L’éthologie s’intéresse depuis longtemps aux mécanismes comportementaux du déplacement chez les insectes sociaux, particulièrement dans un contexte d’exploration. Chez la fourmi Lasius niger, il est bien établi que l’exploration individuelle ne repose pas sur le suivi de pistes de phéromones, mais sur d’autres stratégies comportementales. Ce contexte en fait un modèle pertinent pour étudier la modulation de son déplacement sur des surfaces complexes, indépendamment des interactions sociales. Ainsi, on s'interroge : quel est le rôle de la géométrie locale (notamment celui de la pente et de la courbure) dans la modulation des trajectoires ?
Dans cette thèse, le déplacement des fourmis est étudié à travers une marche aléatoire de Boltzmann. Ce cadre d'étude définit les trajectoires comme étant une succession de lignes droites (des libres parcours) parcourues à une certaine vitesse et séparées les unes des autres par des événements de réorientation (des angles). Nous avons cherché à estimer comment les distributions des trois variables de la marche aléatoire : la longueur de libre parcours, la vitesse et les angles de réorientation, varient selon la géométrie locale.
Nos premiers résultats sur surfaces planes révèlent que, contrairement aux analyses classiques qui postulent une marche purement diffusive avec des variables isotropes, les trajectoires de L. niger présentent un biais directionnel qui oriente les trajectoires vers le point de départ (Chapitre 03). Ces résultats ont pu être revalidés sur plusieurs jeux expérimentaux, y compris sous lumière rouge récemment pour explorer le rôle d’indices visuels dans ce comportement qualifié de recherche.
À partir de ces observations, nous avons développé des modèles d'abord en 1D, puis en 2D de Marcheurs de Boltzmann (Chapitre 04) intégrant ce biais vers le point de départ, et validé nos résultats à l’aide de simulations Monte Carlo. Ce cadre théorique, ancré dans une description mésoscopique encore peu exploitée en biologie, offre des perspectives prometteuses pour l’étude de processus auto-organisés, notamment par l'utilisation d’algorithmes numériques efficaces (Null-Collision Algorithms) pour estimer les grandeurs biologiques telles que la densité d’individus à un point donné.
Enfin, nos résultats préliminaires sur des arènes présentant diverses inclinaisons et courbures ont confirmé que les distributions des variables de la marche aléatoire dépendent fortement de la géométrie locale (Chapitres 05 et 06). L’ensemble de ce travail, à l’interface entre expérimentation, modélisation et simulation, propose ainsi une meilleure compréhension des comportements de recherche des fourmis sur des surfaces complexes et ouvre la voie à des applications plus larges sur la modélisation à l’échelle mésoscopique.
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Ethology has long been interested in the behavioural mechanisms of movement in social insects, particularly in the context of exploration. In the ant Lasius niger, it is well established that individual exploration does not rely on following pheromone trails, but on other behavioural strategies. This context makes it a relevant model for studying the modulation of movement on complex surfaces, independently of social interactions. This raises the following question: what is the role of local geometry (particularly slope and curvature) in modulating trajectories?
In this thesis, ant movement is studied using a Boltzmann random walk. This study framework defines trajectories as a succession of straight lines (free paths) travelled at a certain speed and separated from each other by reorientation events (angles). We sought to estimate how the distributions of the three variables of random walk—free path length, speed, and reorientation angles—vary according to local geometry.
Our initial results on flat surfaces reveal that, contrary to conventional analyses that postulate purely diffusive movement with isotropic variables, the trajectories of L. niger exhibit a directional bias that orients the trajectories towards the starting point (Chapter 03). These results have been revalidated in several experimental sets, including recently under red light to explore the role of visual cues in this search behaviour.
Based on these observations, we developed models, first in 1D and then in 2D, of Boltzmann walkers (Chapter 04) incorporating this bias towards the starting point, and validated our results using Monte Carlo simulations. This theoretical framework, rooted in a mesoscopic description that is still under-exploited in biology, offers promising perspectives for the study of self-organised processes, in particular through the use of efficient numerical algorithms (Null-Collision Algorithms) to estimate biological quantities such as the density of individuals at a given point.
Finally, our preliminary results on arenas with various slopes and curvatures confirmed that the distributions of random walk variables depend heavily on local geometry (Chapters 05 and 06). This work, which combines experimentation, modelling and simulation, provides a better understanding of the search behaviour of ants on complex surfaces and paves the way for broader applications in mesoscopic modelling.
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