Le minéral osseux est constitué de nanocristaux d’apatite dont la composition chimique et la structure diffèrent significativement de celle de l’hydroxyapatite stœchiométrique (HAP). Ces apatites biologiques ou leurs analogues de synthèse appelés apatites biomimétiques présentent une couche ionique hydratée en surface d’un cœur apatitique, composée d’espèces labiles (HPO₄²⁻, CO₃²⁻, Ca²⁺, H₂O), qui leur confère une réactivité particulière vis-à-vis des biomolécules. Comprendre cette structure et son rôle dans les interactions biomolécule/minéral est important pour élucider les processus de biominéralisation et concevoir des biomatériaux à délivrance contrôlée. L’objectif principal de cette thèse était, d’une part, de développer des modèles numériques réalistes d’apatites biomimétiques et, d’autre part, de mieux comprendre les mécanismes d’interaction entre des biomolécules et les surfaces de ces apatites, en combinant de manière complémentaire des approches expérimentales et théoriques basées sur la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT).
Dans ce contexte, cette thèse a dans un premier temps porté sur la modélisation de l’HAP stœchiométrique et non-stœchiométrique, permettant de valider la méthodologie de calcul employée et de mieux comprendre le cœur apatitique des apatites biomimétiques. Cette étape préliminaire a posé les bases nécessaires à l’élaboration d’un modèle plus réaliste des apatites biomimétiques.
Dans un deuxième temps ces travaux ont consisté à développer, pour la première fois, des modèles numériques réalistes d’apatites biomimétiques nanocristallines intégrant explicitement la couche ionique hydratée en surface du cœur apatitique. Ces modèles ont été construits à partir de données expérimentales et validés par comparaison des spectres simulés, en utilisant la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT), aux spectres (FTIR) expérimentaux. Le modèle le plus représentatif reproduit fidèlement les signatures vibrationnelles du cœur apatitique et de la couche hydratée. Ces travaux fournissent une description atomistique inédite des apatites biomimétiques, en accord avec les hypothèses actuelles sur leur organisation structurale.
Enfin ces modèles ont été utilisés pour explorer les mécanismes d’adsorption de deux biomolécules modèles d’intérêt biologique, la sérine et la phosphosérine, à l’interface minéral/solution. Expérimentalement, des isothermes d’adsorption ont montré une affinité modérée de la sérine (isotherme de Freundlich) et une forte adsorption spécifique de la phosphosérine (isotherme de Langmuir), accompagnée d’un relargage proportionnel des ions phosphate, suggérant un mécanisme d’échange ionique. Du côté des simulations numériques à l’échelle atomique, des calculs DFT ont permis d’explorer plusieurs scénarios d’interaction molécule/apatite en utilisant un modèle comprenant une couche ionique hydratée sur la surface d’apatite mais également une couche d’eau explicite, mettant en évidence l’importance de la couche ionique hydratée et du milieu aqueux dans le contrôle des mécanismes d’adsorption.
Ce travail démontre la pertinence d’une approche conjointe expérimentation-modélisation pour comprendre les interfaces biomimétiques et ouvre des perspectives pour le design de surfaces bioactives adaptées aux applications biomédicales. |
Bone mineral consists of apatite nanocrystals whose chemical composition and structure differ significantly from those of stoichiometric hydroxyapatite (HAP). Biological apatite nanocrystals and their biomimetic analogues exhibit a hydrated ionic layer on the surface of an apatitic core, rich in labile species (HPO₄²⁻, CO₃²⁻, Ca²⁺, H₂O) which plays an important role in controlling surface reactivity in aqueous environments. Understanding this structure and its role in biomolecule/mineral interactions is important for biomineralization processes and controlled-release biomaterials. The main objective of this thesis was, on the one hand, to develop realistic numerical models of biomimetic apatites and, on the other hand, to better understand the interaction mechanisms between biomolecules and the surfaces of these apatites, by complementarily combining experimental and theoretical approaches based on density functional theory (DFT).
In this context, this PhD thesis first focused on the modeling of stoichiometric and non-stoichiometric HAP, to validate the calculation methodology used and to better understand the apatitic core of biomimetic apatites, for developing a more realistic model of biomimetic apatites.
Secondly, this work developed, for the first time, realistic atomistic models of nanocrystalline biomimetic apatites explicitly, including the non-apatitic hydrated ionic layer. These models were built based on the experimental data and validated by comparing simulated vibrational spectra, obtained using density functional theory (DFT), with experimental FTIR spectra. The most representative model successfully reproduced the vibrational signatures of both the apatite core and the hydrated surface layer. This work provides an unprecedented atomistic description of biomimetic apatites, consistent with current structural hypotheses.
These models were then used to investigate the adsorption mechanisms of two model biomolecules, serine and phosphoserine, at the mineral/solution interface. Serine, abundant in bone collagen, and phosphoserine, known as mineral nucleation initiator by locally binding via its phosphate groups, both play key roles in bone biomineralization. Experimentally, adsorption isotherms revealed a moderate affinity of serine (Freundlich isotherm) and a strong, specific adsorption of phosphoserine (Langmuir isotherm), accompanied by a proportional release of phosphate ions, suggesting an ion exchange mechanism. From a theoretical perspective, DFT calculations explored several molecule/apatite interaction scenarios using an explicit model, highlighting the critical influence of the hydrated ionic layer on the apatitic core and aqueous environment in controlling adsorption mechanisms.
This work underscores the relevance of a combined experimental–computational approach to understand biomimetic interfaces and opens perspectives for designing bioactive surfaces for biomedical applications. |