Soutenance de thèse de Bertrand JAYLES

Investigation théorique et expérimentale des processus de prise de décision collective dans les groupes humains.


Titre anglais : Experimental and theoretical investigation of collective decision-making processes in human groups.
Ecole Doctorale : SDM - SCIENCES DE LA MATIERE - Toulouse
Spécialité : Physique
Etablissement : Université de Toulouse
Unité de recherche : UMR 5152 - LPT - Laboratoire de Physique Théorique


Cette soutenance a eu lieu lundi 11 décembre 2017 à 14h00
Adresse de la soutenance : Université Paul Sabatier, 118 Route de Narbonne, 31062 Toulouse - salle Salle de séminaire IRSAMC

devant le jury composé de :
Clément SIRE   Directeur de Recherche   Laboratoire de Physique Théorique, UMR5152   Directeur de thèse
Jean-Pierre NADAL   Directeur de Recherche   Laboratoire de Physique Statistique, École Normale Supérieure, UMR 8550   Examinateur
Alain BARRAT   Directeur de Recherche   Centre de Physique Theorique UMR 7332   Rapporteur
Pablo JENSEN   Directeur de Recherche   ENS Lyon   Rapporteur
Bertrand GEORGEOT   Directeur de Recherche   Laboratoire de Physique Théorique, UMR5152   Examinateur
Bertrand JOUVE   Directeur de Recherche   FRAMESPA, UMR 5136   Examinateur
Astrid HOPFENSITZ   Maître de Conférences   Toulouse School of Economics   Examinateur
Franck SCHWEITZER   Professeur   ETH Zurich   Examinateur


Résumé de la thèse en français :  

Cette thèse a pour objectif de déterminer sous quelles conditions des interactions contrôlées entre les individus d’un groupe humain peuvent conduire celui-ci à trouver ou se rapprocher de la bonne solution à un problème.
Nous avons analysé l'impact de la quantité et de la qualité de l'information échangée entre individus d’un groupe sur la précision des estimations de celui-ci. Nous avons réalisé des expériences dans lesquelles les sujets devaient estimer des quantités séquentiellement, et pouvaient réviser leurs estimations après avoir reçu de l'information de la part d'autres sujets. Nous contrôlions l'information sociale à l'aide de participants virtuels donnant une information correcte ou incorrecte et cela à l'insu des sujets.
Nous avons étudié l'impact d'une information correcte sur la performance d'un groupe, définie comme la valeur absolue de la médiane du logarithme des estimations. Nous avons montré qu'après influence sociale, la performance collective augmente avec la quantité d'information fournie et que la sensibilité à l'influence sociale des sujets augmente avec la différence entre l'estimation personnelle et l'information sociale. Ces analyses ont permis de définir 5 traits de personnalité : garder son opinion, adopter celle des autres, faire un compromis, amplifier l'information sociale ou au contraire la contredire. Nos résultats montrent que les sujets qui adoptent l’opinion des autres sont ceux qui améliorent le mieux leur performance. Nous avons ensuite utilisé ces analyses pour construire et calibrer un modèle d'estimation collective, qui reproduit quantitativement les résultats expérimentaux et prédit qu'une quantité limitée d'information incorrecte peut contrebalancer un biais cognitif des sujets consistant à sous-estimer les quantités, et ainsi améliorer la performance collective.
Nous avons analysé l'impact d'une information incorrecte sur la performance collective. Les résultats ont validé les prédictions du modèle : la performance collective se dégrade plus vite lorsque l'information délivrée au sujets est inférieure à la vraie valeur recherchée que lorsqu’elle est supérieure. Lorsque les sujets ont peu d'information, leurs estimations suivent une distribution de Laplace, qui est la distribution la plus probable quand un minimum d'information est disponible, puisqu'elle maximise la distribution de probabilité de l'entropie.
Nous avons analysé l'impact de la quantité d'information sur les processus de ségrégation dans des groupes de piétons. Dans les expériences réalisées, on demandait aux sujets de marcher dans des arènes circulaires, soit aléatoirement, soit en suivant une règle prédéfinie. 22 sujets étaient assignés aléatoirement à un groupe parmi deux de même taille, et leurs positions étaient enregistrées avec des tags attachés à leurs épaules, qui émettaient en temps réel un signal sonore lorsque la majorité de leurs k plus proches voisins était de l'autre groupe. Les sujets ignoraient à quel groupe ils appartenaient, et la règle consistait à s'arrêter de marcher lorsque le signal stoppait. Nous avons étudié l'impact de diverses valeurs de k sur la dynamique de ségrégation.
Nous avons caractérisé et modélisé les interactions des piétons avec le bord externe de l’arène et entre eux au cours de la marche aléatoire. A l'aide d'une procédure de minimisation d'erreur, nous avons reconstruit les formes fonctionnelles précises des interactions et construit un modèle fin de mouvement collectif de piétons.
Nous avons analysé la formation de groupes dans la phase de ségrégation, ainsi que l'impact de k sur la performance collective, définie comme le temps de ségrégation et le nombre de groupes à l'instant final, une ségrégation parfaite correspondant à la formation de deux groupes compacts. Les deux mesures atteignent un minimum pour k = 9. Au-delà, le nombre de groupes sature, tandis que le temps de ségrégation augmente, suggérant que k = 9 constitue une valeur optimale pour la performance collective.

