Soutenance de thèse de Audrey MINIERE

Une perspective océanique du déséquilibre énergétique de la Terre au cours des soixante dernières années


Titre anglais : An ocean perspective on Earth's Energy Imbalance over the past sixty years
Ecole Doctorale : SDU2E - Sciences de l'Univers, de l'Environnement et de l'Espace
Spécialité : Océan, Atmosphère, Climat
Etablissement : Université de Toulouse
Unité de recherche : Mercator Océan international
Direction de thèse : Karina VON SCHUCKMANN- Jean-Baptiste SALLEE


Cette soutenance a eu lieu jeudi 08 février 2024 à 14h00
Adresse de la soutenance : 2 Avenue de l'aérodrome de Montaudran, Mercator Ocean International, 31400, Toulouse, France - salle 6.2

devant le jury composé de :
Karina VON SCHUCKMANN   Chargée de recherche   Mercator Ocean International   Directeur de thèse
Virginie THIERRY   Chargée de recherche   IFREMER   Rapporteur
Sabrina SPEICH   Professeure des universités   Université PSL   Rapporteur
Damien DESBRUYERES   Chercheur   IFREMER   Examinateur
Christophe CASSOU   Directeur de recherche   CNRS Occitanie-Ouest   Examinateur
Rosemary MORROW   Physicienne   Université Toulouse III - Paul Sabatier   Président


Résumé de la thèse en français :  

L'océan se réchauffe aujourd'hui à un taux sans précédent depuis les années 1950. Au cours de la dernière décennie, le contenu de chaleur océanique a atteint, année après année, de nouveaux records annuels. Ce réchauffement océanique, généralisé de la surface aux abysses, est un des principaux symptômes du déséquilibre radiatif planétaire positif (EEI) d'origine anthropique et persistant au sommet de l'atmosphère. De ce fait, l’évolution du contenu de chaleur océanique (OHC), en nous renseignant sur la valeur et les changements de l'EEI, est un indicateur critique pour la surveillance du changement climatique en cours et à venir. Les avancées continues dans le système mondial d'observation du climat ont fourni des estimations améliorées et de nouvelles perspectives pour comprendre et évaluer les changements dans l'OHC et l'EEI à partir de mesures in situ et satellites, ce qui a donné lieu à un nombre important d’estimations de l’EEI dans la littérature ces dernières années. Au cours des deux dernières décennies, les observations satellites du flux radiatif net au sommet de l'atmosphère ont capturé une tendance à la hausse dans l'EEI, cohérente avec l’augmentation des taux de réchauffement in situ de l’océan, ce qui mène à penser que l'accumulation de chaleur dans le système Terre s'est accélérée depuis les vingt dernières années. Cependant, d’une étude à l’autre, des incohérences persistent encore entre les différentes estimations d’EEI à cause d'importantes divergences méthodologiques, qui brouillent notre compréhension de l'évolution de l'OHC et de l'EEI. À ce jour, il n’existe aucune recommandation cadrant les "bonnes pratiques" pour le calcul de cette variable pourtant essentielle à notre compréhension du changement climatique et à sa surveillance. Dans cette thèse, j’étudie les variations de l'EEI entre 1960 et 2020, par le biais d'une analyse approfondie des impacts du traitement des observations et des différentes méthodes d’estimation de l’EEI. Cette analyse détaillée et systématique a permis de réconcilier les incohérences observées dans les estimations d’EEI publiées. Elle a également débouché sur la première liste de recommandations pour l'évaluation de l'EEI. Ces travaux ont directement été mis à profit d'un large effort international qui s'est engagé ces dernières années pour évaluer et surveiller les changements de l’inventaire de chaleur de la Terre et auquel j'ai pris parti pendant ma thèse. Cette évaluation de l'inventaire de chaleur de la Terre se base sur l'estimation du contenu de chaleur océanique, et est complétée par une quantification de la chaleur stockée dans l'atmosphère, les continents et la cryoshpère. En bénéficiant de cette version améliorée de l'inventaire de chaleur de la Terre, et en suivant les recommandations que j'ai établies pour l'estimation de l'EEI, il a été possible d'étendre l'analyse des changements de l'EEI et de son incertitude sur une période longue de soixante ans, et pour la première fois à partir d'observations in situ. Ces dernières ont révélé une accélération robuste de l'accumulation de la chaleur au cours des six dernières décennies à la fois dans l'océan à un taux de 0,15±0,03 (W/m2)/décennie, et dans les autres composantes du système Terre à un taux de 0,013±0,003 (W/m2)/décennie. Ce résultat inédit souligne en particulier l'importance cruciale de l'inventaire de chaleur de la Terre pour la surveillance à long terme de l'évolution future de l'EEI. Ma thèse contribue ainsi à mieux dépeindre le changement climatique en cours en fournissant une méthodologie et un cadre d'incertitudes rigoureux et novateur pour l'estimation de l'EEI. Elle procure notamment une cible observationnelle pour évaluer la robustesse des simulations climatiques globales et comprendre les processus en cours, et constitue une base solide pour la surveillance du changement climatique des années à venir.

