Soutenance de thèse de Aurélie BERNARD

Désobéir aux simulacres dans les zones à défendre


Titre anglais : Disobeying simulacrum in areas to be defended
Ecole Doctorale : ALLPHA - Arts, Lettres, Langues, Philosophie, Communication
Spécialité : Philosophie
Etablissement : Université Toulouse II Jean Jaurès
Unité de recherche : EA 3051 - ERRAPHIS - Équipe de Recherches sur les Rationalités Philosophiques et les Savoirs
Direction de thèse : Hourya BENTOUHAMI- Begonya SAEZ TAJAFUERCE


Cette soutenance a eu lieu vendredi 08 juillet 2022 à 15h00
Adresse de la soutenance : 5 Allées Antonio Machado, 31100 Toulouse - salle Visioconférence

devant le jury composé de :
Hourya  BENTOUHAMI   Maîtresse de conférences   Université Toulouse II Jean Jaurès   Directeur de thèse
Manuel CERVERA-MARZAL   Chargé de recherche   FNRS - Departament PragmaPolis   Rapporteur
Jean-Christophe ANGAUT   Maître de conférences   Ecole Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines - Lyon   Examinateur
Sylvaine BULLE   Professeure   Ecole Nationale Supérieure d'Architecture Paris Val de Seine   Président
Pascal NICOLAS – LE STRAT   Professeur   Université de Paris 8   Examinateur
Begonya SAEZ TAJAFUERCE   Professeure des universités   Université Autonome de Barcelone   CoDirecteur de thèse


Résumé de la thèse en français :  

Tout au long de mes six années de recherche de thèse, je me suis consacrée à l'étude de la désobéissance libertaire sur les zones à défendre (ZAD), à la façon dont elle s'établit et prend forme, et dont émerge une réponse potentielle au développement des simulacres. J'ai mené mes recherches en utilisant l'ethnographie comme ressource méthodologique. Elle passe par l'observation d'une routine et de quelque chose qui transgresse cette routine. C’est en observant et en vivant sur ces lieux d’occupations que je me suis appuyée sur, non pas la routine elle-même, mais sur le discours et ses transgressions dans l’acte. Ce discours est fondé sur l'émancipation, la liberté, l'autogestion, l'organisation d'une vie non autoritaire et non hiérarchique, sur la critique du capitalisme, de la société de consommation, de l'État et de toutes les formes de domination. Le racisme, la lutte des classes, les agressions sexistes émergent des transgressions. C'est ce qui m'a permis d'établir la représentativité de l'interprétation.
J'ai choisi d'étudier les relations de pouvoir entre l'expansion de la frontière capitaliste par l'appropriation de la terre, des corps, de la pensée et des actions, et les façons dont les occupant.es tentent de se défendre tout en créant des communs. Mes recherches se fondent sur des témoignages de luttes, des expériences que j'ai moi-même vécues, des connaissances érudites, des récits verbaux, locaux et écrits, des connaissances qui sont souvent disqualifiées par les médias. Jean Baudrillard nous permet de comprendre comment les simulacres ont envahi notre quotidien en se dissolvant dans la réalité. À l'instar de la mise en abyme de David Cronenberg dans son film eXistenZ (1999), dans laquelle les individus s'identifient à l'image cinématographique par le jeu, Jean Baudrillard, dans son livre Simulacres et Simulation, écrit que le monde de la télévision et de la communication instantanée entrave notre capacité à nous projeter dans notre environnement direct. En se substituant au réel, l'image-simulacre s'approprie les signes du réel tout en le court-circuitant, empêchant le réel de se reproduire. Les simulacres transforment le monde en une hyperréalité dans le sens où les individus perdent tout contact avec la réalité par leur reproduction continue. L'identification à ces simulacres entraîne, d'une part, des modifications des corps et des identités et, d'autre part, redéfinit la relation entre la sexualité et les individus. Cette identité incomplète ébranle nos identités car "Le simulacre inclut en lui-même le point de vue différentiel ; l'observateur fait partie du simulacre lui-même, qui est transformé et déformé par son point de vue". (Deleuze, Gilles, 1969, p.298).
Face à cette absence de réalité qui soutient les représentations, les occupant.es tentent de révéler l'hyperréalité qui conditionne notre rapport au monde. En s'opposant à la "réorganisation de la représentation de l'homme et du monde" (Tibon-Cornillot, Michel, 1992, p.35), iels parviennent à se substituer des automates. C'est-à-dire des simulacres qui "cachent la cause première de leur mouvement et nous font croire à leur organicité" (Beaune, Jean-Claude, 1980, p.7). Face à une frontière matérielle, les ZAD nous transportent vers une frontière imaginaire, subversive, corporelle et émotionnelle. De L'Entr'aide aux pressentiments d'Elisée Reclus, en passant par la Commune de Paris, les ZAD font revivre l'histoire des luttes passées en les dépassant, réordonnant les expériences pour affronter les problèmes actuels.
L'hypothèse qui sous-tend cette thèse pourrait peut-être être formulée comme suit : La lutte par l'occupation permet-elle de détruire un certain nombre de simulacres de la société de consommation et d'exposition (Harcourt, Bernard E., 2020) ?

