Cette thèse de linguistique anglaise s’intéresse aux messages implicites dans les allocutions de campagnes présidentielles aux États-Unis. Bien que souvent perçue comme périphérique, la communication de messages implicites accompagne l’explicite et contribue à la construction du message global. L’objectif est de montrer que, loin d’être marginale, la transmission de messages implicites est instrumentalisée de manière stratégique par les locuteurs dans le cadre de leur argumentation. Le corpus retenu pour cette étude se compose des allocutions prononcées par les candidats aux élections présidentielles américaines de 2004, opposant George W. Bush à John Kerry, de 2008, où Barack Obama a remporté la victoire face à John McCain, et de 2016, qui a vu s’opposer Donald Trump et Hillary Clinton. L’enjeu est de comprendre comment les candidats mobilisent différents types d’implicite pour favoriser la dimension persuasive de leur discours. La recherche examine donc les spécificités des formes de messages implicites, leur articulation, et leur rôle dans la stratégie argumentative.
Le travail articule une étude de corpus et une démarche d’analyse de discours. Cette dernière fait appel aux outils de l’énonciation comme de la pragmatique lors des micro-analyses. Elle vise en outre à relier les phénomènes micro-discursifs aux stratégies argumentatives globales. La thèse veille à mobiliser ces apports de manière complémentaire et fonctionnelle, tout en respectant leur autonomie théorique, afin d’éclairer au mieux les spécificités du corpus étudié.
La première partie, après une présentation du corpus, propose une cartographie de la notion d’implicite, en s’appuyant notamment sur la typologie de Kerbrat-Orecchioni (1998), pour distinguer les principaux procédés relevant de l’implicite : les présupposés, les sous-entendus et les connotations. Les spécificités de ces procédés sont examinées, tout en mettant en lumière ce en quoi ils peuvent être regroupés sous la notion d’implicite. En outre, chacun d’entre eux peut fournir un apport différent en termes de stratégies discursives et argumentatives. En effet, les présupposés permettent de présenter des éléments comme situés à l’arrière-plan, les sous-entendus conduisent à la reconstruction d’un message distinct du message explicite, et les connotations constituent des apports de significations, appréciatives ou idéologiques, s’ajoutant à la dénotation.
La recherche vise donc à identifier les marqueurs déclencheurs de messages implicites stratégiques dans les discours politiques et à comprendre leur fonctionnement. La deuxième et la troisième parties du travail explorent les mécanismes liés à plusieurs supports véhiculant de tels messages. Différents marqueurs ont été retenus pour leur pertinence de leur emploi dans un contexte d’élections. Le préfixe RE- présuppose un état préalable et les verbes factifs présupposent la vérité d’une relation prédicative. Par ailleurs, plusieurs marqueurs, regroupés en raison de leur lien à la notion d’altérité, reflet de la polarité du débat électoral, permettent de sous-entendre des messages relatifs à l’adversaire. Enfin, le terme "government", symbole du pouvoir convoité, a été retenu pour son potentiel connotatif.
Les analyses révèlent que les présupposés ne sont pas de simples éléments de contexte, mais participent à la stratégie argumentative, en introduisant des idées difficiles à contester. Les sous-entendus et connotations renforcent cette stratégie par une communication indirecte, permettant aux candidats de transmettre des intentions cachées sans s’exposer frontalement. Ainsi, cette recherche permet d’explorer le rôle central de l’implicite dans l’argumentation politique et d’ancrer ces réflexions dans l’analyse de discours authentiques. Elle met en lumière la sophistication stratégique des discours des candidats, qui exploitent les ressources de l’implicite en vue d’influencer l’électorat, tout en conservant une apparente neutralité ou objectivité. |
This doctoral dissertation in English linguistics investigates the role of implicit messages in U.S. presidential campaign speeches. Although often considered peripheral, implicit communication accompanies explicit content and contributes significantly to the construction of overall meaning. The aim is to demonstrate that, far from being marginal, the transmission of implicit messages is strategically used by speakers as part of their argumentative framework.
The study is based on a corpus comprising speeches delivered by candidates during three U.S. presidential elections: the 2004 contest between George W. Bush and John Kerry, the 2008 campaign won by Barack Obama against John McCain, and the 2016 race between Donald Trump and Hillary Clinton. The central issue is to understand how candidates mobilize different forms of implicitness to enhance the persuasive dimension of their discourse. The research therefore examines the specific features of implicit messages, their interaction, and their function within argumentative strategies.
This work combines corpus analysis with an approach belonging to the field of discourse analysis. The latter draws on both enunciation theory and pragmatics in the course of micro-analyses, aiming to link micro-discursive phenomena to overarching argumentative strategies. The thesis ensures that these theoretical perspectives are mobilized in a complementary and functional manner while maintaining their conceptual autonomy, thereby shedding light on the specificities of the corpus.
The first part, following a presentation of the corpus, offers a conceptual mapping of implicitness, relying in particular on the typology proposed by Kerbrat-Orecchioni (1998) to distinguish between major implicit mechanisms: presupposition, implied meaning, and connotation. The specific features of these mechanisms are examined, while highlighting how they may be brought together under the overarching concept of implicit meaning. Each contributes differently to discursive and argumentative strategies: presuppositions present information as backgrounded or taken for granted; implied meanings require the addressee to reconstruct a message distinct from the explicit one; and connotations add evaluative or ideological dimensions to denotative meaning.
The research aims to identify linguistic markers that trigger strategically implicit messages in political discourse and to explore their functioning. The second and third parts of the dissertation investigate several mechanisms that convey such messages. Various markers have been selected based on their relevance in an electoral context. For instance, the prefix RE- presupposes a prior state, while factive verbs presuppose the truth of their complement clauses. Moreover, several markers associated with the notion of alterity, central to the polarized nature of electoral debate, are shown to implicitly target political opponents. Finally, the term government, as a symbol of the contested seat of power, is examined for its connotative potential.
The analyses reveal that presuppositions are not merely contextual background but serve argumentative purposes by introducing ideas that are difficult to challenge. Implied meanings and connotations further reinforce this strategy through indirect communication, enabling candidates to convey hidden intentions while avoiding direct confrontation. Ultimately, this research explores the central role of implicitness in political argumentation and anchors these reflections in the analysis of authentic discourse. It highlights the strategic sophistication of campaign rhetoric, wherein candidates exploit implicit resources to influence the electorate while maintaining an appearance of neutrality or objectivity. |