En suivant une piste chimique déposée par leurs congénères, les fourmis sont capables de se déplacer en un chemin coordonné en tant que groupe. Le marqueur chimique, appelé phéromone, est une substance volatile déposée sur le chemin des déplacements des fourmis. Comme une substance diffusée dans l'air, cela crée un couloir d'odeur auquel les autres fourmis répondent et s'orientent.
Au niveau de la société, une réponse cordonnée face à la menace des prédateurs, un effort collectif pour nourrir la colonie, et des mouvements migratoires organisés sont essentiels pour la survie. Pourtant, la coordination des mouvements de milliers d'individus n'est pas gouvernée par des leaders ou des preneurs de décisions centraux. Plutôt, le comportement collectif émerge à partir des comportements individuels et des interactions entre les individus et leur milieu par ce qu’on appelle « auto-organisation ». Des réseaux de pistes auto-organisés peuvent changer et répondre aux changements des besoins de la société ou aux influences environnementales auxquelles elle fait face. Par exemple, un réseau de pistes peut servir à couvrir efficacement une large aire sur laquelle la population cherche de la nourriture. À d'autres moments, une migration de masse permet d’atteindre un nouveau nid, ou des colonnes plus étroites permettant d’exploiter une source de nourriture récemment découverte. La manière dont la population s'adapte à ces extrêmes peut être explorée par des modèles de la formation des pistes.
Dans cette thèse, nous explorons comment des réseaux de pistes peuvent émerger à partir de comportements individuels simples. Ces comportements individuels sont les taux de dépôt, la capacité de suivre une piste en fonction de la concentration de phéromone, et l'attraction des pistes envers d'autres individus (recrutement des fourmis par une piste).
La dynamique des fourmis est discrète en temps et est succession de parcours libres dans un intervalle de temps Dt et de sauts de vitesse. On considère deux sortes de sauts de vitesse : les sauts purement aléatoires qui traduisent la capacité des fourmis d'explorer un nouvel environnement et les sauts de recrutement par des phéromones. Dans le cadre de notre modèle les phéromones sont orientées. Il a déjà été démontré que ces mécanismes suffisent pour créer un réseau de pistes.
Dans ce travail, on regarde l'influence des taux de dépôt et d'évaporation et de l'angle de perception sur l'apparition des pistes. On étudie aussi l'influence de la diffusion des phéromones sur la vitesse d'apparition des pistes.
La façon dont une colonie explore un nouvel espace dépend du comportement individuel et des interactions entre les individus et le milieu. La distribution spatiale de la population qui en résulte va déterminer l'utilisation ultérieure de cet espace, par exemple l'acheminement de la nourriture sur des pistes de phéromones particulières ou des lieux de construction s'il s'agit de faire une extension du nid. Dans le troisième chapitre, nous étudions le comportement exploratoire de la fourmi noire du jardin Lasius niger. Nous nous intéressons en particulier au comportement individuel d'exploration dans un milieu hétérogène (avec des bords et des espaces libres) et si des pistes de phéromones s'établissent dans la phase initiale de cette exploration et avant que des sources de nourritures soient trouvées. Dans un second temps nous essayons de comprendre la distribution spatiale des fourmis émergeant de ces comportements individuels. Lasius niger alterne dans l'exploration des phases de déplacement avec des phases d'arrêt. On observe en plus la formation d'agrégat de fourmis arrêtées. Par une séries de modèles de simulation, paramétré au niveau individuel, nous explorons si ces arrêts et formations d'agrégat sont nécessaires pour comprendre la distribution spatiale qui en résulte. |