La variabilité intraspécifique du phénotype des individus est à la base de la sélection naturelle, mais est peu évaluée d'un point de vue des conséquences sur le fonctionnement de l'écosystème. Mes recherches se sont attachées à mesurer les différences individuelles et populationnelles de traits phénotypiques chez des invertébrés au sein du réseau trophique détritique et d’en évaluer les conséquences sur le processus de décomposition des litières. Je montre d’abord que la variabilité intraspécifique du taux de consommation de litières est forte par rapport à la variabilité interspécifique mesurée expérimentalement sur un échantillon de 10 espèces de détritivores terrestres et aquatiques. Une autre étude en laboratoire a permis d’établir que les différences de performance entre individus d’une même espèce sont explicables à partir de traits phénotypiques comportementaux et énergétiques. La taille corporelle des individus s’est révélée être moins performante que des traits comportementaux et énergétiques pour expliquer la variabilité inter-individuelle du taux de consommation des litières. Les traits des invertébrés prédateurs peuvent aussi agir sur la décomposition des litières de manière indirecte via des interactions avec les détritivores. Une expérience in situ en ruisseau a permis de montrer que des individus prédateurs arborant différents phénotypes peuvent avoir des effets sur la décomposition qui s’opposent. La variabilité de la cascade trophique était expliquée par les différences de sexe et de rythme de vie, défini par une combinaison de traits de comportement et d'histoire de vie. Finalement, j’ai validé l’hypothèse selon laquelle l'origine de la population de prédateur, le long d'un gradient latitudinal en Europe, pourrait moduler la réponse de la décomposition des litières au réchauffement climatique. L’ensemble de mes travaux mettent en lumière le rôle mésestimé de la variabilité intraspécifique du phénotype à l'échelle de l'individu et de la population en Ecologie. L’individu, plutôt que l’espèce, devrait constituer l’unité de base pour mieux appréhender le contrôle biotique du fonctionnement des écosystèmes et prédire les conséquences écologiques des changements environnementaux. |
The intraspecific variability of the individuals' phenotype is at the root of natural selection, but is poorly evaluated from the point of view of the ecosystem functioning consequences. My research has focused on measuring the individual and population differences in phenotypic traits in invertebrates within the detrital food web and in evaluating their consequences on the litter decomposition process. I first show that the intraspecific variability of the litter consumption rate is high compared to the interspecific variability measured experimentally on a sample of 10 terrestrial and aquatic detritivorous species. Another laboratory study has established that the performance differences between the individuals of the same species can be explained by behavioral and energetic traits. Body size of individuals proved to be less effective than behavioral and energetic traits in explaining inter-individual variability in litter consumption rates. The traits of predatory invertebrates can also act on litter decomposition indirectly through interactions with detritivores. An in situ creek experiment has shown that predatory individuals with different phenotypes can have opposite effects on decomposition. The variability of the trophic cascade was explained by differences in sex and lifestyle, defined by a combination of behavioral and life history traits. Finally, I validated the hypothesis that the origin of the predator population, along a latitudinal gradient in Europe, could modulate the response of litter decomposition to global warming. All of my work highlights the underestimated role of the intraspecific variability of the phenotype at the individual level in Ecology. The individual, rather than the species, should be the basic unit to better understand the biotic control of ecosystem functioning and predict the ecological consequences of environmental change. |