Face aux changements imprédictibles de l’environnement, les animaux doivent adapter leur comportement pour leur survie. Ce besoin en flexibilité comportementale varie selon les taxons, le sexe et le niveau de socialité. En effet, vivre seul ou en groupe pose aux individus des défis cognitifs différents qui moduleraient leur besoin en flexibilité. Chez les insectes certaines espèces, dites eusociales, sont organisées en structures hautement sociales, où les activités reproductives et non reproductives sont découplées et où la division du travail permet de répartir la charge cognitive entre les différentes castes (cognition distribuée). A l’inverse, dans des espèces solitaire chaque individu doit assurer toutes les tâches. Ainsi, nous faisons l’hypothèse que le mode de vie eusocial est accompagné d’un besoin réduit en flexibilité comportementale en comparaison au mode de vie solitaire. Pour évaluer et comparer différents aspects de la flexibilité comportementale chez l’abeille domestique (eusociale), Apis mellifera et l’osmie rousse (solitaire), Osmia bicornis nous avons utilisé différents tests cognitifs, en conditions contrôlées au laboratoire. Premièrement, dans le test d’inversion de consigne, l’animal apprend à ignorer une réponse apprise précédemment, suite à un changement dans les règles de renforcement des stimuli (visuels ou olfactifs). Ensuite, le test de basculement attentionnel permet de tester la capacité d’un individu à alterner entre différentes stratégies en portant successivement son attention sur des stimuli de différentes dimensions sensorielles. Enfin, le test de détour de locomotion mesure le contrôle d’inhibition de l’animal qui doit contourner un obstacle transparent pour accéder à une récompense. Ainsi, sur la base d’un effectif conséquent d’abeilles eusociales et solitaires nous avons pu mettre en évidence des différences dans les performances. Dans ces différents tests comportementaux, les osmies femelles présentent de meilleures performances que les osmies mâles et les abeilles domestiques. La grande diversité de leur répertoire comportemental et leur stratégie de reproduction leur imposeraient un besoin plus important en flexibilité comportementale. L’absence de corrélation intra-individuelle entre les performances dans les différents tests comportementaux indique une variabilité importante dans la manière dont les différentes composantes de la flexibilité sont mises en œuvre. Enfin, la comparaison entre les osmies avec et sans une expérience préalable de terrain n’a révélé aucune différence, suggérant que l’expérience antérieure n’a pas d’influence sur la flexibilité comportementale dans ce contexte. Les résultats de nos différentes approches comportementales suggèrent donc que les abeilles solitaires ont une capacité accrue de flexibilité, en lien avec l’hypothèse de la cognition distribuée. Ce travail ouvre de nouvelles pistes pour comprendre les facteurs qui façonnent la flexibilité comportementale et ses liens avec la socialité. |
Faced with unpredictable environmental changes, animals must adapt their behavior in order to survive. This need for behavioral flexibility varies according to taxa, sex, and level of sociality. Indeed, living alone or in a group puts different cognitive challenges on individuals, which would modulate their need for flexibility. Among insects, some species referred to as eusocial are organized into highly social structures where reproductive and non-reproductive tasks involve different individuals and where division of labor allows the cognitive load to be distributed among different castes (distributed cognition). By contrast, individuals from solitary species carry out all tasks. Thus, we hypothesize that eusocial lifestyle involves a reduced need for behavioral flexibility, as compared to solitary lifestyle. To assess and compare different aspects of behavioral flexibility in the eusocial honey bee, Apis mellifera, and the solitary red mason bee, Osmia bicornis, we used various cognitive tests under controlled laboratory conditions. The first one is the reversal learning test, where the animal learns to ignore a previously learned response following a change in the stimuli (visual or olfactory) reinforcement rules. The second one is the attentional set shifting task which assesses an individual's ability to alternate between different strategies by successively focusing their attention on stimuli of different sensorial dimensions. Finally, the detour reaching test measures the animal's inhibitory control, as it must bypass a transparent obstacle to access a reward. Thus, based on a large sample of eusocial and solitary bees, we were able to highlight differences in flexibility performances. In these various behavioral tests, Osmia females performed better than males, and than honey bees. It may mean that they need greater behavioral flexibility due to their broader behavioral repertoire, resulting from the large number of tasks they must perform individually, as well as their reproductive strategy. Interestingly, no intra-individual correlation was found between performances in the different tests, indicating variability in how different aspects of flexibility are implemented. Finally, the comparison between solitary bees with or without previous field experience did not reveal differences, suggesting that prior experience does not influence behavioral flexibility in this context. Hence, the results obtained from our various behavioral approaches suggest that solitary bees have an increased capacity for behavioral flexibility, consistent with the distributed cognition hypothesis. This work also provides new insights into understanding the factors that shape behavioral flexibility and its relation to sociality. |