Les événements de pluie extrême (EPEs) causent les catastrophes les plus fréquentes, notamment sur les territoires Outre-mer français tropicaux (OMs). Les tempêtes et cyclones tropicaux (TCs) sont une part majeure des EPEs tropicaux. Mais cette proportion est peu connue sur les OMs. Quelle part des EPEs est donc liée aux TCs sur les OMs ? De fortes valeurs d’eau précipitable (PW) et la convergence d’humidité par des forçages tropicaux ou extratropicaux favorisent aussi les EPEs. Des études récentes (Sahel, Indonésie) montrent en plus le rôle de la variabilité tropicale d’échelle synoptique à subsaisonnière (ondes équatoriales, CCEWs) dans l’occurrence des EPEs, notamment par la présence de plusieurs modes actifs. Une description quantitative et exhaustive des moteurs de grande échelle liés aux EPEs est donc nécessaire, notamment sur les OMs. Ainsi, quelles conditions liées à la variabilité synoptique et subsaisonnière favorisent les EPEs ? Enfin, les EPEs restent actuellement peu prévisibles. Toutefois, ces modes de variabilité possèdent un potentiel de prévisibilité, de même que la prévision par analogue basée sur des régimes de temps. Qu'en est-il pour les EPEs ? Ainsi, peut-on définir des régimes de temps typiques des EPEs, porteurs de prévisibilité ? Cette thèse se propose d'aborder ces différentes questions.
Notre étude exploite les données de pluviomètres du réseau de Météo-France (1979-2021) couvrant tous les OMs et une diversité de climats tropicaux. L'utilisation de pluviomètres permet d'éviter les biais des produits satellite sur la détection des fortes pluies. À partir de ce jeu de données, nous définissons un EPE comme une journée dont le cumul de pluie dépasse le 99ème percentile de la distribution de la station. La thèse s’articule autour de deux volets.
Un premier volet analyse le comportement moyen des EPEs. Les TCs représentent 10 à 35 % des EPEs dans les bassins cycloniques et jusqu’à 55 % à la Réunion du fait du relief marqué. La probabilité d’occurrence d’EPEs augmente fortement en présence d’un TC. Les EPEs non cycloniques (EPEnc) surviennent en moyenne au sein d’anomalies humides et convectives de grande échelle, avec des circulations cycloniques favorisant le transport d’humidité depuis l’équateur. Ces anomalies sont essentiellement pilotées par la variabilité synoptique à subsaisonnière et la co-occurrence de phases actives des CCEWs renforce la probabilité d’occurrence des EPEnc.
Le second volet de la thèse dépasse cette vision moyenne des EPEnc. Une classification non supervisée des régimes de temps associés aux EPEnc a été mise en place, pour tous les OMs, basée sur les cartes auto-organisatrices (SOMs) appliquées aux champs de PW et de vent, et leurs composantes filtrées pour les CCEWs. À la Réunion, 4 régimes d’été austral et 2 régimes entre intersaisons et hiver sont identifiés. La majorité de ces régimes implique une interaction entre ondes de Rossby des moyennes latitudes (MLR) et variabilité tropicale (en particulier la MJO). Parmi eux, le régime le plus rare, qui est aussi le plus intense, mêle co-occurrence de CCEWs très actives et forçages d’altitude, et génère des EPEnc sur le plus de stations. Une classification indépendante des stations montre qu’à la Réunion, chaque zone est associée à des régimes préférentiels d’EPEnc. Enfin, une méthode de prévision par analogue basée sur ces régimes a été testée sur 1979-2021. Ces régimes améliorent la prévisibilité des EPEnc, en définissant notamment des fenêtres temporelles d'environ 5 jours, avec une probabilité d'occurrence accrue. Ces résultats prometteurs, en particulier grâce aux SOMs, doivent cependant être généralisés à l'ensemble des OMs. Cette méthode offre aussi un cadre intéressant d’évaluation des modèles de climat et de prévision du temps et la possibilité de prévoir des périodes favorables à l’occurrence des EPEnc à plus longue échéance qu’actuellement. |
Extreme precipitation events (EPEs) are the most frequent natural disasters, especially in the French overseas tropical territories (OMs). Tropical storms and cyclones (TCs) account for a major proportion of tropical EPEs. However, little is known about this proportion in the OMs. So what proportion of EPEs is linked to TCs in the OMs? High precipitable water (PW) values and moisture convergence due to tropical or extratropical forcings also favor EPEs. Recent studies (Sahel, Indonesia) also highlight the role of tropical variability on synoptic to sub-seasonal scales (equatorial waves, CCEWs) in EPE occurrence, notably through the co-occurrence of multiple active modes. Therefore, a quantitative and exhaustive description of the large-scale drivers linked to EPEs is necessary, particularly over the OMs. What conditions linked to synoptic and sub-seasonal variability favour EPEs? Finally, EPEs remain difficult to predict. However, these modes of variability have a potential for predictability, as does analogue forecasting based on weather patterns. What about EPEs? Can we define weather regimes that are typical of EPEs and that have predictability potential? This thesis sets out to address these questions.
Our study uses rainfall data from Météo-France's rain gauge network (1979-2021), covering all OMs and a variety of tropical climates. Rain gauges make it possible to avoid the biases of satellite products in detecting heavy rainfall. Based on this dataset, we defined an EPE as a day with cumulative rainfall exceeding the 99th percentile of the station's distribution. The thesis is divided into two parts.
The first part of the thesis analyzes the mean behavior of EPEs. TCs represent 10-35% of EPEs in cyclone-prone basins and up to 55% in La Réunion due to its sharp orography. The probability of EPE occurrence increases significantly in the presence of a TC. Non-cyclonic EPEs (EPEnc) typically occur within large-scale moist and convective anomalies, with cyclonic circulations favoring moisture transport from the equator. These anomalies are primarily driven by synoptic to subseasonal variability, and the co-occurrence of CCEW active phases increases the probability of EPEnc occurrence.
The second part of the thesis goes beyond the average study of EPEnc. An unsupervised classification of weather patterns associated with EPEnc was performed for all OMs based on self-organizing maps (SOMs) applied on PW and wind fields and their CCEW-filtered components. In La Réunion, four summer patterns and two other patterns between shoulder season and winter were identified. Most of these patterns involve interactions between mid-latitude Rossby waves (MLR) and tropical variability (particularly the MJO). Among them, the rarest regime, which is also the most intense, combines the co-occurrence of very active CCEWs and upper-level forcings and generates EPEnc at most stations. An independent station classification shows that each region in La Réunion is associated with preferred EPEnc patterns. Finally, an analog forecasting method based on these patterns was tested for 1979-2021. These regimes improve the predictability of EPEnc, particularly by defining time windows of around 5 days, with an increased probability of occurrence. These promising results, thanks in particular to the SOMs, must, however, be generalised to all the OMs. This method also offers an interesting framework for evaluating climate and weather forecasting models and the possibility of forecasting EPEnc-prone periods over a longer timeframe than is currently the case. |