Soutenance de thèse de Marie LABATUT

Apports Continentaux de Fer à l'océan : Approche isotopique - Océan Pacifique Équatorial-


Titre anglais : Inputs of Continental Iron into Ocean : Isotopic approach - Equatorial Pacific Ocean
Ecole Doctorale : SDU2E - Sciences de l'Univers, de l'Environnement et de l'Espace
Spécialité : Océan, Atmosphère, Climat
Etablissement : Université de Toulouse
Unité de recherche : UMR 5566 - LEGOS - Laboratoire d'Etudes en Géophysique et Océanographie Spatiale
Direction de thèse : François LACAN
Co-encadrement de thèse : Franck POITRASSON


Cette soutenance a eu lieu vendredi 10 octobre 2014 à 14h00
Adresse de la soutenance : 14 avenue Edouard Belin 31400 Toulouse - salle Coriolis

devant le jury composé de :
François LACAN   CR1   CNRS, LEGOS   Rapporteur
Franck POITRASSON   DR2   CNRS, GET   Rapporteur
Matthieu ROY-BARMAN   Professeur   Université de Versailles-Saint Quentin, Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement   Rapporteur
Damien CARDINAL   Professeur   Université Pierre et Marie Curie, Laboratoire d'Océanographie et du Climat: Expérimentations et Approches Numériques   Rapporteur
Isabelle DADOU   Professeur   Université Paul Sabatier   Examinateur
Eva BUCCIARELLI   Maître de conférence   Université de Bretagne Occidentale   Examinateur


Résumé de la thèse en français :  

Le fer joue un rôle essentiel dans l'océan. En effet, de par sa sensibilité aux réactions d'oxydo-réduction, il joue un rôle sur le cycle géochimique de nombreux éléments (par exemple les terres rares). De plus, le fer est un élément micronutritif essentiel à la production primaire, et donc des variations de ses distributions au sein de l'océan global peuvent perturber la pompe biologique du carbone, et les bilans globaux de carbone. Pourtant, son cycle océanique est toujours mal contraint. Dans le but d'améliorer notre compréhension de celui-ci et notamment de bien quantifier ses sources et son cycle interne au sein de la colonne d'eau, j'ai étudié durant ma thèse la distribution des compostions isotopiques du fer à la fois dans ses sources potentielles, ainsi que dans les phases dissoutes et particulaires de l'eau de mer dans l'océan Pacifique Equatorial ouest.
La rivière Sepik qui s'écoule sur le bassin versant Est de la Papouasie Nouvelle-Guinée (PNG), et les eaux côtières reflétant les apports d'eau via le ruissèlement le long du volcan Rabaul présentent des compositions isotopiques similaires à celle de la croute continentale, soit respectivement δ56Fe = 0.06 ± 0.05 ‰ et 0.07 ± 0.03 ‰. Les sédiments marins profonds prélevés à l'interface sédiments/eau de mer au niveau de la marge de PNG présentent une signature isotopique proche de la valeur crustale mais légèrement plus lourde, 0.14 ± 0.07‰. Enfin, les aérosols marins présentent une signature isotopique lourde dans la mer de Bismarck et dans l'océan Pacifique équatorial, en moyenne 0.31 ± 0.21‰. Ces aérosols sont très probablement d'origine continentale et ce sont vraisemblablement les processus qu'ils subissent au cours de leur transport, tels que la photoréduction ou l'oxydation. Un échantillon d'aérosol isolé, présente une composition isotopique distincte, de 0.16 ± 0.06‰ qui pourrait être attribuée à d'importants feux de biomasse en Amérique du Sud.
Dans l'eau de mer, le Fe est principalement présent sous forme particulaire. Les différences de compositions isotopiques du fer mesurées nous ont permis de distinguer différentes sources de fer dans différentes masses d'eau. La plupart des échantillons semblent être enrichis en fer particulaire d'origine continentale, apporté notamment via le ruissèlement et le transport sur le plateau et le talus continental. Cependant, les aérosols pourraient être responsables d'enrichissements dans les eaux de surface du détroit de Vitiaz et dans les eaux de surface situées plus au large, et l'hydrothermalisme sous-marin est probablement responsable des enrichissements en isotopes légers observés au large de la Nouvelle-Irlande. Dans la quasi-totalité cas, les échantillons de fer présentent une composition isotopique plus lourde dans leur forme dissoute que dans leur forme particulaire. Cette observation suggère un équilibre isotopique témoignant d'échanges permanents entre les deux phases du fer, semblable au modèle de scavenging réversible ou au modèle de « boundary exchange» proposé pour le Nd. Ces échanges seraient associés à un coefficient de fractionnement isotopique de ∆56FeDFe – PFe = 0.27 ± 0.25‰ qui suggère que ces échanges résultent en un flux net de libération non-réductrice du fer dissous estimé, à partir d'un modèle en boîte, comme étant compris entre 60 ± 2 et 1 633 ± 5 µmol de fer dissous par m2 de la marge en contact avec la masse d'eau et par .jours. En extrapolant ces résultats à l'échelle globale, on estime que les processus de libération non-réductrice du fer pourraient apporter en moyenne 366 Tg de fer dissous par an. Ce processus pourrait alors constituer l'une des sources les plus importantes de fer dissous à l'océan, influençant les estimations de temps de résidence et de puits. De plus, de tels processus pourraient également concerner d'autres éléments micronutritifs, que le fer. Il est donc absolument nécessaire de tenir compte des processus de libération non-réductrice du fer dans les bilans globaux.

