Depuis la moitié du siècle dernier, l’expansion numérique et géographique des populations d’ongulés sauvages s’accompagne de la colonisation des milieux anthropisés. Cette adaptabilité à ces nouveaux environnements est associée à la plasticité comportementale de ces espèces et leur capacité à exploiter les ressources alimentaires de ces milieux, en particulier en agriculture. Dans cette thèse, nous étudions le cas du chevreuil (Capreolus capreolus), un grand herbivore largement répandu en Europe, ayant colonisé les milieux agricoles en plus des forêts et faisant l’objet d’une exploitation intensive par la chasse pour gérer sa forte abondance. Nous avons cherché à comprendre comment le type d’habitat, et les activités humaines, particulièrement l’agriculture et la chasse, impactent leur dynamique de population en agrosystème. Pour cela, nous avons étudié la variation spatiale de traits liés à la performance à travers 3 secteurs d’un paysage agricole qui reflètent différents niveaux d’exploitation de ce milieu : forêt (habitats semi-naturels), mixte (mélange hétérogène d’habitats boisés et ouverts avec une exploitation modérée), ouvert (paysage ouvert avec une forte exploitation agricole). Deux axes majeurs se démarquaient : (1) Le gradient d’exploitation humaine conditionne l’accès aux cultures agricoles et devrait impacter la masse corporelle si bien que les individus du secteur ouvert devraient être les plus lourds, et ceux de la forêt les plus légers. Ce trait étant lié à la qualité phénotypique, les individus du secteur ouvert devraient donc exprimer la meilleure performance. (2) La présence des activités humaines dans le secteur ouvert devrait impacter négativement la survie des chevreuils, exerçant un contrepoids aux bénéfices des cultures. En relation avec l’axe (1), nous avons montré que, si les chevrillards et adultes sont en moyenne plus lourds dans le secteur ouvert, les faons, eux, naissent plus légers dans les secteurs ouvert et mixte qu’en secteur forestier. Nous relions cela à des naissances plus précoces en forêt (10 jours en moyenne) : il a été montré que les faons nés plus tôt étaient en moyenne plus lourds. Nous avons alors étudié comment les faons nés plus légers dans les secteurs ouvert et mixte étaient capables de rattraper leur « retard » dans la prise de masse, jusqu’à devenir en plus lourd qu’en forêt en tant que chevrillard. Nos résultats indiquent que l’apport de ressources complémentaires riches à l’automne, comme le maïs, pourrait induire une prise de masse rapide sur cette période. Concernant l’axe (2), nous avons étudié la variation spatiale de la survie dans ce milieu hétérogène, avec l’hypothèse que les activités humaines pourraient réduire conséquemment la survie des faons (i.e fauches, prédation du renard) et celle des adultes et chevrillards (i.e collisions, chasse, prédation par les chiens,…). Pour les faons, nos résultats indiquent en effet une survie bien plus faible dans le secteur ouvert que dans les deux autres, en lien avec la présence des activités humaines. De plus, nous avons observé que les chevrillards ont une moins bonne survie que les adultes, résultat cohérent avec les études précédentes sur cette espèce dans d’autres milieux, mais le secteur, ne semble pas avoir d’effet sur ce paramètre. En revanche, concernant la mortalité à la chasse, principale cause de mortalité chez les adultes dans les populations exploitées, nous avons constaté une mortalité plus forte chez les mâles adultes que les femelles quel que soit le secteur, alors qu'elle ne varie pas selon le sexe ni le secteur chez les chevrillards. Ainsi, si l’apport des cultures permet une prise de masse rapide lors de la première année, celle-ci s’accompagne d’une performance en phase très précoce (faon) inférieure à celle des individus en secteur forestier ainsi que d’un risque de mortalité accru tout au long de sa vie en raison de l’exposition aux risques associée à la présence des activités humaines. |
Since the half past century, spatial expansion and numeric increase of wild ungulate populations promoted the colonization of anthropogenic landscapes. This ability to adapt to these new environments is partly associated with the capacity to exploit agricultural subsidies. Nevertheless, by getting closer to human activities, wild ungulates populations are subjected to cohabitation problematics between human and wildlife. In this thesis, we studied the roe deer (Capreolus capreolus), a common large herbivore in Europe, as an example of an exploited species that colonized agricultural landscapes. We investigated how human activities, especially hunting and agriculture reshape the population dynamics of this wild ungulate in agricultural landscapes. To do so, we studied the spatial variation of traits related to performance across 3 sectors of an agricultural landscape reflecting different levels of human exploitation and landscape openness: forest (semi-natural habitats); mixed (heterogeneous mix of woodland patches and moderate level of exploitation); open (open and heavily exploited habitats). We grouped our hypotheses into two main axes: (1) the gradient of human exploitation is related to agricultural subsidies availability; thus, individuals of open sector should be the heaviest. As body mass is related to individual performance, they should also have the best performance across the 3 sectors. (2) Human activities should generate additive risks of mortality, reducing survival in the most exploited sectors. Regarding (1), we showed that although juveniles and adults are on average the heaviest in the open sector and lightest in forest, it is the contrary for fawns, likely due to earlier births in the latest. We thus investigated how fawns born in open and mixed sectors can catch-up for their “bad start” before the onset of winter. We identified rich crops such as maize as complementary resources which might promote faster growth during autumn. For (2), we analysed the spatial variation of survival across the sectors. For fawns, we found that human activities reduce survival in the open sector, while it remains similar in mixed and forest sectors. We also found that survival of juveniles was inferior to adults, which is consistent with previous studies on large herbivores. However, surprisingly, sectors had no impact on survival for these two age classes. Nevertheless, mortality due to hunting varies across sectors and with sex for adults. Male survival was consistently lower than females, and the higher rate of mortality due to hunting was in mixed sector, and the lower in forest sector. Hence, although agricultural landscapes provide rich complementary food resources for roe deer, promoting a faster growth during first year, it comes with a weaker performance during the early phase (fawns) and with higher risk of mortality due to human activities. |