pegmatites alcalins sont liés à la circulation de deux fluides, riches en Na-K ou Ca-Na, à des températures inférieures à 400 °C. Ce deuxième fluide contient des ligands de TR comme F, OH ou Cl, connus pour transporter les TR. Leur influence est en grande partie locale, mais certains indices comme la présence de phases à TR dans des fractures montre que la mobilisation et le fractionnement peuvent avoir lieu à plus grande échelle. |
The rare earth elements (REE) are critical resources used in many modern technologies, including high tech and renewable energy infrastructure. Their worldwide production is currently mostly restricted to China and Australia. The REE are divided in two groups, i.e. light REE (LREE, La-Eu) and heavy REE (HREE, Gd-Lu), the latter being rarer and with more industrial uses. REE deposits can be primary high temperature (igneous, carbonatites and alkaline systems) or secondary low temperature (placers and ion-adsorption). Type and grade of REE resources depends on many parameters including primary igneous source, magmatic processes, hydrothermal fluids circulation, and/or weathering. Among primary high temperature deposits, alkaline granites and associated pegmatites are the richest in HREE. Although it is accepted that magmatic processes are fundamental in concentrating the REE, the role of hydrothermal fluids in concentrating and fractionating these elements remains unclear.
This manuscript investigates the importance and characteristics of hydrothermal fluids in concentrating and fractionating the REE relatively to magmatic and source processes. To do so, petrography and fluid inclusions are studied in six alkaline complexes worldwide, namely Amis (Namibia), Evisa (Corsica), Khan Bogd (Mongolia), Strange Lake (Canada), and Ambohimirahavavy and Manongarivo (Madagascar). The comparison of these complexes allows to draw general conclusions about REE enrichment and fractionation in alkaline complexes.
This study shows that the main mineralogy is similar in all complexes and is made of quartz, alkali feldspar, Na-amphiboles, aegirine, and a complex zirconosilicate (elpidite or an eudialyte-group-mineral, EGM). Despite local variations, many accessory minerals are also common to most of these alkaline complexes, such as pyrochlore-group-minerals, zircon, and Fe and/or Ti-oxides. Amphibole, EGM, elpidite and feldspars grew exclusively during magmatic stage. Quartz and aegirine are zoned and grew from magmatic to hydrothermal stages; feldspars and primary zirconosilicates got hydrothermally altered. Primary zirconosilicates are commonly replaced by an assemblage of secondary minerals forming pseudomorphs. They present a wide variety of chemistries (silicates, oxides, halides, carbonates, phosphates). The detailed study of zoning and alteration of amphiboles and aegirine, which is the topic of a published paper, shows that hydrothermal fluids do mobilize and fractionate the REE. A quantitative estimation confirms their high importance compared with magmatic processes. A similar study of zircon highlights the local influence of these processes, as the REE composition of zircon in pseudomorphs depends on the REE composition of the replaced mineral. These observations point out the importance of studying rock-forming minerals such as pyroxenes and amphiboles to unravel geological events controlled by common processes.
Composition and origin of hydrothermal fluids is explored through microthermometric and SEM studies of fluid inclusions in quartz of the six complexes. They reveal that although their salinity varies a lot, fluids circulate at a relatively low temperature (<400 °C). All investigated complexes experienced the circulation of at least two fluids, one Na- and K-rich, and one Ca- and Na-rich. At the Malagasy complexes and Strange Lake, it has been established that the Na-K-bearing fluid is orthomagmatic and the Ca-Na-bearing one is secondary.
In conclusion, this work shows that REE enrichment and fractionation in alkaline granites and associated pegmatites is linked to the circulation of a Na-K-rich and a Ca-Na-rich fluid, at temperatures below 400 °C. This fluid contains REE ligands such as F, OH, Cl that fractionate the REE. Their influence is mostly local, but evidences such as REE-bearing phase in fractures point to a more global mobilization and fractionation. |