Soutenance de thèse de Sina BADIEI

Économie positive et économie normative chez Marx, Mises, Friedman, et Popper


Titre anglais : Positive Economics and Normative Economics in Marx, Mises, Friedman and Popper
Ecole Doctorale : ALLPHA - Arts, Lettres, Langues, Philosophie, Communication
Spécialité : Philosophie
Etablissement : Université Toulouse II Jean Jaurès
Unité de recherche : EA 3051 - ERRAPHIS - Équipe de Recherches sur les Rationalités Philosophiques et les Savoirs
Direction de thèse : Emmanuel BAROT- Guillaume SIBERTIN-BLANC


Cette soutenance a eu lieu vendredi 18 septembre 2020 à 14h00
Adresse de la soutenance : Paris
devant le jury composé de :
Gilles CAMPAGNOLO   Directeur de recherche   CNRS (UMR 7316), École d'économie d'Aix-Marseille   Rapporteur
Richard SOBEL   Professeur des Universités   Université de Lille   Rapporteur
Uskali MÄKI   Professeur   Université d'Helsinki   Examinateur
Guillaume SIBERTIN-BLANC   Professeur des Universités   Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis   CoDirecteur de thèse
David HYDER   Associate Professor   Université d'Ottawa   Président
Jacques PRADES   Maître de conférences   Université Toulouse - Jean Jaurès   Examinateur


Résumé de la thèse en français :  

Ce travail de thèse prend pour point de départ la distinction, déployée par John Neville Keynes dans son livre The Scope and Method of Political Economy, entre économie positive et économie normative. Il tente de montrer combien il est important de distinguer, comme le souligne Keynes, l'économie positive de l'économie normative, et pourquoi cette distinction, si elle est correctement posée, nous empêche de minimiser l'importance de l'économie normative, ou de réduire tous les désaccords à des désaccords purement positifs.
Il s’agit alors de montrer l’importance d’une étude détaillée de l’économie normative, par l’élaboration d’une évaluation critique de trois tentatives de réduction de l’économie à la seule étude des faits positifs, déployées par Karl Marx, Ludwig von Mises et Milton Friedman. Nous montrons que les divergences importantes entre leurs théories économiques positives se trouvent atténuées par la défense d’une thèse commune : selon eux, le développement de l'économie positive est le seul moyen de résoudre les désaccords sur les aspirations normatives. Nous montrons également que les théories économiques développées par ces économistes ne permettent pas de défendre les positions qu’ils soutiennent.
Marx tâche de montrer que ce qu’il appelle la formation sociale capitaliste est problématique non du point de vue d’un idéal normatif conçu de manière subjective, mais du point de vue des lois qui régissent son devenir historique. Ce travail montre que la critique non-normative qu’il adresse au mode de production capitaliste n’est pas convaincante. Il montre, en outre, que la théorie de la valeur-travail de Marx souffre de multiples faiblesses qui compromettent fortement ses revendications scientifiques.
Mises s’appuie sur la théorie marginale de la valeur afin de construire un édifice théorique qui tâche de montrer que le capitalisme de type laissez-faire est la seule façon d'organiser la vie sociale de façon durable, afin de permettre aux individus de coopérer et de poursuivre leurs buts subjectifs sans mettre la paix sociale en danger. Cette thèse montre que sa défense non-normative du laissez-faire n’est pas probante. Elle montre, de plus, qu’à cause de son hostilité à l’égard de l’économie normative, Mises ne réussit pas à montrer comment l’ordre économique qu’il soutient est censé fonctionner.
Friedman, quant à lui, soutient que ce n'est pas tant le développement de l'économie normative que le développement de l'économie positive qui peut permettre de résoudre les désaccords normatifs, ce qui l’amène à adopter une attitude pessimiste à l’égard de l’économie normative. Ce travail montre qu’à cause de cette attitude, sa défense de ce qu’il appelle le capitalisme de concurrence et sa critique des économies planifiées ne sont pas satisfaisantes. Il montre en outre que ses positions sont inconsistantes : dans ses écrits normatifs, Friedman soutient que l'absence de prédiction fait de la liberté un idéal attrayant, alors qu’il élève la prédiction au rang de méthode épistémologique principale lorsqu'il s'agit d'économie positive.
La dernière section montre que les contributions de Popper à l’épistémologie de l’économie préconisent de distinguer l’économie positive de l’économie normative, et de les développer séparément. Nous montrons que sa contribution la plus importante à l'économie normative, à savoir sa critique de la tradition économique post-utilitariste (qui analyse les dispositions normatives à travers le prisme de deux concepts : le bonheur ou le malheur, plus d’utilité ou moins d’utilité) est capable d'enrichir tous les cadres existants de l'économie normative. La dernière section montre que le traitement des désaccords concernant les réformes institutionnelles à l'échelle de la société nécessite l'ajout d'un troisième concept à l'ensemble des concepts utilisés dans le cadre de la tradition économique post-utilitariste : le malheur ou la souffrance inutile ou non-nécessaire (unnecessary suffering).

