Le prix du lait conventionnel payé aux éleveurs a atteint des niveaux historiquement bas en 2009, puis en 2014-2016. Les élevages laitiers se sont trouvés dans une situation de vulnérabilité économique élevée, c’est-à-dire une capacité réduite à faire face ce contexte de production. En parallèle, le marché du lait AB était porteur et sécurisant du fait d’une augmentation importante des consommations et de prix payés aux éleveurs plus élevés et plus stables. De nombreux éleveurs ont donc entrepris de se convertir à l’AB. Or, la conversion est une période de changements de pratiques, d'interlocuteurs de conseil, etc. sans valorisation immédiate (1 an ½ à 2 ans) du lait au prix du lait AB. Cumulé à une situation économique difficile en début de conversion, ce choix pose la question de la vulnérabilité des élevages laitiers à des aléas internes (respect d'un nouveau cahier des charges) et des aléas externes (crise du lait, aléas climatiques) avant, pendant et à l’issue de la conversion à l’AB. Dans ces conditions, les conseillers agricoles ont besoin d’informations actualisées et contextualisées sur les stratégies de conversion limitant la vulnérabilité des élevages laitiers.
L'objectif de ma thèse était d'identifier quelles stratégies de conversion limitent la vulnérabilité des élevages laitiers avant, pendant et à l’issue de la conversion à l’AB. J’ai analysé d’une part la perception des éleveurs de la conversion à l'AB comme levier de leur capacité d’adaptation, et d’autre part l’évolution conjointe des pratiques des éleveurs et de la vulnérabilité des élevages laitiers sur plusieurs cas d’étude.
Le suivi (2016-2018) de 19 élevages laitiers en Aveyron depuis leur début de leur conversion en 2016 m’a permis de montrer qu’à cette époque, les éleveurs la percevaient comme un moyen d’améliorer voire de retrouver de la capacité d’adaptation notamment en sortant de la logique de l’agrandissement et des économies d’échelles. Pendant la conversion, la vulnérabilité perçue par ces éleveurs a globalement diminué aux plans économique, agronomique, zootechnique et social, et ce quelles que soient les pratiques mises en œuvre. En analysant des données de suivis (2008-2013) de 12 élevages laitiers bretons convertis à l'AB en 2009, j’ai montré que leur vulnérabilité technico-économique (cette fois-ci appréciée à partir de performances mesurées) diminuait lors de la conversion bien que des compromis différents entre élevages se révèlent entre leurs situations initiale et à l’issue de la conversion, et entre variables de vulnérabilité : productivité, efficience économique, rentabilité et indépendance vis-à-vis des aides publiques. Enfin, en analysant des données de suivis de 51 élevages laitiers (2000-2013) déjà convertis à l'AB, j’ai montré que les différences de vulnérabilité entre élevages étaient principalement dues aux différences de pratiques d’élevage selon le compromis visé entre productivité autonome et efficience économique. A l’inverse, les différences d’exposition aux aléas climatiques ou économiques, bien que marquées, expliquaient peu les différences de vulnérabilité entre élevages.
Au plan scientifique, mon travail a permis d’établir une méthodologie d’évaluation dynamique de la vulnérabilité des exploitations agricoles opérant une transition agroécologique et de produire des résultats originaux sur l’évolution de cette vulnérabilité durant une transition.
Au plan finalisé, mon travail révèle que les marges de réduction de la vulnérabilité des élevages laitiers permises par la conversion à l’AB sont importantes. Ces résultats pourront servir aux conseillers agricoles et aux décideurs publics afin d’adapter l’accompagnement au développement de l’AB. |
The price of conventional milk paid to producers reached historically low levels in 2009 and again in 2014-2016. Dairy farms have found themselves in a situation of high economic vulnerability, ie a reduced capacity to cope with this production context. At the same time, the AB milk market was buoyant and secure due to a significant increase in consumption and higher and more stable prices paid to farmers. Many breeders have started to convert to the AB. But conversion is a period of changes of practice, of consulting people, and so on. without immediate valorization (1½ to 2 years) of milk at the price of AB milk. Combined with a difficult economic situation at the beginning of conversion, this choice raises the question of the vulnerability of dairy farms to internal hazards (compliance with a new set of specifications) and external hazards (milk crisis, climate hazards) before, during and after conversion to AB. In these circumstances, agricultural advisers need up-to-date and contextualized information on conversion strategies that limit the vulnerability of dairy farms.
The aim of my thesis was to identify which conversion strategies limit the vulnerability of dairy farms before, during and after conversion to AB. I analyzed on the one hand the perception of breeders of the conversion to the AB as a lever of their capacity of adaptation, and on the other hand the joint evolution of the practices of the breeders and the vulnerability of the dairy farms on several case study.
The follow-up (2016-2018) of 19 dairy farms in Aveyron since their beginning of their conversion in 2016 allowed me to show that at that time, the farmers saw it as a way to improve or even to regain the capacity of in particular by going beyond the logic of enlargement and economies of scale. During the conversion, the vulnerability perceived by these breeders decreased overall economically, agronomically, zootechnically and socially, whatever the practices implemented. By analyzing monitoring data (2008-2013) of 12 dairy farms in Brittany converted to AB in 2009, I showed that their technical and economic vulnerability (this time appreciated from measured performances) decreased during the conversion, although different compromises between farms are revealed between their initial situations and at the end of the conversion, and between the variables of vulnerability: productivity, economic efficiency, profitability and independence vis-à-vis public aid. Finally, by analyzing monitoring data from 51 dairy farms (2000-2013) already converted to AB, I showed that the differences in vulnerability between farms were mainly due to differences in farming practices according to the compromise between autonomous productivity and economic efficiency. In contrast, the differences in exposure to climatic or economic hazards, although marked, did not explain the differences in vulnerability between farms.
At the scientific level, my work has established a methodology for dynamically assessing the vulnerability of farms operating an agroecological transition and producing original results on the evolution of this vulnerability during a transition.
At the finalized level, my work reveals that the margins for reducing the vulnerability of dairy farms allowed by conversion to AB are significant. These results can be used by agricultural advisors and public decision makers to adapt support to the development of AB. |