Les nanoparticules (NPs) métalliques ultrafines, de taille comprise entre 1 et 3 nm, présentent des propriétés physiques et structurale qui diffèrent radicalement de celles de leurs homologues massifs et trouvent des applications dans différents domaines tels que la catalyse, la photonique, l’électronique et la biomédecine. Cette thèse traite du cas des NPs d’argent ultrafines synthétisées par une méthode de réduction en phase liquide qui consiste en la réduction du nitrate d’argent (AgNO₃) par des trialkylsilanes dans un solvant non polaire en présence d’oléylamine (OY), combinant les avantages des synthèses en phase aqueuse (utilisation de sels métalliques commerciaux) et celles en phase apolaire (stabilisation stérique par des amines à longue chaîne). L’originalité réside dans la formation de clusters {Ag(I)-OYx-NO₃⁻}ₙ, qui jouent le rôle de précurseurs pour la nucléation des NPs d’argent. Un des objectifs de la thèse est de valider la stratégie de synthèse proposée impliquant une nucléation confinée au sein de clusters d’Ag(I) et de développer pour cela les outils expérimentaux permettant le suivi de leur formation in situ et en temps réel.
La diffusion des rayons X aux petits et grands angles (SAXS, WAXS) et l’analyse par fonction de distribution des paires (PDF) a révélé la formation de NPs d’argent de structure icosaèdrique, monodisperses de taille 3 nm (taille compatible avec des icosaèdres nombre magique à 6 couches). L’étude paramétrée a montré que les concentrations d’argent et de silane ou la température avaient très peu d’effet sur la taille et la structure des particules. La concentration en argent peut être augmentée jusqu’à 0,16 M sans altérer la monodispersité des NPs d’argent, soulignant la robustesse et la mise à l’échelle de la méthode. Les seuls paramètres influençant la taille des particules sont la concentration en OY et la nature du précurseur d’argent. Une forte corrélation a été observée entre la taille des clusters d’Ag(I) initiaux et celle des NPs finales, soutenant l’hypothèse d’une nucléation confinée au sein de ces clusters.
Le suivi cinétique de formation des NPs, des mesures SAXS in situ et résolues en temps ont été réalisées à l’aide d’une puce microfluidique dédiée, permettant un mélange rapide et efficace, un contrôle précis des échelles de temps et d’espace, ainsi qu’une homogénéité chimique. Cela a permis de suivre à la fois la présence des clusters Ag(I) et des particules métalliques ainsi que leur taille, densité volumique et polydispersité. La variation de la vitesse de réaction sur deux ordres de grandeur sans affecter significativement la taille finale des particules suggère un comportement qui dévie de la théorie classique de la nucléation. Les données cinétiques ont révélé que la phase de nucléation des particules métalliques s’arrête avec la disparition des clusters d’Ag(I). De plus, la vitesse de nucléation est fortement dépendante des conditions expérimentales alors que la vitesse de croissance (variation du diamètre avec le temps) est indépendante. La nucléation se produisait par des événements isolés, compatibles avec une statistique de Poisson, pouvant durer des temps variables sans altérer la taille finale des particules, en contradiction avec le modèle de LaMer. La vitesse de croissance ne dépend en revanche que de la taille des particules ce qui semble relié à la croissance par couches des particules icosaèdriques.
La dernière partie de la thèse montre que l’utilisation de dialkylsilanes à la place de trialkylsilanes conduit à la formation de NPs d’argent de taille similaire, mais adoptant une structure cubique à faces centrées (cfc). La réaction s’est déroulée dix fois plus rapidement, a produit une température plus élevée et un dégagement d’hydrogène, ouvrant la voie à un contrôle du polymorphisme en jouant soit sur les conditions cinétiques de nucléation et de croissance soit sur les effets de surface. |
Ultrasmall metal nanoparticles (NPs), ranging 1–3 nm in size, exhibit properties that deviate dramatically from their bulk counterparts. This is largely due to a high fraction of undercoordinated surface atoms and the quantization of electronic states, enabling extensive utility in fields such as catalysis, photonics, electronics, and biomedicine. Occupying a size regime between metal clusters and larger nanoparticles, ultrasmall NPs show unique structural polymorphism, arising from specific nucleation and growth conditions. A key challenge for physical chemists is to develop reproducible and scalable syntheses of monodisperse ultrasmall NPs with well-defined crystal structures, and to elucidate how size and structure govern their nucleation and growth mechanisms.
This thesis addresses these challenges in the context of ultrasmall Ag NPs by developing a novel liquid-phase synthesis and in-situ tools for real time monitoring. A unique ligand-mediated strategy, involving confined nucleation within metal precursor Ag(I) clusters, has been developed, which involves the reduction of AgNO₃ by trialkylsilanes in a nonpolar solvent in the presence of oleylamine (OY). The method combines advantages of aqueous phase syntheses (the use of commercial metal salts), with those of apolar phase syntheses (the use of steric stabilization with long chain amines). The novelty of this method lies in the formation of large, self-assembled, {Ag(I)-OYx-NO₃⁻}ₙ clusters, which act as true nucleation precursors. A primary objective was to determine the precise role of these Ag(I) clusters during nucleation and growth. A combination of in situ small- and wide-angle X-ray scattering (SAXS, WAXS) and pair distribution function (PDF) analysis revealed the formation of highly monodisperse, 3 nm Ag icosahedra – consistent in size with 6-shell magic-number icosahedra. Changes in precursor and reducing agent concentrations, as well as temperature, had little effect on final particle size or structure. Notably, the silver concentration could be increased up to 0.16 M without altering the monodispersity of the Ag NPs, highlighting the robustness and scalability of the method. Only OY concentration and the nature of the silver precursor influenced the size of the Ag(I) clusters, which strongly correlated with the final NP size, supporting the hypothesis of nucleation confined within these clusters.
To track the kinetics of NP formation, in-situ time-resolved SAXS was performed using a dedicated microfluidic platform, enabling rapid and efficient mixing for chemical homogeneity. This enabled real-time monitoring of key parameters such as particle size, concentration, number density, and polydispersity. Modulation of reaction parameters enabled tuning of the reaction rate by over two orders of magnitude, without altering particle size, contradicting classical nucleation theory and pointing to an alternative, size-limiting pathway. Kinetic data revealed that nucleation stopped with the disappearance of the Ag(I) clusters. Nucleation rate was highly dependent on the experimental conditions, while the growth rate was independent. Nucleation occurred though isolated, stochastic events consistent with Poisson statistics – lasting different durations but yielding the same particle size, in contradiction with the LaMer model. Growth rate, however, was limited only by the particle size, consistent with the layered growth of magic-number icosahedra.
Using dialkylsilanes instead of trialkylsilanes produced Ag NPs of similar size but adopting a face-centered cubic (fcc) structure. The reactions proceeded ten times faster, produced a higher temperature, and released hydrogen, suggesting a control of polymorphism through kinetic conditions or surface effects. This thesis presents a robust framework for probing NP formation and offers new mechanistic insights into the nucleation and growth of ultrasmall Ag NPs, supporting the rational design of well-defined nanomaterials. |