De plus en plus de cas de résistance d’Haemonchus contortus aux anthelminthiques sont observés dans le monde. Le département des Pyrénées-Atlantiques, qui compte de nombreux élevages de brebis laitières, n’échappe pas à ce phénomène avec des cas avérés de résistance d’H. contortus à l’éprinomectine. L’élevage laitier a la particularité de se trouver rapidement en situation d’impasse thérapeutique face aux strongles à cause du nombre limité de molécules utilisables en lactation. De plus, les projections réalisées dans le cadre du changement climatique montrent que le développement d’H. contortus, espèce thermophile, pourrait être favorisé dans le futur.
Dans ce contexte, nous avons abordé plusieurs questions sur les traits de vie et la lutte contre H. contortus, notamment, i) l’évolution dans le temps de sa présence dans les communautés de parasites digestifs des ovins, ii) l’impact de la résistance aux anthelminthiques sur le fitness des H. contortus afin d’adapter les mesures de prévention et de lutte contre les isolats résistants, iii) l’utilisation d’un nouvel outil d’enregistrement de la motilité larvaire pour un diagnostic plus précoce et plus rapide de la résistance, iv), l’évaluation de l’intérêt et des limites de l’utilisation du pâturage mixte entre les bovins et les ovins pour la lutte contre les strongles digestifs.
Pour le premier point, nous avons suivi seize élevages de brebis laitières du Pays Basque pour lesquels l’helminthofaune avait été étudiée il y a 25 ans. Dans ces élevages, les communautés de strongles ont évolué durant cette période et elles sont aujourd’hui plus diversifiées qu’il y a 25 ans mais avec une augmentation de la prévalence d’H. contortus au printemps.
Pour évaluer le coût de la résistance à l’éprinomectine, nous avons comparé le fitness de quatre isolats résistants et de deux isolats sensibles à l’éprinomectine lors d’infestations expérimentales. Cette comparaison n’a pas permis de mettre en évidence de coût de la résistance d’H. contortus dans nos conditions expérimentales. De même, la comparaison de fitness d’un isolat résistant dans deux conditions, exposé ou non à l’éprinomectine, a mis en évidence une baisse de développement des stades larvaires en développement dans les matières fécales mais une absence de perte de fitness pour les stades présents chez l’hôte. Dans ces conditions, il est peu probable qu’il y ait réversion de la résistance ; les mesures de prévention de l’introduction d’H. contortus résistant dans un élevage doivent donc être renforcées.
La nécessité d’un outil de diagnostic de la résistance, précoce et facile à utiliser sur le terrain, s’impose. Nos travaux ont montré que la mesure de la motilité larvaire est un outil intéressant pour le diagnostic de la résistance à l’éprinomectine mais il nécessite encore des travaux de mise au point et de validation pour être utilisé en conditions de terrain.
Enfin, le pâturage mixte est présenté comme un des leviers disponibles pour limiter les infestations par les strongles digestifs, Nos travaux ont permis d’identifier une première limite à cette stratégie. En effet, le parasite Dicrocœlium dendriticum, qui se transmet entre ovins et bovins, a montré une baisse de sensibilité à la seule molécule disponible en France pour le traitement.
Dans le contexte actuel, l’amélioration des techniques de diagnostic est indispensable pour mieux appréhender les évolutions des communautés parasitaires et les facteurs les influençant mais aussi pour améliorer la détection de la résistance et la prévention de sa diffusion entre les cheptels. Cela permettra également d’analyser les facteurs de risque d’apparition de la résistance pour mieux la prévenir.
L’enjeu maintenant est d’améliorer nos connaissances de l’écologie des strongles résistants pour lutter de manière plus pertinente et de préserver la durabilité des élevages ovins au pâturage. |
More and more cases of Haemonchus contortus resistance to anthelmintics are being observed worldwide. The Pyrénées-Atlantiques département, with its many dairy ewe farms, is no exception to this phenomenon, with confirmed cases of H. contortus resistance to eprinomectin. Dairy farming has the particularity of rapidly finding itself in a therapeutic impasse when faced with strongyles, due to the limited number of molecules that can be used in lactation. In addition, climate change projections show that the development of H. contortus, a thermophilic species, could be favored in the future.
In this context, we addressed several questions on life traits and control of H. contortus, including, i) the evolution over time of its presence in sheep digestive parasite communities, ii) the impact of anthelmintic resistance on H. contortus fitness in order to adapt prevention and control measures against resistant isolates, iii) the use of a new larval motility recording tool for earlier and faster diagnosis of resistance, iv) the evaluation of the benefits and limitations of mixed grazing between cattle and sheep for the control of digestive strongyles.
For the first point, we followed sixteen dairy ewe farms in the Basque Country where helminths communities had been studied 25 years ago. Strongyles communities on these farms have evolved over this period, and are now more diverse than they were 25 years ago, with an increase in the prevalence of H. contortus in spring.
To assess the cost of eprinomectin resistance, we compared the fitness of four eprinomectin-resistant and two eprinomectin-susceptible isolates in experimental infestations. This comparison did not reveal any cost of resistance in H. contortus under our experimental conditions. Similarly, a comparison of the fitness of a resistant isolate under two conditions, exposed or not to eprinomectin, revealed a decrease in the development of larval stages in faeces, but no loss of fitness for stages present in the host. Under these conditions, reversion of resistance is unlikely, so measures to prevent the introduction of resistant H. contortus into a farm must be reinforced.
The need for an early, easy-to-use resistance diagnostic tool in the field is obvious. Our work has shown that measuring larval motility is an interesting tool for diagnosing resistance to eprinomectin, but it still requires further development and validation before it can be used under field conditions.
Finally, mixed grazing is presented as one of the levers available to limit infections by digestive strongyles. Our work has identified an initial limitation to this strategy. In fact, the Dicrocoelium dendriticum parasite, which is transmitted between sheep and cattle, has shown a decline in sensitivity to the only molecule available for treatment in France.
In the current context, improved diagnostic techniques are essential to better understand the evolution of parasite communities and the factors influencing them, as well as to improve resistance detection and prevention of its spread between herds. This will facilitate the analyses of risk factors for the appearance of resistance, so as to prevent it more effectively.
The challenge now is to improve our knowledge of the ecology of resistant strongyles, so that we can combat them more effectively and preserve the sustainability of grazing sheep farms. |