 
Résumé de la thèse en anglais:  

The ocean is warming today at an unprecedented rate since the 1950s. Over the past decade, the oceanic heat content has reached new annual records year after year. This widespread warming, extending from the surface to the abyss, is a major symptom of the positive anthropogenic Earth Energy Imbalance (EEI) persisting at the top of the atmosphere. Therefore, the evolution of oceanic heat content (OHC), by providing information about the magnitude and changes in EEI, is a critical indicator for monitoring current and future climate change. Continuous advancements in the global climate observation system have yielded improved estimates and new insights to understand and assess changes in OHC and EEI from in situ and satellite measurements, resulting in a considerable number of EEI estimates in the recent literature. Over the past two decades, satellite observations of the net radiative flux at the top of the atmosphere have shown an upward trend in EEI, consistent with the increase in in situ ocean warming rates, suggesting that heat accumulation in the Earth system has accelerated over the last twenty years. However, inconsistencies persist across studies due to significant methodological divergences, obscuring our understanding of OHC and EEI evolution. To date, there are no recommended "best practices" for calculating this crucial indicator essential to our understanding of climate change and its monitoring. In this thesis, I investigate the changes in EEI between 1960 and 2020 through a comprehensive analysis of the impacts of data processing and of the different methods in estimating EEI. This detailed and systematic analysis has reconciled inconsistencies found in published EEI estimates and resulted in the first set of recommendations for EEI assessment. These findings have directly contributed to a broad international effort in recent years to evaluate and monitor changes in the Earth's Heat Inventory, in which I actively participated during my thesis. This assessment of the Earth's Heat Inventory is based on the estimation of oceanic heat content and is complemented by quantifying heat stored in the atmosphere, continents, and cryosphere. By benefiting from this improved version of the Earth's Heat Inventory and following the recommendations I established for EEI estimation, it has been possible to extend the analysis of EEI changes and its associated uncertainty over a sixty-year period, and for the first time using in situ observations. These observations have revealed a robust acceleration of heat accumulation over the past six decades, both in the ocean at a rate of 0.15±0.03 (W/m2)/decade and in other components of the Earth system at a rate of 0.013±0.003 (W/m2)/decade. This new result highlights the crucial importance of the Earth's Heat Inventory for the long-term monitoring of future EEI evolution. My thesis contributes to a better understanding of ongoing climate change by providing a rigorous and innovative methodology and uncertainty framework for EEI estimation. It particularly offers an observational target to assess the robustness of global climate simulations, understand ongoing processes, and establishes a solid basis for monitoring climate change in the years to come.

Mots clés en français :Déséquilibre énergétique de la Terre, Contenu de chaleur océanique, Réchauffement de l'océan, Inventaire de chaleur de la Terre, Changement climatique,
Mots clés en anglais :   Earth's Energy Imbalance, Ocean Heat Content, Ocean warming, Earth Heat Inventory, Climate Change,