 
Résumé de la thèse en anglais:  

This doctoral thesis takes the distinction between positive economics and normative economics as found in John Neville Keynes’s seminal book, The Scope and Method of Political Economy, as its point of departure. It tries to show how important it is to distinguish, as emphasized by Keynes, between positive and normative economics, and why this distinction, if properly posited, prevents us from downplaying the importance of normative economics, or trying to reduce all disagreements to purely positive disagreements. It shows that establishing facts, which is the task of positive economics, is necessary but by no means sufficient to deal with competing and antagonistic normative proposals regarding the measures to be taken to deal with these facts.
To this end, this thesis proposes a critical appraisal of three attempts made by Karl Marx, Ludwig von Mises and Milton Friedman to reduce economics to the study of positive facts only. It shows that in spite of their very different economic theories, all of them have a disparaging view of normative economics, and consider the development of positive economics as the only way of resolving disagreements over normative aspirations. This thesis challenges this position, while showing that the positive economic theories developed by these economists do not allow them to defend the normative positions they espoused.
Marx seeks to show that what he calls the capitalist social formation is problematic not from the perspective of a subjectively conceived normative ideal, but according to the laws that govern its historical becoming. This thesis shows that Marx’s nonnormative critique of the capitalist mode of production is not convincing. It shows, moreover, that Marx’s labor theory of value suffers from various weaknesses that significantly undermine its scientific claims.
Mises relies on the marginal theory of value to build a positive theoretical edifice that strives to show that laissez-faire capitalism is the only kind of social organization that allows individuals to cooperate and pursue their distinct goals without endangering social peace. This thesis shows that his nonnormative defense of laissez-faire capitalism is not compelling. It shows, moreover, that due to his hostility toward normative economics, Mises does not manage to show how the economic order that he advocates is supposed to simply function.
Friedman tries to argue that it is mainly the further development of positive economics that can resolve normative disagreements, which leads him to adopt a very pessimistic attitude toward normative economics. This thesis shows that because of this, his defense of what he calls competitive capitalism and his criticism of centrally planned economies are not satisfactory. It shows, moreover, that there is an inconsistency in his positions: in his normative writings, he argues that it is the lack of prediction that renders freedom an appealing and defendable ideal, whereas when it comes to positive economics, he elevates prediction as the principal method of gauging the scientific character of economic theories.
The final section shows that Popper’s contributions to the epistemology of economics advocate not the subordination of normative economics to positive economics, but the importance of demarcating the two, and of developing each of them separately. Moreover, Popper’s most important contribution to normative economics, namely his criticism of the post-utilitarian economic tradition (which analyzes normative dispositions through the prism of two concepts: happiness or unhappiness, and more or less utility) is capable of enriching all the existing frameworks for normative economics. The final section shows, following Popper, that dealing with disagreements regarding society-wide reforms requires adding a third concept to the standard set used in these frameworks: unnecessary unhappiness.

Mots clés en français :Philosophie politique, École de Chicago d'économie, École autrichienne d'économie, Épistémologie et philosophie de l’économie, École marxienne d’économie, Économie positive et économie normative,
Mots clés en anglais :   Austrian School of Economics, Positive Economics and Normative Economics, Chicago School of Economics, Political Philosophy, Marx and Marxism, Epistemology and Philosophy of Economics,