 
Résumé de la thèse en anglais:  

The aim of this thesis is to understand under which conditions controlled interactions between individuals of a human group can lead it to find or get closer to the correct solution to a problem.
We first investigated the impact of information quantity and quality on collective estimation accuracy. We performed experiments in which subjects had to estimate quantities sequentially, and could update their estimates after having received information from others. Moreover, unbeknownst to them, we added a controlled number of virtual participants always giving either the true value or incorrect values, and were thus precisely controlling social information.
In a first series of experiments, we focused on the impact of reliable information on a group's performance, defined as the absolute value of the median log-estimate. We found that social influence helps a group improve its collective performance as more information is provided to the subjects. We quantified the subjects’ sensitivity to social influence and found that it increases with the difference between personal estimation and social information. These analyses permitted to define five robust personality traits: keeping one’s opinion, adopting the group’s opinion, making a compromise between the two, overreacting to or contradicting social information. We showed that adopting behavior leads to the best improvement after social influence, and to the best performance. We then used our data to build and calibrate a model of collective estimation, which predicted that providing a moderate amount of incorrect information to individuals can counterbalance a human cognitive bias to systematically underestimate quantities, and thereby improve collective performance.
In a second series of experiments, we tested the model’s predictions and investigated the impact of incorrect information on a group's performance. The results showed that subjects are more sensitive to social information when it is lower than the true value rather than higher, thus validating the model’s predictions. The results also revealed that when subjects' prior information is poor, the distribution of their estimates is Laplacian, which is the expected distribution when a minimum of information is available since it maximizes the entropy probability distribution.
We then investigated the impact of information quantity on clustering and segregation processes in pedestrian groups. We performed experiments in which subjects were asked to walk in circular arenas, either randomly, or following a predefined rule. 22 subjects were randomly assigned one of two groups of equal size, and their positions were tracked with Ubisense tags attached to their shoulders. These tags also delivered in real time an acoustic signal whenever the majority of their k nearest neighbors belonged the other group. The subjects didn't know to which group they belonged and were asked to stop moving when the signal turned off. We studied the impact of various values of k on the spatio-temporal clustering dynamics, thus controlling social information.
The analyses of random walking were used to characterize the local interactions of pedestrians with the border of the arena, when only one single pedestrian was walking in the arena and the interactions between two pedestrians. Following an error minimization procedure, we reconstructed the precise functional forms of these interactions and built an accurate model of pedestrian motion.
We then used this model to analyze the clustering and segregation phase, and investigated the impact of k on the collective performance, defined as the segregation time and number of groups at final time, a perfect segregation being reached when only two groups were formed. We found that both measures reach a minimum for k = 9. Above this value, the number of group saturates, while the segregation time degrades, suggesting that k = 9 is an optimum value for the collective performance.

Mots clés en français :Physique sociale,Comportements Collectifs,Groupes humains,Psychologie sociale,Economie comportementale,Auto-organisation
Mots clés en anglais :   Social physics,Collective behaviour,Human groups,Social psychology,Behavioural economics,Self-organization