Les nanotubes de carbone (NTC) possèdent des propriétés intrinsèques remarquables qui, combinées à leur nano-échelle et leur très faible masse, ouvrent la voie à des applications prometteuses dans des domaines variés tels que la microélectronique, la médecine et les composites. Leur production mondiale devrait atteindre 14 000 t/an d'ici 2016. L'ensemble de ces éléments soulève des inquiétudes vis-à-vis de leur intégration et leur dissémination dans l'environnement au cours de leur cycle de vie, notamment dans les milieux aquatiques, généralement considérés comme le réceptacle ultime des contaminants. Pourtant, les informations relatives à leur interaction avec des organismes aquatiques, leur toxicité potentielle et leur bioaccumulation sont encore très limitées.
Les travaux reportés ici sont basés sur une approche prospective à l'échelle du laboratoire, à l'aide d'un modèle aquatique, la larve d'amphibien Xenopus laevis. Des larves ont été exposées à deux types de NTC (DWNT et MWNT), à travers des scenarios d'exposition variés. Les toxicités aiguë (taux de mortalité), chronique (taux de croissance) et génétique (taux d'induction de micronoyaux) ont été évaluées après 12 jours d'exposition à une large gamme de concentrations, en conditions contrôlées et adaptées de l'essai micronoyaux normalisé pour l'étude de substances chimiques (ISO 21427-1). Des protocoles combinant divers outils de dispersion ont été établis pour comparer l'exposition des larves à des suspensions de NTC bruts, s'agglomérant et sédimentant rapidement, et celle à des suspensions de NTC dispersés, dont le temps de résidence dans la colonne d'eau est plus important. Les effets potentiels de synergie entre des DWNT bruts et du plomb ont par ailleurs été évalués. L'ingestion d'agglomérats ayant sédimenté semble perturber leur transit intestinal et l'assimilation de nutriments, induisant des toxicités aiguë et chronique à partir d'une forte concentration en NTC (10 mg/L), mais pas d'effet génotoxique. Ces réponses sont modulées à la fois par le type de NTC, leur concentration, leur état de dispersion, la nature de l'agent dispersant, mais également par la présence de plomb et sa concentration. Des études complémentaires sont nécessaires pour comprendre les mécanismes impliqués et prédire les effets toxiques des NTC dans les milieux aquatiques naturels.
Du fait de leur taille, leur morphologie et leur composition chimique, la localisation et le dosage des NTC dans les matrices biologiques demeurent des défis considérables. L'observation en MET (Microscopie Electronique en Transmission) de coupes biologiques a révélé la possibilité, au cours de leur préparation, d'un entrainement mécanique de NTC, ce qui ne permet pas d'étudier avec certitude la translocation des NTC par cette méthode. La spectroscopie Raman pourrait constituer un outil alternatif lorsque la signature des NTC diffère significativement de celle de la matrice biologique. Cependant, du fait de la résolution spatiale et du seuil de détection en milieu biologique, des réserves sont émises quant à sa capacité à détecter les NTC isolés. Deux méthodes originales ont été développées au cours de ces travaux. La première repose sur la détection de NTC par dosage isotopique du carbone (rapport 13C/12C) au niveau du sang et du foie de larves exposées à des NTC synthétisés à partir d'une source carbonée enrichie en 13C. Des essais préliminaires suggèrent la bioaccumulation hétérogène de NTC dans le foie, mais elle reste à confirmer. Une seconde méthode a été développée sur de très faibles volumes de suspensions préparées en dispersant des larves entières exposées à des DWNT ou seulement leur intestin. Elle repose sur les phénomènes de relaxation diélectrique induits par l'application d'un champ électromagnétique dans la gamme micro-ondes. Les concentrations en NTC peuvent ainsi être déterminées à partir de mesures de permittivité complexe. |
The outstanding intrinsic properties of carbon nanotubes (CNTs), combined to their nanoscale and their light weight, lead to promising applications in various areas, ranging from microelectronics to medicine and pharmaceutical applications, through the composites market. The worldwide production is expected to reach 14,000 t/year by 2016. All these elements raise concerns about their release and spread in the environment during their life cycle, particularly in the aquatic compartment, well known as the main receptacle of pollutants. Nevertheless, little information is available about their interaction with living organisms, their potential ecotoxicity, and their bioaccumulation.
Our work was based on a forward-looking approach at the laboratory scale, and using the aquatic model, the amphibian larva of Xenopus laevis. Larvae were exposed to different CNTs (double walled and multi walled CNTs; DWCNTs and MWCNTs), through various scenarios. Thus the acute (mortality rate), chronic (growth rate) and genetic (micronucleus induction rate in erythrocytes) toxicities were assessed after 12 days of exposure to a wide range of CNT concentrations in controlled conditions adapted from the standardized micronucleus assay developed for chemical compounds (ISO 21427-1). Protocols combining various dispersion tools were established to compare their exposure to suspensions of raw CNTs, that readily agglomerate and settle down, with the exposure to suspensions of dispersed CNTs, characterized by a longer resident time in the water column. The potential synergistic effects of raw DWCNTs and lead were also assessed. The ingestion of CNT agglomerates which have settled down would disrupt the intestinal transit and the assimilation of nutrients, leading to acute and chronic toxicities at high CNT concentrations (10 mg/L), but no genotoxic effect. These responses are modulated by the kind of CNTs, their concentration, and their dispersion state, the nature of the dispersing agent, as well as the presence of lead and its concentration. Complementary studies are needed to understand the mechanisms involved and predict the adverse effects of CNTs in complex aquatic medium.
Due to their nanoscale, morphology, and chemical composition, the tracking and the quantitative analysis of CNTs in biological samples are still huge challenges. TEM (transmission electron microscopy) observations of biological samples revealed that CNTs could be mechanically driven during the cutting of ultrafine slices of organs. This creates difficulty in tracking CNTs with confidence into Xenopus larvae samples by this method. Moreover, when the intense CNT spectra obtained by Raman spectroscopy significantly differs from the biological matrix, this tool is very appropriate to track them in such samples. However the spatial resolution threshold and the degraded signal/noise ratio give rise to the question of the ability to detect individual CNTs. Hence, on the one hand, larvae were exposed to CNTs synthesized from usual carbon sources (12C) or from 13C-enriched ones, so that the presence of CNTs in the blood and the liver was probed using the 13C/12C ratio (isotopic labeling). Preliminary studies suggest an heterogeneous biomagnification of 13C-DWCNTs in the liver, which has to be confirmed by more extensive investigations. On the other hand, a new technique for the qualitative and accurate detection of CNTs in various samples (whole organisms or intestines) was developed using larvae exposed to DWCNTs. This technique is based on the dielectric relaxation of ultra-low volume suspensions under a microwave electromagnetic field. CNT concentrations were extrapolated from complex permittivity measurements. |