Le pergélisol, défini comme un sol gelé pendant plus de deux années successives, est un élément clé de l’environnement nordique. La couche active du pergélisol est sujette au dégel saisonnier et est très impactée par le réchauffement de l’Arctique en lien avec le changement climatique. Modifiant hydrologiquement et biogéochimiquement le milieu, le dégel du pergélisol a des conséquences tant environnementales qu’économiques. Il apparaît donc essentiel de développer des méthodes de suivi de l’état de surface du pergélisol (humidité du sol - Soil Moisture en anglais - (SM) et température du sol (Tsol)) sur la vaste étendue des régions arctiques.
La télédétection satellite rend aujourd’hui possible des observations spatiales et temporelles régulières de ces régions. La mission satellitaire Soil Moisture and Ocean Salinity (SMOS) mesurent les émissions micro-ondes en bande L, liées aux propriétés physiques du sol, et permet de suivre le SM dans de nombreuses zones éco-climatiques. Pourtant, le manque de connaissance des facteurs affectant le signal (tels que la végétation de type toundra ou le manteau neigeux) limite ces mesures pour les environnements arctiques. Cette thèse a pour but de développer de nouvelles méthodes de suivi de l’humidité et la température du sol en milieu nordique à partir des Température de Brillance (TB) SMOS. Dans le premier article, les produits satellite SM existants sont évalués par rapport à des mesures in situ. Cette évaluation souligne les défis et les facteurs des régions arctiques rendant difficiles l’inversion des SM. Nous avons adapté le processus d’inversion des TB SMOS afin d’améliorer la qualité du produit SM pour de tels environnements climatiques. Nous proposons une optimisation conjointe du paramètre de surface du sol (H r = 0) et de l’albédo de simple diffusion de la végétation (ω = 0.08), ainsi que l’utilisation de deux modèles de constantes diélectriques du sol. Le signal des nombreuses étendues d’eau présentes en Arctique est pris en compte dans notre processus d’inversion. Notre modèle, ainsi adapté à l’environnement de toundra arctique, améliore l’accord entre les SM issues de SMOS et les SM in situ, mais reste fortement impacté par les étendues d’eau.
Dans le second article, les Tsol sont pour la première fois inversées en hiver sous le manteau neigeux dans les milieux nordiques. L’étude propose une meilleure prise en compte de la couche de neige, quasi-transparente en bande L, et de l’interface sol/neige. Un premier modèle fait fit de la présence d’étendues d’eau et un second modèle inclut une méthode de correction pour prendre en compte l’émission des étendues d’eau gelées. Les Tsol inversées sont comparées à des Tsol in situ entre 2012 et 2020 sur 21 sites au Nord de l’Alaska. Pour des sites avec peu d’étendues d’eau, le biais est quasi nul (-0,2°C). Pour les sites avec une fraction d’eau supérieure à 20%, le second modèle permet de réduire le biais, mais la correction fixe au cours de la saison ne permet d’augmenter la corrélation.
Enfin, l’algorithme développé dans le second article a été appliqué à l’ensemble de l’arctique circumpolaire afin d’évaluer les variations spatio-temporelles des Tsol depuis 2012. Des tendances pour les Tsol et les température de l’air (Tair) sont présentées et les résultats mettent en avant les disparités géographiques du réchauffement de la couche active du pergélisol. L’impact du type de végétation sur le manteau neigeux et ses conséquences sur la Tsol sont observées sur deux sites de l’Est de l’Eurasie. Nous montrons qu’en zone de toundra arbustive, la Tsol est supérieure à celle observée en zone de toundra herbacée. Les méthodes et résultats de cette thèse dévoilent de nouvelles possibilités pour le suivi de l’état du pergélisol arctique. La télédétection micro-ondes passives en bande L apparaît comme un outil pertinent pour l’étude de l’Arctique, région des plus vulnérables, face aux changements climatiques. |
Permafrost, defined as ground frozen for more than two successive years, is a key element of the northern environments. The active layer is subject to seasonal thawing, and is strongly impacted by Arctic warming induced by climate change. Thawing permafrost hydrologically and biogeochemically modifies the environment, with both environmental and economic consequences. It is essential to develop methods for monitoring the permafrost state (Soil Moisture (SM) and Soil Temperature (Tsol)) over the whole Arctic area.
Satellite remote sensing enables regular spatial and temporal observations of these regions. The Soil Moisture and Ocean Salinity (SMOS) satellite mission measures L-band microwave emissions linked to the physical characteristics of the soil, making SM monitoring possible in many eco-climatic zones. However, lack of knowledge of the signal affecting factors (such as tundra vegetation or snow cover) limits these measurements for the Arctic environment. The aim of this thesis is to develop new methods to monitor both soil moisture and temperature in northern environments using SMOS Brightness Temperatures (TB). In the first article, existing satellite SM products are evaluated by in situ measurements in arctic and sub-arctic zones. This evaluation highlights the factors making SM inversion difficult in arctic regions. We adapted the TB SMOS inversion process to improve the quality of the SM
product for such climatic environments. We propose a joint optimization of the soil surface parameter (H r = 0) and the vegetation simple scattering albedo (ω = 0.08), as well as the use of two soil dielectric constant models. In addition, the emission from the numerous waterbodies present in the Arctic is taken into account in our inversion process. Our model, adapted to the Arctic tundra environment, improves the agreement between SMOS-derived and in situ SM, but remains strongly impacted by the waterbodies.
In the second article, Tsol in winter under snow cover are retrieved for the very first time in northern environments. This study relies on taking better account of the snow layer, which is almost transparent at L-band, and of the ground/snow interface. A first model ignores the waterbodies, and a second one includes a correction method to take them into account. Inverted Tsol are compared with in situ Tsol between 2012 and 2020 at 21 sites in northern Alaska. For sites with few waterbodies, the bias is almost zero (-0.2°C). For sites more affected by waterbodies (water fraction above 20%), the second model reduces the bias, but the constant correction over the season does not increase the correlation.
Finally, in chapter 5, we applied the algorithm developed in the second article to the whole circumpolar arctic area in order to analyse the saptio-temporal variations of Tsol since 2012. Trend for Tsol and air temperature are presented and our results highlight the geographical disparities in the warming of the permafrost active layer. The impact of vegetation’s type on snow cover and its consequences on Tsol are observed at two sites in eastern Eurasia. We show that in shrub tundra zones, Tsol are higher than in herbaceous tundra zones. The methods and results of this thesis reveal new possibilities for monitoring the state of Arctic permafrost. Passive L-band microwave remote sensing appears to be a relevant tool for studying the Arctic, one of the most vulnerable regions to climate change. |