Les Leucémies Aigües Myéloïdes (LAM) forment un groupe hétérogène d’hémopathies malignes caractérisées par un blocage de la différenciation et une prolifération incontrôlée de cellules myéloïdes immatures dans la moelle osseuse et le sang. Le pronostic des patients est souvent défavorable en raison d’un risque élevé de rechute, constituant un défi thérapeutique majeur. En particulier, les mutations du gène Fms-like tyrosine kinase type 3 (FLT3), présentes chez environ 30% des patients, sont associées à un risque élevé de rechute et à une survie réduite. Les cellules FLT3 mutées présentent une plasticité accrue, leur permettant d’adapter leur profil métabolique et de développer des mécanismes de résistance suite aux traitements. Des études récentes ont mis en évidence leur dépendance au métabolisme des lipides pour survivre, proliférer et résister. A ce jour, très peu d’études sont disponibles sur l’impact de facteurs externes, en particulier l’alimentation, sur la plasticité métabolique et la résistance thérapeutique de ces cellules.
Au cours de ma thèse, nous avons d’abord étudié l’impact d’un régime cétogène (KD), riche en lipides et pauvre en glucides, sur la résistance thérapeutique des LAMs, en particulier vis-à-vis de la thérapie ciblée à base de gilteritinib (GILT) chez les patients FLT3 mutés. A l’aide d’un modèle murin de xénogreffe de la lignée cellulaire MOLM14, nous avons mis en évidence un effet potentialisant du régime KD sur le GILT, réduisant la charge tumorale leucémique dans la moelle osseuse. Cet effet s’accompagne d’altérations protéiques et transcriptionnelles de la voie FLT3-C/EBPα-STAT5-FASN-SCD, précédemment identifiée comme un axe clé dans l’adaptation du métabolisme lipidique des cellules résistantes. Nos résultats suggèrent également que ce régime augmente la différenciation des cellules leucémiques induite par le GILT et montrent, comme attendu, que les souris sous régime KD présentent un profil métabolique et lipidique modifié au niveau systémique (plasma) et au niveau du tissu hépatique. Ainsi, il semble d’intérêt d’intégrer l’alimentation dans la prise en charge thérapeutique des patients LAM, notamment avec les inhibiteurs de FLT3.
Dans un second temps, suite à nos observations montrant que le régime KD, seul ou combiné au GILT, réduit l’expression de la Stéaroyl-CoA désaturase 1 (SCD1), nous avons entrepris d’évaluer le rôle potentiel de cette enzyme dans la biologie et la résistance thérapeutique au GILT des cellules de LAM FLT3 mutées. Nos travaux antérieurs et des analyses in silico suggéraient que la SCD1, enzyme catalysant la conversion des acides gras saturés en acides gras monoinsaturés, pourrait jouer un rôle clé dans la résistance thérapeutique observée. Dans notre modèle murin utilisant la lignée MOLM14, l’invalidation génétique de la SCD1 via un shARN a entrainé une réduction marquée de la charge tumorale dans la moelle osseuse, associée à une augmentation significative du stress oxydatif dans les cellules. Cet effet anti-leucémique n’a pas significativement prolongé la survie des animaux et n’a pas été observé lors de l’inhibition pharmacologique de la SCD1 simultanément dans les cellules tumorales et dans le microenvironnement. Bien que ces résultats nécessitent des investigations supplémentaires, ils suggèrent que la SCD1 tumorale est clé dans la résistance des cellules de LAM FLT3 mutées, tout en soulignant que la SCD1 du microenvironnement ne doit pas être négligée dans le développement des stratégies thérapeutiques.
Ainsi, l’ensemble de mes travaux met en lumière l’influence encore peu explorée de l’alimentation, en particulier du régime cétogène, ainsi que le rôle potentiel de la SCD1 dans la plasticité métabolique des cellules de LAM FLT3 mutées, participant à la réponse et à la résistance aux thérapies ciblées. Combiner interventions nutritionnelles et thérapies ciblées pourrait ainsi ouvrir la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques prometteuses pour les patients. |
Acute Myeloid Leukemias (AML) represent a heterogeneous group of malignant hematological disorders characterized by a differentiation blockade and uncontrolled proliferation of immature myeloid cells in the bone marrow and blood. Patient prognosis is often poor due to a high risk of relapse, making it a major therapeutic challenge. Notably, mutations in the Fms-like tyrosine kinase 3 (FLT3) gene, present in approximately 30% of patients, are associated with a higher relapse risk and reduced overall survival. FLT3-mutated cells exhibit increased plasticity, enabling them to adapt their metabolic profile and develop resistance mechanisms following treatment. Recent studies have highlighted their dependence on lipid metabolism to survive, proliferate, and resist therapy. To date, very few studies have investigated the impact of external factors, especially diet, on the metabolic plasticity and treatment resistance of these cells.
During my PhD, we first examined the effect of a ketogenic diet (KD) —high in lipids and low in carbohydrates—on therapy resistance in AML, particularly in response to gilteritinib (GILT), a FLT3-targeted therapy. Using a xenograft mouse model of the MOLM14 cell line, we demonstrated that KD potentiated the effect of GILT by reducing leukemic tumor burden in the bone marrow. This effect was associated with proteomic and transcriptomic alterations in the FLT3-C/EBPα-STAT5-FASN-SCD axis, previously identified as a key metabolic adaptation pathway in resistant cells. Our results also suggest that this diet enhances GILT-induced leukemic cell differentiation. As expected, mice fed KD exhibited systemic (plasma) and hepatic changes in their metabolic and lipid profiles. Altogether, these findings suggest that nutritional strategies could be integrated into therapeutic approaches for AML patients, especially in combination with FLT3 inhibitors.
Subsequently, based on our observations that KD, alone or in combination with GILT, reduces expression of Stearoyl-CoA Desaturase 1 (SCD1), we evaluated the potential role of this enzyme in AML biology and GILT resistance in FLT3-mutant AML cells. Our previous results and in silico analyses suggested that SCD1, which catalyzes the conversion of saturated fatty acids into monounsaturated fatty acids, may play a key role in therapy resistance. In our MOLM14-based murine model, genetic knockdown of SCD1 via shRNA led to a marked reduction in bone marrow tumor burden, accompanied by a significant increase in oxidative stress in leukemic cells. However, this anti-leukemic effect did not significantly improve animal survival and was not observed when SCD1 was pharmacologically inhibited in both tumor cells and the microenvironment. Although further investigation is needed, these results suggest that tumor-intrinsic SCD1 is critical for resistance in FLT3-mutant AML, while also highlighting the importance of considering microenvironmental SCD1 in the development of targeted therapeutic strategies.
In conclusion, my work highlights the underexplored influence of diet, particularly ketogenic diet, as well as the potential role of SCD1 in the metabolic plasticity of FLT3-mutated AML cells, contributing to both therapy response and resistance. Combining nutritional interventions with targeted therapy may therefore open new promising therapeutic strategies in AML patients. |