Au cours de la dernière décennie, de nombreuses fonctionnalités ont été miniaturisées dans des systèmes microfluidiques, assurant des fonctions aussi bien chimiques, biochimiques que biologiques, afin de réduire les coûts, les volumes manipulés, mais également pour augmenter les performances de ces systèmes. Ces avancées ont été rendues possibles grâce aux avancées considérables réalisées en microélectronique. Ces avancées ont amené les scientifiques à chercher à réduire les dimensions des microsystèmes jusqu'à l'échelle nanométrique, ce qui a conduit à l'émergence de la nanofluidique. Les technologies de microélectronique permettant d'atteindre ces échelles sont malheureusement encore trop peu répandues dans les laboratoires, en raison du coût trop élevé des équipements, mais également du temps nécessaire à la réalisation de nanostructures (lithographie électronique, nano-imprint, FIB, …).
C'est pourquoi nous nous sommes intéressés au développement d'une technologie alternative, la Lithographie à Décalage de Phase (PSL), inventée par G. Whitesides en 1997 et qui ne requiert que des équipements standards de photolithographie, eux massivement présents dans les laboratoires. Nous présentons la réalisation de motifs linéaires ou ponctuels de façon rapide et contrôlée, aboutissant à la première utilisation de la PSL pour des applications nanofluidiques. Puis nous nous sommes plus particulièrement focalisés sur les réseaux de nanopiliers afin de réaliser de nouveaux dispositifs nanofluidiques destinés à la séparation d'ADN.
Dans la majeure partie des cas, la séparation en taille de molécules d'ADN, étape primordiale lors d'un séquençage, est réalisée par électrophorèse sur des gels, qui peuvent être considérés comme des matrices hétérogènes de pores. Sous l'application d'un champ électrique, les molécules d'ADN migrent à l'intérieur du gel, et leur passage est ralenti, comme lors d'une « course à obstacles », les plus petites molécules traversant plus rapidement le gel que les plus grandes. Ce processus est relativement long (entre 30 minutes et plusieurs jours), et inadapté à la séparation de longues molécules, qui restent bloquées dans le gel. En 1992, R. Austin émit l'hypothèse qu'un réseau d'obstacles microfabriqués pouvait atteindre le même objectif, et que le contrôle précis de cette matrice d'obstacles devait améliorer les performances de séparation. Depuis les interactions entre une molécule d'ADN et un obstacle ont été massivement étudiées pour des obstacles à l'échelle micrométrique. Mais les obstacles nanométriques, quoique sources d'innovation importantes n'ont pas été étudiés.
La PSL nous a permit de réaliser des nanopiliers de silicium intégrés dans un dispositif fluidique sur une gamme de taille allant de 80 à 500 nm de diamètre, de forme cylindrique ou ellipsoïdale, et ce sur des surfaces de plusieurs mm². Notons que les conditions d'imagerie par épifluorescence nous ont permis de visualiser les interactions ADN-obstacle à l'échelle de la molécule unique, avec une résolution tout à fait pertinente.
Nous nous sommes intéressés à la dynamique d'interaction de molécules d'ADN avec des obstacles nanométriques, et plus particulièrement à la dynamique de désengagement de la molécule autour d'un obstacle. En effet, cette phase de désengagement dépend notamment de la taille de la molécule concernée, et rentre donc fortement en jeu dans les dispositifs de tri par taille de molécules d'ADN. Pour ce faire, nous avons tracé l'évolution du centre de masse d'une molécule individuelle au cours de sa collision avec un obstacle.
Nous avons comparé dans un premier temps la durée de désengagement d'une molécule soumise à un flux hydrodynamique ou à un champ électrique lors d'une collision avec un obstacle cylindrique, dans des conditions semblables (taille des obstacles, vitesse des molécules d'ADN). Il apparaît que le temps de désengagement est quatre fois plus important dans le cas d'interactions hydrodynamiques. Cette observation est une première, et nous avons tenté d'en élucider le mécanisme moléculaire. Nous avons ensuite analysé les dynamiques de désengagement pour différentes tailles d'obstacles et de molécules. Ces analyses quantitatives nous ont conduit à une preuve de concept de nos dispositifs de séparation, avec la séparation de molécules de 14 et 35 kpb en une minute environ, avec une résolution comparable aux meilleurs résultats publiés à ce jour.
