La symbiose mycorhizienne à arbuscules (MA) est une association bénéfique établie entre les membres d’un ancien phylum de champignons, les Gloméromycètes, et les racines de la majorité des plantes terrestres. Les champignons MA procurent de l’eau et des minéraux (azote et phosphore principalement) à leur plante hôte et obtiennent de cette dernière des molécules carbonées sous forme d’hexoses et de lipides. Des études récentes ont montré que certaines protéines sécrétées par les champignons MA
peuvent être des régulateurs importants de l’association (Kloppholz et al., 2011 ; Tsuzuki et al., 2016). Notre objectif était d’identifier de nouvelles protéines fongiques contribuant à la mise en place de la symbiose. Des protéines prédites pour être préférentiellement sécrétées par le champignon MA Rhizophagus irregularis dans les racines ont été identifiées au début de ma thèse (Kamel et al., 2017). Certaines d’entre-elles présentaient une structure ressemblant aux précurseurs de phéromones sexuelles d’Ascomycètes. Ces protéines sont connues pour être maturées dans les voies de sécrétion en petits peptides qui sont ensuite sécrétés. Leur reconnaissance par un récepteur couplé à la protéine G (GPCR) aboutit à la fusion cellulaire de deux types sexuels opposés. Dans le cas de R. irregularis, seule la reproduction clonale a été décrite, mais des données génomiques récentes remettent en question son statut d’organisme asexué (Ropars et al., 2016). Une grande partie de ma thèse a été dédiée à la caractérisation fonctionnelle de ce type de peptides chez R. irregularis. Nous avons montré que deux peptides étaient effectivement produits et sécrétés par R. irregularis. L’utilisation de peptides synthétiques nous a permis de mettre en évidence que l’un d’eux stimulait la colonisation de M. truncatula mais était également perçu par le champignon lui-même, induisant la transcription de son propre gène précurseur et d’un GPCR. Ce peptide stimulateur de la symbiose est composé de seulement trois acides aminés et il peut être produit à partir de trois précurseurs protéiques. Par des approches de génétique inverse (HIGS et VIGS), nous avons confirmé l’importance de ces précurseurs dans l’établissement de la symbiose. Enfin, des approches de séquençage ARN, menées pour identifier les voies régulées par le peptide, ont révélé que ce dernier induisait l’expression de gènes connus pour être associés à la reproduction sexuée chez d’autres champignons.
Nous avons ensuite mené une analyse bioinformatique pour identifier ce type de précurseurs de peptides dans 250 génomes fongiques. Cette étude révèle que les Gloméromycètes ne sont pas les seuls champignons à avoir acquis une diversité de protéines ayant une structure similaire à celle des précurseurs de phéromones sexuelles. Enfin, nous avons découvert que les champignons MA ont une caractéristique singulière, celle de posséder des gènes appartenant à la famille CLE. Ces gènes sont connus chez les plantes pour coder des hormones peptidiques régulatrices de nombreux processus développementaux. Nous avons montré que l’un de ces peptides, produit par R. irregularis, modifie le développement racinaire et
stimule la colonisation de M. truncatula.
En conclusion, nous avons découvert plusieurs peptides sécrétés par les champignons MA impliqués dans l’établissement de la symbiose. Certains d’entre eux sont des peptides CLE comme ceux connus chez les plantes. D’autres proviennent de la maturation de protéines à séquences répétées habituellement connues comme précurseurs de phéromones sexuelles. Nos résultats mettent donc en évidence que les champignons MA et les plantes partagent certaines hormones peptidiques. De plus, ils apportent des arguments soutenant l’éventuelle existence d’une reproduction sexuée chez les champignons MA, mais ils étayent également l'hypothèse que de nombreux peptides fongiques maturés comme des phéromones sexuelles jouent en fait d'autres rôles biologiques. |
Arbuscular Mycorrhizal (AM) symbiosis is a beneficial association established between members of an ancient phylum of fungi, the Glomeromycota, and the roots of the majority of terrestrial plants. AM fungi provide water and minerals (mainly nitrogen and phosphorus) to their host plant in exchange for organic carbon in the form of hexoses and lipids.
Recent studies have shown that certain proteins secreted by AM fungi are important symbiosis regulators (Kloppholz et al., 2011, Tsuzuki et al., 2016). Our aim was to identify new fungal proteins involved in the establishment of symbiosis. Proteins predicted to be preferentially secreted by the AM fungus Rhizophagus irregularis in the roots were identified at the beginning of my thesis (Kamel et al., 2017). We noticed that some of them had a structure resembling the sex pheromone precursors of Ascomycota. These proteins are known to be processed in the secretory pathway into small peptides which are then secreted. Their recognition by a G protein-coupled receptor (GPCR) leads to cell fusion of two opposite sex types. In the case of R. irregularis, only clonal reproduction has been described. However, recent genomic data question its status as an asexual organism (Ropars et al., 2016).
A large part of my thesis was dedicated to the functional characterization of this type of processed peptides in R. irregularis. We show that two of them are actually produced and secreted by R. irregularis. Treatments with synthetic forms of these peptides revealed that one of them stimulated the colonization of M. truncatula but was also perceived by the fungus itself, inducing the transcription of its own precursor gene and of a GPCR gene. This symbiosis-stimulating peptide is composed of only three amino acids and can be produced from three different protein precursors. Using reverse genetics (HIGS and VIGS), we confirmed the importance of these precursors in the symbiosis establishment. Finally, by using a RNA sequencing approach to identify pathways regulated by the peptide, we showed that the peptide induces expression of genes known, in other fungi, to be associated with sexual reproduction.
We then conducted a bioinformatics analysis to identify this type of precursor peptides in 250 fungal genomes. We found that Glomeromycota are not the only fungi that have acquired a diversity of proteins having a structure similar to sexual pheromone precursors.
Finally, we discovered that AM fungi have a singular characteristic among fungi: they possess genes belonging to the CLE family. These genes are known in plants to encode peptide hormones that regulate many developmental processes. We showed that one of
these peptides, produced here by the fungus R. irregularis, modifies root development and stimulates colonization of M. truncatula.
In conclusion, we discovered several peptides secreted by AM fungi involved in the
establishment of symbiosis. Some of them are CLE peptides like those known in plants. Others come from the processing of proteins with repeated sequences usually known as precursors of sex pheromones. Our results therefore show that AM fungi and plants share certain peptide hormones. In addition, they provide some arguments supporting the possible existence of sexual reproduction in AM fungi, but they also support the hypothesis that many fungal peptides processed as sex pheromones, in fact, play other biological roles. |