Les substances per- et poly-fluoroalkylées (PFAS) constituent un enjeu majeur de santé publique en raison de leur persistance dans l'organisme et l’environnement, ainsi que de leurs potentiels effets néfastes sur la santé humaine. Les PFAS à longue chaîne dits « historiques » ont fait l’objet de restrictions, conduisant ainsi au développement d’analogues structuraux avec l’apparition de plusieurs milliers de PFAS présentant des structures diverses. Cependant, certains de ces analogues exerceraient des effets toxicologiques comparables à ceux des PFAS à longue chaîne et les données toxicocinétiques permettant de caractériser leur persistance sont très limitées, nécessitant des informations complémentaires pour évaluer les risques liés à l’exposition humaine à ces alternatives.
Dans ce contexte, ce projet de thèse visait à évaluer l’impact de la structure chimique des PFAS sur leur persistance dans l’organisme. Ainsi, nous avons réalisé une étude TK chez la souris, et parallèlement déterminé les niveaux de concentration de PFAS dans des échantillons sériques et urinaires appariés d’une cohorte humaine de 318 femmes en âge de procréer. Les mécanismes potentiellement impliqués dans l’élimination rénale des PFAS, ont été caractérisés chez l’Homme et les rongeurs, à travers l’étude de leur liaison aux protéines plasmatique et de leur interaction avec les transporteurs rénaux.
Dans un premier temps, une méthode de dosage a été développée et validée pour la quantification d’un mélange de 11 PFAS, comprenant 5 acides carboxyliques perfluoroalkylés (PFCA), 4 acides perfluoroalcanes sulfoniques (PFSA) et deux d’acides carboxyliques perfluoroalkyléther (PFCEA), dans le plasma de souris. L’application de cette méthode, ainsi que son adaptation pour le dosage d’échantillons d’urine et de fèces, a permis la quantification des différents échantillons d’une étude TK mise en œuvre chez la souris. L’analyse du décours temporel des concentrations plasmatiques, urinaires et fécales, obtenues suite à l’administration intraveineuse et orale des 11 PFAS en mélange, à l’aide de modèles non-linéaires à effets mixtes (NLMEM) a permis une estimation robuste des paramètres TK. La clairance plasmatique des PFCA ≥ C8 et des PFSA ≥ C6 a été environ 150 fois plus faible que celle de leurs homologues à chaîne plus courte. L’introduction de liaisons éther a également réduit la clairance. L’excrétion a été majoritairement urinaire pour la plupart des PFAS ; mixte (rénale et fécale) pour le PFHxS et le PFOS, et principalement fécale pour le PFNA et le PFDA. Plus de 80% des échantillons sériques des individus de la cohorte ont présenté des concentrations en PFOS, PFHxS, PFHpS, PFNA, PFOA et PFHxA supérieures à la limite de détection du dosage. La non détection des PFAS dans la majorité des échantillons urinaires n’a pas permis d’estimer la clairance rénale chez l’Homme. En revanche, l’extrapolation allométrique des clairances plasmatiques mesurées chez la souris a permis de prédire les clairances humaines des PFAS, dont les valeurs se sont révélées très proches de celles rapportées dans une étude toxicocinétique récente réalisée chez un volontaire.
Par dialyse à l’équilibre, nous avons montré que la fraction libre des PFSA et PFCA diminue avec l’augmentation de la masse molaire (MW) jusqu’à un seuil de 400-500 g/mol, au-delà duquel la tendance s’inverse chez l’Homme et la souris. La modélisation de cette relation a permis de prédire la fraction libre (fu) des PFAS à partir de leur masse molaire. Seuls les PFAS de MW inférieur à 500 g/mol ont été identifiés comme des substrats potentiels des transporteurs rénaux qui pourraient contribuer à leur sécrétion et réabsorption tubulaires.
L’intégration de la modélisation toxicocinétique, de l’analyse de la liaison aux protéines plasmatiques et de l’étude des interactions avec les transporteurs rénaux a permis d’établir un lien cohérent entre structure chimique, clairance et persistance des PFAS.
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Per- and polyfluoroalkyl substances (PFAS) represent a major public health concern due to their persistence in the body and the environment, as well as their potential adverse effects on human health. Long-chain “legacy” PFAS have been subjected to restrictions, leading to the development of structural analogues, with the existence of several thousand PFAS with diverse chemical structures. However, some of these analogues may exert toxicological effects comparable to those of long-chain PFAS, while toxicokinetic data needed to characterize their persistence remain very limited, requiring additional information to assess the risks associated with human exposure to these alternatives.
In this context, this thesis project aimed to evaluate the impact of PFAS chemical structure on their persistence in the body. To this end, we conducted a TK study in mice, and in parallel determined PFAS concentrations in paired serum and urine samples from a human cohort of 318 women initiating assisted reproductive treatments. Mechanisms potentially involved in renal elimination of PFAS were characterized in humans and rodents, through the study of their plasma protein binding and their interaction with renal transporters.
First, an analytical method was developed and validated for the quantification of a mixture of 11 PFAS, including 5 perfluoroalkyl carboxylic acids (PFCA), 4 perfluoroalkane sulfonic acids (PFSA), and 2 perfluoroalkyl ether carboxylic acids (PFCEA), in mouse plasma. The application of this method, and its adaptation for urine and feces analysis, enabled quantification of all samples collected in the mouse TK study. Analysis of plasma, urine, and fecal concentration-time profiles, following intravenous and oral administration of the PFAS mixture, using nonlinear mixed-effects models (NLMEM), provided robust estimation of TK parameters. Plasma clearance of PFCA ≥ C8 and PFSA ≥ C6 was about 150-fold lower than that of their shorter-chain homologues. The introduction of ether linkages reduced clearance. Excretion was predominantly urinary for most PFAS; mixed (renal and fecal) for PFHxS and PFOS; and primarily fecal for PFNA and PFDA. More than 80% of serum samples from the cohort showed PFOS, PFHxS, PFHpS, PFNA, PFOA, and PFHxA concentrations above the detection limit. The absence of PFAS in the majority of urine samples prevented estimation of renal clearance in humans. However, allometric extrapolation of mouse plasma clearance values allowed prediction of human PFAS clearance, which were very close to values reported in a recent TK study in a volunteer.
Using equilibrium dialysis, we showed that the free fraction of PFSA and PFCA decreases with increasing molecular weight (MW) up to a threshold of 400–500 g/mol, beyond which the trend reverses in humans and mice. Modeling of this relationship enabled prediction of the free fraction (fu) of PFAS from their molecular weight. Only PFAS with MW below 500 g/mol were identified as potential substrates of renal transporters that may contribute to their tubular secretion and reabsorption.
Integration of toxicokinetic modeling, plasma protein binding analysis, and renal transporter interaction studies provided a coherent link between chemical structure, clearance, and persistence of PFAS.
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