L'émergence et la propagation des bactéries pathogènes multirésistantes aux antibiotiques constituent un phénomène de plus en plus préoccupant et un enjeu majeur en santé humaine et animale. Staphylococcus aureus est une bactérie commensale et un pathogène opportuniste chez l’homme et les animaux. Certaines souches de S. aureus ont acquis une résistance à de nombreux antibiotiques, voire à la quasi-totalité des antibiotiques disponibles. La capacité de S. aureus à acquérir et transmettre des gènes de résistance aux antibiotiques (ARGs) est étroitement liée à son aptitude à échanger du matériel génétique avec son environnement et les microorganismes voisins. Chez les bactéries, les ARGs se propagent verticalement via des clones épidémiques et horizontalement par transfert horizontal de gènes (HGT) via des éléments génétiques mobiles (EGMs). Chez S. aureus, les EGMs (tels que les plasmides, transposons, prophages ou éléments intégratifs et conjugatifs) représentent entre 15 % et 20 % du génome. Avant cette thèse, les associations entre les EGMs et les ARGs chez S. aureus avaient été peu explorées. L'importance du HGT dans l'adaptabilité de S. aureus aux pressions environnementales et l'émergence de clones multirésistants restaient en grande partie à démontrer.
L’objectif de cette thèse était d’élargir nos connaissances sur la répartition des EGMs porteurs d’ARGs et sur les mécanismes régissant leur dissémination. Pour cela, une cartographie des EGMs et des ARGs circulant dans S. aureus a été établie via une analyse in silico de 10 063 génomes d’origine humaine et animale accessibles dans les bases de données du NCBI. En parallèle, des plasmides dérivés de 330 isolats animaux, collectés entre 2010 et 2021 et portant divers ARGs, ont été caractérisés par PCR, PFGE et séquençage. Enfin, la capacité de transfert conjugatif de plasmides de six souches de S. aureus résistantes à la méticilline (SARM), appartenant aux clones associés aux hôpitaux, à la communauté et au animaux, a été évaluée par des expériences de conjugaison. Ces plasmides ont ensuite été introduits dans une souche de S. aureus dépourvue de plasmide afin d'évaluer, via des expériences de fitness, leur coût métabolique.
Nos analyses ont révélé une remarquable diversité des EGMs et ARGs chez S. aureus, les plasmides et les transposons étant les principaux vecteurs de gènes de résistance. De nombreuses associations plasmide/ARG ont été identifiées, suggérant que ces EGMs jouent un rôle central dans la dissémination de la résistance aux antibiotiques. La présence de certaines familles de plasmides porteurs d'EGMs est similaire entre les souches d'origine humaine et animale, soulignant leur potentiel de propagation indépendante de l'hôte. La présence d’un élément donné dans un large groupe de souches de même type de séquence (ST) reflète vraisemblablement une transmission clonale de cet élément, tandis que sa présence dans plusieurs STs démontre une transmission horizontale. Les EGMs, en particulier les plasmides, apparaissent essentiels dans la constitution et l’évolution du résistome de S. aureus (l'ensemble des ARGs). Les plasmides chez S. aureus sont répandus, et leur succès épidémique ne semble pas être expliqué par leur taux de transfert in vitro. Cependant, leur persistance pourrait être liée à un coût métabolique réduit pour la cellule hôte, un mécanisme restant à élucider.
En conclusion, les résultats de mes travaux mettent en lumière les interactions complexes entre les EGMs et les ARGs chez S. aureus. Les plasmides servent de principaux réservoirs de résistance aux antibiotiques et, à ce titre, favorisent l’évolution et l’adaptation des clones qui les hébergent dans des environnements sélectifs. Comprendre les mécanismes de leur dissémination et de leur maintien au sein des populations bactériennes est donc crucial pour élaborer des stratégies de lutte contre la résistance aux antibiotiques chez S. aureus. |
The emergence and spread of multidrug-resistant pathogenic bacteria is an increasingly worrying phenomenon and a major issue in both human and animal health. Staphylococcus aureus is a commensal bacterium and an opportunistic pathogen in humans and animals. Certain strains of S. aureus have acquired resistance to many, if not all, antibiotics available to treat the infections they cause. The ability of S. aureus to acquire and transmit antibiotic resistance genes (ARGs) is closely linked to its capacity to exchange genetic material with its environment and surrounding microorganisms. In bacteria, ARGs spread vertically through successful epidemic clones and horizontally via horizontal gene transfer (HGT) through mobile genetic elements (MGEs). In S. aureus, MGEs (such as plasmids, transposons, prophages or integrative and conjugative elements) represent between 15% and 20% of the genome. Prior to this dissertation, the associations between MGEs and ARGs in S. aureus had been poorly explored. The importance of HGT in S. aureus adaptability to environmental pressures and the emergence of multidrug-resistant clones remained largely to be demonstrated.
The aim of this thesis was to expand our knowledge on the distribution of MGEs carrying ARGs and the mechanisms governing their dissemination. To this end, a mapping of MGEs and ARGs circulating in S. aureus was generated through in silico analysis of 10,063 genomes of human and animal origin accessible from NCBI databases. In parallel, plasmids derived from 330 animal isolates, collected between 2010 and 2021 and carrying various ARGs, were characterized using PCR, PFGE, and sequencing. Finally, the conjugative transfer capacity of plasmids from six methicillin-resistant S. aureus (MRSA) strains, belonging to hospital-associated (HA-MRSA), community-associated (CA-MRSA), and livestock-associated (LA-MRSA) clones, was evaluated through conjugation experiments. These plasmids were then introduced into a plasmid-free S. aureus strain to assess, through fitness experiments, the metabolic cost of these plasmids.
Our analyses revealed a remarkable diversity among MGEs and ARGs in S. aureus, with plasmids and transposons being the primary vectors of resistance genes. Numerous plasmid/ARG associations were identified, suggesting that these MGEs play a central role in the dissemination of antibiotic resistance. The presence of certain plasmid families carrying MGEs is similar among strains of human and animal origin, highlighting their potential for host-independent propagation. The presence of a given element in a large group of strains of the same sequence type (ST) likely reflects the clonal transmission of this element, whereas its presence across multiple STs demonstrates horizontal transmission. MGEs, particularly plasmids, appear essential to the constitution and evolution of the S. aureus resistome (the collection of ARGs). Plasmids in S. aureus are widespread, and their epidemic success does not seem to be explained by their in vitro transfer rate. However, their persistence may be related to a reduced metabolic cost for the host cell, a mechanism that remains to be elucidated.
In conclusion, the findings of this work shed light on the complex interactions between MGEs and ARGs in S. aureus. Plasmids serve as the primary reservoirs of antibiotic resistance and, as such, promote the evolution and adaptation of the clones that harbor them in selective environments. Understanding the mechanisms of their dissemination and maintenance within bacterial populations is thus crucial for developing strategies to combat antibiotic resistance in S. aureus. |