 
Résumé de la thèse en anglais:  

Throughout my six years of dissertation research, I have focused on the study of libertarian disobedience in Zones to Defend (ZADs), how it is established and takes shape, and how a potential response to the development of simulacra emerges. I conducted my research using ethnography as a methodological resource. It involves the observation of a routine and of something that transgresses that routine. It is by observing and living in these places of occupation that I have relied, not on the routine itself, but on the discourse and its transgressions in the act. This discourse is based on emancipation, freedom, self-management, the organization of a non-authoritarian and non-hierarchical life, on the critique of capitalism, of the consumer society, of the State and of all forms of domination. Racism, class struggle, sexist aggressions emerge from transgressions. This is what allowed me to establish the representativeness of the interpretation.
I chose to study the power relations between the expansion of the capitalist frontier through the appropriation of land, bodies, thought and actions, and the ways in which occupiers attempt to defend themselves while creating the commons. My research is based on testimonies of struggles, my own experiences, scholarly knowledge, verbal, local and written accounts, knowledge that is often disqualified by the media. Jean Baudrillard allows us to understand how simulacra have invaded our daily lives by dissolving into reality. Like David Cronenberg's mise en abyme in his film eXistenZ (1999), in which individuals identify with the cinematic image through play, Jean Baudrillard, in his book Simulacra and Simulation, writes that the world of television and instant communication hinders our ability to project ourselves into our direct environment. By substituting itself to the real, the image-simulacra appropriates the signs of the real while short-circuiting it, preventing the real from reproducing itself. The simulacra transform the world into a hyperreality in the sense that the individuals lose all contact with reality by their continuous reproduction. The identification with these simulacra leads, on the one hand, to changes in bodies and identities and, on the other hand, redefines the relationship between sexuality and individuals. This incomplete identity shakes our identities because "The simulacrum includes in itself the differential point of view; the observer is part of the simulacrum itself, which is transformed and deformed by his point of view". (Deleuze, Gilles, 1969, p.298).
Faced with this absence of reality which supports the representations, the occupants try to reveal the hyperreality which conditions our relation to the world. By opposing to the "reorganization of the representation of the man and the world" (Tibon-Cornillot, Michel, 1992, p.35), they manage to substitute themselves automatons. That is to say simulacra that "hide the first cause of their movement and make us believe in their organicity" (Beaune, Jean-Claude, 1980, p.7). In front of a material border, the ZADs transport us towards an imaginary, subversive, corporal and emotional border. From L'Entr'aide to Elisée Reclus' presentiments, via the Paris Commune, the ZADs revive the history of past struggles by going beyond them, reordering experiences to confront current problems.
The hypothesis underlying this thesis could perhaps be formulated as follows: Does the struggle through occupation allow for the destruction of a certain number of simulacra of the consumer and exhibition society (Harcourt, Bernard E., 2020)?

Mots clés en français :Simulacres, Désobéir, Zones à défendre,
Mots clés en anglais :   Simulacrum, Disobeying, Areas to be defended,