Soutenance de thèse de Piotr MICHALAK

Régulation de la physiologie reproductive et des conflits sexuels : une approche par modélisation chez Drosophila melanogaster


Titre anglais : Regulation of Reproductive Physiology and Sexual Conflict : A Modelling Approach in Drosophila melanogaster
Ecole Doctorale : SEVAB - Sciences Ecologiques, Vétérinaires, Agronomiques et Bioingenieries
Spécialité : Ecologie, biodiversité et évolution
Etablissement : Université de Toulouse
Unité de recherche : UMR 5300 - CRBE - Centre de Recherche sur la Biodiversité et l'Environnement


Cette soutenance a eu lieu lundi 16 décembre 2024 à 14h00
Adresse de la soutenance : UNIVERSITÉ PAUL SABATIER - TOULOUSE III 118 Rte de Narbonne, 31062 Toulouse - salle Amphitheatre Schwarz

devant le jury composé de :
Jean-Baptiste FERDY   Professeur des universités   Université Toulouse III - Paul Sabatier   Directeur de thèse
David DUNEAU   Researcher   University of Edinburgh   CoDirecteur de thèse
Hanna KOKKO   Professeure   Johannes Gutenberg University Mainz   Rapporteur
Jennifer PERRY   Assistant professor   St. Francis Xavier University   Rapporteur
Mariana WOLFNER   Professeure   Cornell University   Rapporteur
Thomas FLATT   Professeur   University of Fribourg   Examinateur
Alexandra MAGRO   Professeure   ENSFEA   Président


Résumé de la thèse en français :  

Les protéines du liquide séminal (PLS) sont un groupe de protéines présentes dans l'éjaculat. Ces protéines jouent un rôle de soutien au sperme en aidant à la fécondation, mais ont également une série d'effets sur la physiologie et le comportement des femelles. Elles peuvent en effet augmenter leur rendement reproductif, mais dans le même temps réduire leur survie. En raison de leurs potentiels effets négatifs, les PLS ont longtemps été interprétés comme un moyen pour les mâles de manipuler la reproduction des femelles à leur propre avantage. Elles sont devenues un exemple largement cité de conflit sexuel qui peut être attribué à une seule protéine. Ce paradigme commence cependant s'effriter~: on considère aujourd'hui de plus en plus qu'il est possible que les femelles utilisent les PLS pour réguler leur propre reproduction.
Dans un premier chapitre, j'étudie comment la dynamique de reproduction des femelles peut déterminer les coûts d'un évènement qui oblige la femelle à divertir une partie des ressources qu'elle investit dans la reproduction. J'ai pour celà réalisé des expériences où j'ai imposé une blessure à des femelles accouplées une seule fois, et j'ai tenté de relier la réduction de la reproduction induite par la blessure au moment où elle a été faite. Ces expériences préliminaires n'ont pas permis de vérifier l'attendu que des blessures réalisées juste après l'accouplement devraient avoir un impact plus fort.
Je présente ensuite l'analyse d'un modèle mathématique de régulation de la physiologie reproductive des femelles par les PLS. Ce modèle est largement construit à partir des connaissances accumulées sur le cas de Drosophila melanogaster. J'utilise le modèle pour comparer deux modes de reproduction possibles - l'un guidé par les PLS, l'autre où la reproduction ne serait pas régulée. Je montre comment l'utilisation des PLS, en synchronisant les processus d'émission des ovules et du sperme stocké dans les spermathèques, conduisent à l'alignement des différentes composantes du succès reproducteur des femelles et augmente leur reproduction. Je montre également que l'attachement de certaines PLS au sperme lui même joue un rôle important dans cette synchronisation, et font de ces PLS un signal honnête indiquant aux femelles la quantité de sperme disponible pour la fécondation.
J'examine ensuite l'implication des PLS dans les conflits sexuels, en particulier dans celui concernant le réaccouplement des femelles. Je démontre dans un premier temps que sans régulation par les PLS, la reproduction des femelles est optimale pour un temps de réaccouplement bien précis~; grâce aux PLS les femelles peuvent au contraire maintenir un succès reproducteur élevé pour une large gamme d'intervalles de temps entre deux accouplements. Ce mécanisme pourrait garantir aux femelles un niveau de reproduction satisfaisant lorsque le temps entre deux accouplements est incertain. Il pourrait aussi leur permettre d'être plus sélectives vis-à-vis des mâles. Je montre finalement que les PLS conduisent à une réduction des pressions sélectives sur les mâles pour dévier de la stratégie optimale des femelles. Contrairement à l'attendu classique, les Sfps peuvent donc diminuer le conflit sexuel sur les intervalles de réaccouplement.

 
Résumé de la thèse en anglais:  

Seminal fluid proteins (Sfps) are a group of proteins present in the male ejaculate. Those proteins perform a sperm supporting role aiding in fertilization, but also have a range of effects on the female physiology and behaviour. They can increase reproductive output, but at the same time decrease female survival. Because of these possible negative effects, and possibly in part because of the male-centred research point of view, seminal fluid proteins have been long considered as a way for males to manipulate female reproductive output towards their own interests. For this reason, Sfps became an often cited example of sexual conflict that can be pinpointed to a single protein. However, recently the paradigm starts to shift back towards the possibility that it is the females who use Sfps to guide her reproductive investment. In this thesis I study how the regulation of female physiology influence the dynamics of reproduction and how the use of Sfps for this role impacts female fitness.
In the first chapter, I look experimentally at the female reproductive dynamics. I test the fitness costs of a challenge that diverts resources from reproduction and how this cost depends on the time when the challenge was administered. The chosen challenge, wounding, a naturally occurring challenge in Drosophila, should have greater effects when applied just after mating than later on, when female produces less offspring. These experiments did not allow for verifying this hypothesis as there was no effect on the wound on the female reproductive success. We found that female reproduction is robust to disturbance by wounding and that the speed, but not total number of produced offspring is affected by the wound.
In the second chapter, I develop a mathematical model to explore how female reproduction can be adjusted by Sfps, using the knowledge available for Drosophila melanogaster. First, I use the model to compare two possible modes of reproduction - one guided by the Sfps, and another based on a theoretical constant reproduction. The model shows how the use of Sfps to regulate reproduction can synchronize sperm and egg release, thereby aligning different components of female fitness, and increasing reproductive success. The model also suggests that the binding of sex peptide to sperm ensures that Sfps honestly signals the amount of sperm left to the female.
In the third chapter, I examine if Sfps do lead to a sexual conflict over the case of the optimal remating rate. To do so, I added the possibility for the female to remate and considered a limited energy budget and a cost of mating. Without Sfps, females reach maximum offspring production for a specific remating interval. When using Sfps to regulate their reproduction, females reach the same offspring production for a wider range of mating intervals. This could provide females a buffer against uncertainty of mating time; it could also give females a greater leeway in how selective they can be when choosing males. I also show that the Sfps lead to a reduced selective pressures on males to deviate from the female optimal strategy, demonstrating that Sfps can attenuate sexual conflicts. The model suggests that the refractory period observed after mating during which female is unreceptive to males can be in part caused by female adjusting her behaviour rather than by males manipulating them.

Mots clés en français :reproduction,conflit sexuel,sélection sexuelle,Drosophila melanogaster,modélisation
Mots clés en anglais :   reproduction,sexual conflict,sexual selection,Drosophila melanogaster,modelling,seminal fluid proteins