Le « mystère de la création artistique » constitua, on le sait, l’un des centres d’intérêt majeurs de Stefan Zweig tout au long de sa vie. Par ses écrits consacrés au travail de création comme par sa collection de manuscrits autographes, il oscille entre trois attitudes parfois opposées : curiosité intellectuelle, glorification abstraite et transmission empreinte d’empathie. Ainsi, il se situe à la croisée de deux pôles : d’une part, une réflexion critique sur les œuvres, intégrant des perspectives résolument modernes sur le processus de création ; d’autre part, une mise en scène rhétorique fort expressive et maîtrisée, qui perpétue certains stéréotypes traditionnels liés à la figure de l’artiste. Son activité d’écriture et de collectionneur remplit une triple fonction : conserver, construire et transmettre, ces trois dimensions étant intrinsèquement liées. À ce titre, Zweig apparaît comme un véritable « architecte du monde littéraire ». C’est sous cet angle que la présente étude l’aborde, en s’appuyant sur sa double identité d’autorité reconnue dans l’art de collectionner les autographes et d’écrivain populaire.
Les deux premières parties de la thèse proposent une contextualisation qui prend pour objet à la fois le discours contemporain sur le génie et la dimension sociale de la collection d’autographes. Zweig y est replacé dans l’espace discursif plus large de son époque, tandis que certaines considérations issues des sciences de la culture sont mobilisées pour interroger ces pratiques et ces discours. Sont également analysés des exemples tirés de son œuvre, mettant en évidence la stylisation du génie basée sur la rhétorique héritée de la poétique antique, ainsi que la récurrence du geste de collectionner et de celui d’écrire comme motifs littéraires. La pratique de collectionneur et l’écriture de Zweig se nourrissent en effet mutuellement, ce que l’étude illustre par des exemples choisis.
La troisième partie s’ouvre sur une présentation théorique du concept de « scène d’écriture », emprunté à la critique littéraire. À partir de ce cadre, elle analyse une sélection de « scènes de l’écriture » chez Zweig, c’est-à-dire les représentations littéraires du processus créatif au sein de ses propres textes. La quatrième partie s’intéresse à la « scène d’écriture » propre à Zweig : l’environnement, les conditions et les caractéristiques de sa pratique créatrice. Alors que la troisième partie procède à des analyses textuelles détaillées, attentives à la microstructure de passages sélectionnés, la quatrième met l’accent sur l’examen des avant-textes de Zweig, à savoir ses brouillons et travaux préparatoires conservés dans les archives pour certains de ses projets d’écriture. |
It is known that Stefan Zweig was interested in the ‘Secret of Artistic Creation’ throughout his life. In his writings about creative work and his collection of manuscripts (autograph collection), he oscillates between the somehow contradictory positions of curious inquiry, enthusiastic veneration, and emphatic mediation. He moves between the poles of critical reflection on creative output, encompassing modern perspectives on the creative process on the one hand, and stylised staging of the creative process, including the perpetuation of traditional artistic stereotypes on the other. His writing and collecting thus perform a threefold function: aspects of conservation, construction and mediation are all closely intertwined. In this respect, Zweig can be understood as an ‘architect of the literary world’, and the thesis approaches him as such, exploring his dual identity as an authority in the field of autograph collecting and as a popular writer.
The first two parts of the work fulfill contextualising purposes regarding contemporary discourses on genius and social dimensions of autograph collecting. In situating Zweig in the broader discursive field, recent perspectives from cultural studies are brought to bear on the staging, imagining and archiving of creative processes. In addition, selected texts by Zweig are analysed that deal with the staging of genius based on rhetorical structures, and with the topic of collecting and writing as literary motifs. There are multiple interactions between Zweig’s collecting practice and his writing, which are presented in this work as examples.
At the beginning of part 3, the writing scene is examined as itself a concept of literary studies, and from there, part 3 analyses “scenes of writing”, that is, the representation of the creative process in selected literary texts by Zweig. Part 4 of the work focuses on the “writing scene” of Zweig, that is, the setting and characteristics of his own creative production and the circumstances that accompany it. The third part therefore contains detailed analyses of texts or text passages based on close reading methods, investigating the microstructure of these texts. The fourth chapter has preliminary material on specific writing projects, the ‘avant-textes’ of Zweig, at its heart. |