 
Résumé de la thèse en anglais:  

Iron availability is a limiting factor for phytoplankton growth in some areas of the world ocean, such High Nutrient Low Chlorophyll area, such the eastern Pacific Ocean. It can impact the carbon pump. However, many aspects of the Fe oceanic cycle remain unknown. In particular, significant uncertainties remain about the Fe sources to the open ocean and its internal cycle. In order to improve our understanding about the Fe cycle and to provide a better quantification of its sources, I have studied during my PhD the isotopic composition distributions of Fe in its potential sources and in dissolved and particulate fraction of seawater in the western equatorial Pacific Ocean.
The Sepik River in Papua New Guinea and a coastal seawater reflecting the influence of runoff at the bottom of the Rabaul volcano, Western New Britain, are characterized by crustal values of δ56Fe = 0.06 ± 0.05 ‰ (2SD, n = 4) and 0.07 ± 0.03 ‰ (2SD, n = 2), respectively. Top core margin sediments present a slightly heavier signature of 0.14 ± 0.07‰. Marine aerosols display a heavy isotopic signature on average 0.31 ± 0.21‰ (2SD, n=9). It is likely due to processes that aerosols have undergone between their source (with crustal signature) and their deposition, such photoreduction or oxidation. A light isotopic signature found in an aerosol sample, of 0.16 ± 0.06 ‰, may be attributed to biomass burning in South America.
In seawater, Fe is mainly supplied in the particulate form. The measured isotopic compositions ranged from -0.56 to 0.48 ± 0.07‰ and from -0.25 to 0.79 ± 0.07‰ for the particulate and dissolved Fe, respectively. Differences in the Fe isotopic composition allow to distinguish Fe sources in the different water masses. Most samples seem to be enriched by continentally derived particulate Fe brought by runoff and transported across continental shelves and slopes. However, aerosols are suspected to enrich the surface Vitiaz Strait waters, and more off shore seawaters, in heavy Fe isotopes while hydrothermal activity is likely responsible for a light signature found off New Ireland.
In almost all samples, dissolved Fe is heavier than the corresponding particulate iron. This is opposite to what would have been expected from kinetic dissolution/desorption and rather suggests an isotopic equilibrium between both phases through permanent exchanges between both phases, similarly to reversible scavenging proposed for Pa, Th, REE and Cu or to boundary exchange proposed for Nd. These exchanges appear to be associated with an isotopic fractionation of ∆56FeDFe –PFe = 0.27 ± 0.25‰ (2SD, n=11). Such a fractionation suggests that the exchanges result in a net non-reductive release of dissolved Fe estimated, with a simple box model, between 60 ± 2 and 1 633 ± 5 µmol(DFe) m 2 d 1. Extrapolating such values globally, the non-reductive release could bring 366 Tg of dissolved Fe by year to the oceans. This process seems to be locally significantly more intense than Fe reductive dissolution documented along oxygen poor margins. It may therefore constitute a significant iron source to the ocean, thereby influencing the actual estimation of iron residence time and sinks. The underlying processes could also apply to other elements.
Concerning biological processes in the water column, it appears that autotroph organisms would product lighter Fe in particulate organic matter than bioavailable dissolved Fe, with a fractionation estimated to ∆56FePFe-DFe = -0.11 ± 0.10 (2SD, n=4). A correlation between oxygen concentrations and isotopic composition of dissolved Fe suggests that remineralization by bacteria may produce a dissolved Fe isotopically lighter than degraded organic particulate Fe. The induced fractionation by these processes was sufficiently slight to not significantly modify the source isotopic signatures in the ocean. It is indeed possible to use iron isotopes as a source tracer during at least 4 000 km.

Mots clés en français :isotopie, fer, géochimie, océan pacifique, échanges continentaux, océan,
Mots clés en anglais :   isotopes, iron, geochemistry, Pacific Ocean, continental exchanges, seawater,