Cette thèse s’inscrit dans le cadre du programme scientifique Soutenabilités Physiques et Psychiques du Travail. Vulnérabilisation, transitions et modes d’accompagnement (SPPT), financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). Elle traite des questions relatives à la santé au travail chez les moniteurs d’équitation. Ces derniers sont titulaires du BPJEPS Activités Équestres, et forment un groupe professionnel spécifique (Demazière et Gadéa, 2009). Ils travaillent majoritairement dans de très petites entreprises (TPE), sous des configurations d’emploi variées (salarié, chef d’exploitation, moniteur-indépendant). Ils exercent dans un contexte marqué par un fort taux de turnover, étroitement lié aux enjeux de santé au travail (accident du travail, usure corporelle, désenchantement, etc.). Cette thèse interroge les conditions de soutenabilité du travail. Comment les moniteurs parviennent-ils à se maintenir dans le métier, malgré des conditions de travail exigeantes et les atteintes à la santé que le travail génère ? La gestion de leur santé repose rarement sur la prévention institutionnelle formalisée. Elle passe surtout par des initiatives individuelles, qui contribuent à l’individualisation et à la dé-standardisation des parcours professionnels (Brückner et Mayer, 2005). La question est alors de savoir si ces logiques individuelles sont communes à plusieurs individus ou différenciées. Pour répondre à ce questionnement, nous analysons les expériences de santé-travail des moniteurs, dans leurs dimensions biographique et temporelle (Hélardot, Gaudart et Volkoff, 2019). Nous appréhendons les sphères de la santé et du travail dans leur interdépendance, en conceptualisant deux dynamiques de parcours permettant de (re)construire la santé ou de limiter sa fragilisation (Lhuilier, 2020). La première est liée aux leviers d’engagement de type vocationnel mobilisés (Laillier, 2011) et la seconde est relative à la réduction des pénibilités du travail vécues (Bahu, Mermilliod et Volkoff, 2012). À partir du recueil de récits biographiques (Demazière, 2003), auxquels viennent s’agréger des données d’observations et quantitatives, nous montrons que les expériences santé-travail des moniteurs d’équitation se façonnent à l’intersection entre la réalisation des tâches et l’expérience temporelle qui y est associée. Toutes les atteintes à la santé objectivement vécues par les moniteurs ne sont pas systématiquement perçues comme des événements de santé, en fonction du sens que les individus leur accordent et des conséquences qu’elles engendrent – ou n’engendrent pas – sur l’emploi et le travail. Cette dissemblance de vécu varie en fonction des histoires biographiques individuelles. Pour faire face à tous les effets du travail sur la santé, qu’ils soient perçus comme routiniers ou qu’ils impactent leur histoire de vie, les moniteurs d’équitation réalisent un travail de santé à l’échelle de l’emploi et du travail. En définitive, cette recherche montre que le métier n’est soutenable que si les travailleurs conservent une autonomie permettant de réactiver des dimensions valorisées de leur métier, et que leur quotidien ne se réduit pas à la seule gestion des pénibilités. Plus largement, elle apporte un éclairage sur les enjeux contemporains de soutenabilité du travail dans les métiers « passion », reposant encore trop souvent sur des solutions individuelles, et trop peu sur des dispositifs institutionnels de prévention santé. |
This thesis is part of the scientific program Physical and Psychological Sustainability of Work: Vulnerabilization, transition and methods of support, funded by the French National Research Agency. It addresses issues related to occupational health among horseback riding instructors. These professionals hold the BPJEPS Equestrian Activities certification and form a specific professional group (Demazière et Gadéa, 2009). They mainly work in microenterprises under diverse employment arrangements (employees, farm managers, independent instructors). Their work context is marked by a high turnover rate, closely linked to occupational health issues (workplace accidents, physical wear and tear, disillusionment, etc.). This thesis examines the conditions of work sustainability. How do instructors manage to remain in the work despite demanding working conditions and the health impacts generated by their work? Health management rarely relies on formal institutional prevention measures. Instead, it primarily involves individual initiatives, which contribute to the individualization and de-standardization of professional trajectories (Brückner et Mayer, 2005). This raises the question of whether these individual strategies follow common patterns across individuals, or whether they remain differentiated. To address this question, we analyze instructors’ health–work experiences through their biographical and temporal dimensions (Hélardot, Gaudart et Volkoff, 2019). Health and work are examined in their interdependent dimensions, by conceptualizing two dynamic trajectories that enables (re)construction of their health and deterioration limitation (Lhuilier, 2020). The first trajectory pertains to the vocational commitment levers (Laillier, 2011) and the second concerns the mitigation of experienced work-related hardships (Bahu, Mermilliod et Volkoff, 2012). Based on the collection of biographical narratives (Demazière, 2003), supplemented by observational and quantitative data, we demonstrate that the health-work experiences of horse-riding instructors are shaped at the intersection of task execution and their associated temporal experiences. Not all objectively experienced health impacts are perceived as health events, depending on the meaning individuals assign to them and their consequences - or lack thereof - on employment and work. This variance in perception depends on individual biographical stories. Horse-riding instructors carry out health work at the intersection of employment and work to manage the diverse health effects of their work, whether these are perceived as routine or as significant, life-altering events. Ultimately, this research reveals that the work is sustainable upon instructors maintaining sufficient autonomy to reactivate meaningful and valued dimensions of their work. Their daily experience of the work must extend beyond the sole management of hardships. More broadly, it sheds light on stakes related to the sustainability of work in so-called ‘passion professions’, which still rely too heavily on individual strategies and not enough on institutional health prevention mechanisms. |