Durant le siècle dernier, les évènements climatiques extrêmes et les modifications du paysage dues aux activités humaines ont grandement augmenté. Ces changements rapides et imprévisibles représentent de nouvelles pressions de sélection pour la faune sauvage et peuvent menacer leur survie. Comprendre comment les animaux sauvages font face à ces perturbations et leurs conséquences sur les traits d’histoire de vie et la dynamique des populations est une étape nécessaire pour évaluer leur potentiel évolutif dans un monde changeant. Un mécanisme important permettant de s’adapter aux changements environnementaux est la réponse de stress, qui consiste en une suite de réponses physiologiques et comportementales ayant pour but de maximiser la survie immédiate. Un axe physiologique majeur de cette réponse est l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien qui déclenche la sécrétion d’hormones glucocorticoïdes. Parce que ces hormones régulent la mobilisation et la distribution de l’énergie, elles sous-tendent des compromis évolutifs entre des fonctions clés telles que l’immunité et la reproduction. Cependant, tous les individus ne répondent pas de la même manière aux situations de stress, menant à de grandes différences inter-individuelles. De plus, l’environnement naturel offre également des moyens de répondre au stress (e.g. présence de refuge). La diversité des patterns de stress dépend donc d’une interaction complexe entre variables environnementales et individuelles. L’objectif général de ma thèse était de comprendre les déterminants des différences inter-individuelles des niveaux de stress basal, et d’identifier des conséquences chez un mammifère longévif, le chevreuil Européen. Cette étude a analysé différentes mesures de stress et leurs liens avec les caractéristiques environnementales et individuelles, en combinant l’observation de trois populations sauvages et l’expérimentation sur des chevreuils captifs.
J’ai trouvé que des indicateurs du niveau de stress (ratio N :L et métabolites fécaux des glucocorticoïdes [FCMs]) étaient répétables et associé à la réponse comportementale à la capture. Les niveaux de stress étaient également plus élevés durant les années de faible disponibilité en ressources. J’ai aussi trouvé que les FCMs des chevreuils augmentaient avec la proximité avec l’Homme, mais que cet effet était tamponné par des ajustements comportementaux tels que l’utilisation des forêts et l’adoption d’une activité nocturne.
Deuxièmement, j’ai montré que les caractéristiques environnementales et individuelles étaient des déterminants du niveau de stress basal dès les premières semaines de vie. Le cortisol salivaire des faons était plus élevé quand ils étaient plus proche des structures anthropiques et présentaient un comportement actif face à la capture.
Enfin, j’ai montré que la co-variation entre immunité et FCMs dépendaient des caractéristiques environnementales et individuelles. Dans un environnement pauvre, des valeurs élevées de FCMs étaient liées à une faible immunité. Cet effet était exacerbé chez les individus en mauvaise condition physique, vieux, ou ayant un faible accès à la nourriture. Une approche expérimentale m’a permis de montrer des relations étroites entre changement de FCMs et d’immunité, positifs pour la branche adaptative, mais négatifs pour la branche innée.
Globalement, mes résultats montrent l’importance de considérer à la fois caractéristiques individuelles (comportement, âge, masse corporelle) et environnementales (activités humaines et disponibilité en ressources) pour mieux comprendre les différences inter-individuelles des niveaux de stress basal et leur conséquences sur des traits lié à la valeur sélective (immunité). Bien qu’ajoutant de la complexité une telle approche est cruciale pour réconcilier les résultats contradictoires trouvés dans la littérature, et pour ouvrir la porte à de futures études sur le potentiel évolutif des populations sauvages dans un contexte de perturbations environnementales. |
Over the last century, extreme climatic events and landscape modifications due to anthropogenic activities have dramatically increased. These rapid and unpredictable changes in the environment are new selective pressures for wild animals, and can threaten their survival and affect population dynamics. Understanding how wild animals cope with these perturbations and their consequences on life history traits and population dynamics is a necessary step to evaluate their evolutionary potential in a changing world. An important mechanism for adaptation to environmental changes is the stress response, which consist of a suite of physiological and behavioural responses that aim to maximise immediate survival. One of the main physiological pathways of the stress response is the hypothalamic-pituitary-adrenal axis, which triggers the secretion of glucocorticoid hormones. Because these hormones drive the mobilisation and distribution of energy, they underlie trade-offs between key functions such as immunity and reproduction. However, not all individuals respond in the same way to stressful situations, resulting in large among-individual differences. In addition, the natural environment not only offers a great deal of variability in stressors, but also means of responding to stress (e.g. the presence of shelters). In turn, the diversity of stress patterns depends on a complex combination of environmental variables and individual factors. The general aim of my thesis was to understand the determinants of the great among-individual differences in baseline stress levels, and to identify some consequences in a long-lived mammal, the European roe deer. The study analysed several measures of stress and their links with environmental and individual characteristics, and combined observation in three wild population and experimentation in captive roe deer.
Using an integrative approach, I found that proxies of stress level (N:L ratio and faecal cortisol metabolites [FCMs]) were moderately repeatable and weakly associated with behavioural response to capture. In two populations, stress levels were higher during years of poor resources quality. I also found that FCMs of roe deer increased with proximity to human infrastructures, but this effect was buffered by behavioural adjustments such as using forest as refuge and adopting nocturnal activity patterns.
Secondly, I showed that environmental and behavioural characteristics were already determinant of baseline stress levels since the first weeks of life. Salivary cortisol was higher in fawns when they were closer to anthropogenic structures and exhibited proactive behaviour. Although fawn phenotype may also be shaped by maternal stress, the small data set of 30 mother-fawns pairs did not enable to show such as relationship.
Finally, I showed that the co-variation between immunity and FCMs, depended on individual and environmental characteristics. In a poor environment, high FCMs were related to a low immunity, both for innate and adaptive arms. This effect was exacerbated in individuals with low body condition, old individuals, and those with low food availability. Using experimental approach on captive roe deer, I showed close relationships between changes in FCMs and immunity, positive for adaptive arm, but negative for the innate arm.
Overall, my results highlight the importance of considering both individual (behaviour, age, body condition) and environmental (proxies of anthropogenic disturbance, presence of refuges in the environment, food resources availability) characteristics to better understand the among-individual variations of baseline stress levels and their consequences on fitness related traits (immunity). While adding complexity, such an integrative approach is crucial in reconciling conflicting results found in the literature, and paving the way for future studies on the evolutionary potential of wild populations in a context of increasing environmental disturbances. |