Enfin, nous nous sommes intéressés à la collision de molécules d'ADN avec des obstacles asymétriques. Nous rapportons la première étude expérimentale des dynamiques de désengagement dans ce type de géométrie, notamment l'étude de l'influence de l'orientation de ces obstacles vis-à-vis du flux d'actuation.
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In the last decade, a large number of functionalities have been miniaturized in microfluidic systems in order to perform complex chemical or biochemical procedures with enormous benefits in cost, reduced sample volumes, and improved performances. The ambition to downscale microfluidic operations in nanoscale devices has led to the emergence of nanofluidics, which consists in performing analytical operations with systems composed of structures of ~100 nm or less. Nanofluidic systems offer a unique potential to perform analytical operations with tailored separation matrices, which allowed to reach exquisite separation efficiencies. Moreover, the geometry of nanofluidic systems allows to control the environment of single molecules, as was demonstrated by the conformational manipulation of DNA inside nanochannels.
These rapid breakthrough of microfluidic systems largely relied on the huge fabrication toolbox that was invented for microsystems processing, but the development of nanofluidics has been hampered by the difficulty of fabricating nanostructures due to the cost and the poor accessibility of nanofabrication equipments. That is why we focused on an alternative technology call Phase-Shift Lithography (PSL), which was initially pioneered by Whitesides and colleagues in 1997 and that solely required photolithographic equipments. We present the rapid and well-controlled fabrication of linear or punctual features, leading to the first application of PSL for nanofluidics. We then particularly focused on nanopillar arrays in order to realize new nanofluidics devices dedicated to DNA separation.
In major cases, DNA molecule separation by size, crucial step during sequencing, is realized by gel electrophoresis that can be considered as heterogeneous matrices of pores. Under electric field actuation, DNA molecules migrate through the gel and their passage is slowed down like in an “obstacle course”, smallest molecules migrating faster than the longest ones. This process is relatively slow (from 30 minutes to several days) and hence unsuitable for the separation of long molecules, that stay blocked into the gel. R. Austin developed the idea of separating DNA through “artificial pores” in 1992. These ideal matrices were composed of microfabricated 2D arrays of cylindrical posts, and they appeared to be particularly relevant for the separation of long DNAs of ~100 103 base pairs (kbp). Researches in the field of artificial separation matrices have mostly been performed using microscale obstacles, and renewed interest aroused over the last ten years with the emergence of nanotechnologies, which enable to generate nanopost arrays tailored from the molecular level to the macroscale. DNA interactions with nanoscale obstacles remain however poorly studied.
PSL allowed us to fabricate silicon nanopilars integrated in a fluidic devices with a size spanning 80 to 500 nm in diameter, with a cylindrical or ellipsoidal shape, over large surfaces of several mm². Note that our imaging conditions allowed us to visualize DNA-obstacle interactions at the single-molecule scale, with relevant resolution.
We focused on interaction dynamics at the single-molecule scale, in particular DNA unhooking around a post. Indeed, this unhooking step depends on the size of the molecule involved, and hence is playing a major role in separation-by-size devices. In that purpose, we have plotted the evolution of single-molecules center-of-mass during its collision with an obstacle.
First, we compared unhooking time of a DNA molecule under hydrodynamic or electrophoretic actuation, under similar conditions (obstacle size, DNA molecule speed). We find that this unhooking time is four times bigger for hydrodynamic interactions. This observation is a premiere, and we tried to elucidate the molecular mechanisms involved. We then analyzed unhooking dynamics for several obstacle and molécule sizes. These quantative analysis lead us to a proof of concept of our separation devices, with the separation of 14 and 35 kbp DNA molecules in the order of a minute, with a resolution comparable to the best published results.
We finally focused on DNA molecule collisions with asymetric obstacles. We report the first experimental study of unhooking dynamics with these geometries, notably the role of these obstacle orientations towards the actuation flow.
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