| Les Sargasses (Sargassum spp.) sont des algues brunes composées des deux espèces Sargassum natans et Sargassum fluitans. Depuis 2010, elles se développent à la surface de l’océan Atlantique entre le nord du Brésil et le Delta du Congo. Tous les ans, elles s‘échouent par tonnes sur les plages caribéennes, notamment du Mexique, de la Guadeloupe ou de la Martinique. Ces échouages posent des problèmes importants d’ordre environnemental, économique et sanitaire. La valorisation de cette biomasse est freinée par la variabilité temporelle et quantitative de leurs échouages, leur taux élevé en matière minérale et leur capacité à capter des « métaux lourds » (ou Éléments-Traces Métalliques, ETM) comme l’arsenic ou le cadmium. Peu de solutions existent à ce jour à l’échelle industrielle pour donner une utilité à ces algues.
Les travaux de ce manuscrit avaient ainsi pour objectif de développer une voie de valorisation innovante pour les algues Sargasses en les transformant en agromatériaux. La première étape a été de caractériser la composition chimique d’un lot principal d’algues (qui sera utilisé dans le reste de l’étude). 8 autres lots ont aussi été analysés afin de déterminer l’impact d’une variation spatiale et interannuelle de la récolte d’algues sur les proportions de leurs différents composants. Les Sargasses sont composées d’une majorité de matière minérale et de polysaccharides de structure (alginates, cellulose, fucoïdanes) ainsi que d’une fraction moindre de protéines, de lipides, de mannitol et de polyphénols. Une analyse élémentaire a montré que plusieurs lots d’algues contenaient une teneur en arsenic trop élevée pour qu’elles puissent être utilisées en tant que nourriture animale par exemple.
 Par la suite, l’extrusion bi-vis a été étudiée comme étape de prétraitement des algues en vue de la production de matériaux. Utilisé comme méthode d’extraction aqueuse continue, ce procédé s’est révélé efficace pour réduire/homogénéiser la taille des particules des algues et extraire une partie de leurs ETM. L’utilisation de solutions d’acides sulfurique/citrique ou de chlorure de calcium comme solvant a aussi permis d’améliorer les capacités d’extraction des ETM.
 Une première voie de valorisation en agromatériaux étudiée pour l’extrudat obtenu a été sa transformation en matériaux sans liant 100% algues par thermocompression uniaxiale. Les paramètres expérimentaux permettant d’obtenir les meilleurs matériaux ont été déterminés. Ces conditions ont résulté en des plaques homogènes présentant des propriétés mécaniques élevées (jusqu’à 6,8 GPa et 32,3 MPa respectivement) mais de mauvaises résistances à l’immersion dans l’eau. L’utilisation d’extrudats acides a diminué les propriétés en flexion des matériaux formés mais a grandement augmenté leur résistance à l’eau : les échantillons sont restés intègres après 24 h d’immersion.
 Finalement, des matériaux composites ont aussi été développés en mélangeant des résidus d’extraction à l’eau avec un thermoplastique biosourcé et biodégradable, le Poly 3 hydroxybutyrate (PHB). Plusieurs proportions en algues dans le composite ont été testées, ainsi que plusieurs tailles de particules. L’ajout d’algues dans les matériaux a entraîné une diminution de leurs propriétés mécaniques en traction et en flexion à cause de la faible compatibilité entre le thermoplastique et la matière végétale ; toutefois, cette diminution était moindre que pour d’autres biomasses utilisées comme charges. L’ajout d’algues a permis d’augmenter les capacités d’absorption d’eau des composites, ce qui pourrait améliorer leur biodégradabilité.
 Ainsi, les algues Sargasses représentent une biomasse intéressante pour la production d’agromatériaux par leur faible coût et la simplicité du prétraitement nécessaire à leur valorisation. Le développement de matériaux thermopressés ou composites pourrait constituer une solution pour traiter rapidement les grandes quantités d’algues s’échouant chaque année sur les plages des Caraïbes.
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                | Sargassum (Sargassum spp.) are brown seaweeds composed of the two species Sargassum natans and Sargassum fluitans. Since 2010, they have been growing on the surface of the Atlantic Ocean between northern Brazil and the Congo Delta. Every year, they wash up by the ton on Caribbean beaches, particularly in Mexico, Guadeloupe and Martinique. These strandings cause major environmental, economic and health problems. The exploitation of this biomass is hindered by the temporal and quantitative variability of their strandings, their high mineral content and their capacity to capture ‘heavy metals’ (or Trace Metallic Elements, TMEs) such as arsenic and cadmium. Few solutions currently exist on an industrial scale to make use of these algae.
The aim of this manuscript was therefore to develop innovative ways of adding value to Sargassum seaweeds by transforming them into agromaterials. The first step was to characterise the chemical composition of a main batch of seaweeds (which will be used in the rest of the study). 8 other batches were also analysed to determine the impact of spatial and inter-annual variation in seaweed harvesting on the proportions of their different components. Sargassum seaweeds are made up of a majority of mineral matter and structural polysaccharides (alginates, cellulose, fucoidans) as well as a smaller fraction of proteins, lipids, mannitol and polyphenols. An elemental analysis showed that several batches of seaweeds contained too much arsenic for them to be used as animal feed, for example.
 Subsequently, twin-screw extrusion was studied as a pre-treatment step for seaweeds in order to produce materials. Used as a continuous aqueous extraction method, this process has proved effective in reducing/homogenising the particle size of algae and extracting some of their TMEs. The use of sulphuric/citric acid solutions or calcium chloride as a solvent has also improved the extraction capacity of the TMEs.
 The first agromaterial application studied for the extrudate obtained was its transformation into 100% algae binderless materials using uniaxial thermocompression. The experimental parameters for obtaining the best materials were determined. These conditions resulted in homogeneous sheets with high mechanical properties (up to 6.8 GPa and 32.3 MPa respectively) but poor resistance to immersion in water. The use of acid extrudates reduced the flexural properties of the materials formed but greatly increased their resistance to water: the samples remained whole after 24 h of immersion.
 Finally, composite materials were also developed by mixing water extraction residues with a biosourced and biodegradable thermoplastic, Poly-3-hydroxybutyrate (PHB). Several proportions of algae in the composite were tested, as well as several particle sizes. The addition of seaweeds in the materials resulted in a decrease in their mechanical properties in traction and flexion due to the low compatibility between the thermoplastic and the plant material; however, this decrease was lower than for other biomasses used as fillers. The addition of seaweeds increased the water absorption capacity of the composites, which could improve their biodegradability.
 Sargassum seaweeds therefore represent an interesting biomass for the production of agromaterials because of their low cost and the simplicity of the pre-treatment required for their recovery. The development of thermopressed or composite materials could provide a solution for rapidly treating the large quantities of algae that wash up on Caribbean beaches every year.
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