Les matériaux carbonés bidimensionnels ont ouvert un vaste champ de recherche depuis l’isolement du graphène. Leur combinaison exceptionnelle de mobilité électronique, de solidité mécanique et de transparence optique en fait des systèmes de référence. L’absence de gap électronique limite toutefois leurs applications. Pour dépasser cette contrainte, l’hydrogénation et la réduction dimensionnelle offrent des voies efficaces. Le graphane, version hydrogénée du graphène, transforme le réseau sp^2 en une structure sp^3 à large gap, tandis que le diamane, obtenu à partir de bicouches hydrogénées, représente la plus fine membrane diamant-like stabilisée par terminaisons hydrogène. Ces systèmes constituent des passerelles entre les propriétés du graphène et celles du diamant, avec un fort potentiel pour l’optoélectronique, la conduction thermique et la photonique quantique.
Dans ce travail, une approche de calculs ab initio a été développée pour explorer les propriétés électroniques, optiques, thermiques et liées aux défauts. Différentes méthodes ont été combinées : la théorie de la fonctionnelle de la densité pour la structure électronique, les corrections GW et équations de Bethe–Salpeter pour les excitons, le traitement harmonique et anharmonique des phonons pour les propriétés thermodynamiques, ainsi que des modèles de transport pour la conductivité thermique et thermoélectrique. Les transitions optiques des défauts ont été analysées par des calculs de type D-SCF.
Les résultats montrent que l’hydrogénation partielle du graphène induit une transition progressive du comportement semi-métallique vers un état semi-conducteur. La couverture et la géométrie des atomes d’hydrogène déterminent l’ouverture d’un gap et la modification de l’absorption optique, en accord avec la perte de contraste observée expérimentalement. Le graphane et les diamanes à deux ou trois couches apparaissent comme stables et semi-conducteurs à large gap. Toutefois, l’augmentation du nombre de couches ne conduit pas vers la valeur du diamant massif mais à une saturation, soulignant le rôle clé de la terminaison de surface. Ces systèmes présentent également des excitons fortement liés de type Frenkel, dont l’énergie et l’extension spatiale varient avec l’épaisseur.
Sur le plan thermique, les calculs révèlent des effets dimensionnels marqués : capacité calorifique suivant une loi en T^2 pour les membranes et en T^3 pour le diamant, dilatation thermique négative à basse température dans le graphane, et conductivité thermique fortement réduite par rapport au diamant ou au graphène. L’ajout de couches permet cependant de restaurer partiellement le transport. L’analyse thermoélectrique indique que le diamane bicouche atteint le meilleur compromis entre coefficient Seebeck et contributions électroniques et phononiques, confirmant la possibilité d’optimiser les performances par dopage, contrainte mécanique ou ingénierie isotopique.
L’étude des défauts met en évidence la faisabilité de centres NV dans les diamanes. Les lacunes de carbone induisent des états localisés et magnétisés, l’azote substitutionnel agit comme donneur, et les complexes NV neutres apparaissent comme les plus stables, avec une activité optique analogue à celle du diamant massif mais à plus faible coût énergétique. Les NV chargés négativement présentent une physique de spin enrichie, amplifiée par le faible écran diélectrique des systèmes 2D, ouvrant la voie à une modulation de leurs propriétés optiques et magnétiques en fonction de l’épaisseur.
Dans l’ensemble, ces travaux démontrent que les diamanes constituent une plateforme polyvalente reliant graphène et diamant. Elles permettent de contrôler les gaps électroniques, d’exploiter les excitons intenses, de moduler le transport thermique et de stabiliser des centres NV optiquement adressables. Ces résultats ouvrent des perspectives pour des applications en électronique, optoélectronique, gestion thermique et technologies quantiques. |
Two-dimensional carbon materials have reshaped modern materials science since the discovery of graphene. Their exceptional strength, transparency, and electronic mobility illustrate the power of reducing matter to the atomic scale. Yet graphene’s lack of a natural band gap limits its use in electronics and optoelectronics. One promising strategy to overcome this challenge is chemical functionalization, in particular hydrogenation, which converts the flat sp^2 lattice of graphene into a diamond-like sp^3 network. This transformation gives rise to graphane and diamane, ultrathin carbon membranes that bridge the properties of graphene and diamond. They combine stability, tunable electronic gaps, strong light–matter interaction, and high thermal conductivity, placing them at the crossroads of electronics, optics, and quantum technologies.
To understand these systems, a first-principles framework was employed. Density-functional theory formed the basis for structural and electronic modeling, while many-body perturbation theory (GW and Bethe–Salpeter equation) was used to capture excitonic effects. Phonon-based methods, including the quasi-harmonic approximation and the Boltzmann transport equation, described vibrational and thermal behavior. For defects and color centers, D-SCF calculations provided access to optical transitions. This multi-scale approach allowed consistent treatment of structure, bonding, and dimensionality across electronic, optical, and thermal responses.
The results highlight several qualitative trends. In partially hydrogenated graphene, hydrogen atoms act as switches: isolated adatoms introduce localized states, while ordered patterns open band gaps and suppress optical absorption. Fully hydrogenated membranes—graphane, bilayer, and trilayer diamane—emerge as stable wide-gap semiconductors. Their gaps decrease with thickness but saturate before reaching bulk diamond, underlining the role of surface termination. Optical spectra are dominated by strongly bound excitons, whose binding energies and spatial extension can be tuned with layer number, pointing to potential in optoelectronic devices.
Vibrational and thermal analyses reveal clear dimensional effects. Heat capacity scales with T^2 in 2D membranes compared to the T^3 law of diamond, while graphane exhibits negative thermal expansion at low temperatures due to flexural modes. Hydrogenation reduces lattice thermal conductivity drastically, but interlayer coupling in diamanes partially restores it through long-lived acoustic phonons. Thermoelectric calculations show that bilayer diamane offers the best compromise between Seebeck coefficient and electronic transport, suggesting avenues for improving performance through external control of phonons and carriers.
Defect studies show that vacancies and substitutional nitrogen atoms form more easily in diamane than in bulk diamond. Nitrogen–vacancy centers, well known for their optical addressability in diamond, retain their characteristic ground and excited states in diamane while displaying enhanced spin effects due to reduced dielectric screening. This indicates that diamane could serve as a flexible 2D host for single-photon emission and quantum sensing.
Together, these findings demonstrate that hydrogenated carbon membranes constitute a versatile family of materials at the interface between graphene and diamond. They can be engineered to open electronic gaps, sustain strong excitons, conduct or modulate heat, and stabilize quantum defects at lower energetic cost. Such properties make them promising candidates for applications ranging from nanoelectronics and optoelectronics to thermal management and quantum technologies. |