La dispersion des polluants à micro-échelle est une problématique fondamentale dans l’évaluation de la qualité de l’air, avec des implications importantes pour la santé publique. À cette échelle, de l’ordre de la centaine de mètres, l’objectif est de caractériser finement les niveaux de concentration en polluants, ce qui est particulièrement pertinent dans les environnements urbains du fait de leur grande hétérogénéité. La conception de modèles précis de dispersion à micro-échelle est d’une importance capitale pour prévoir l'exposition à la pollution atmosphérique et évaluer les risques associés, par exemple en cas d’accidents industriels. Toutefois, il s’agit d’une tâche difficile car la structure et la trajectoire des panaches de polluants sont fortement influencées par l’écoulement atmosphérique, qui est intrinsèquement multi-échelle et turbulent, et qui interagit de façon complexe avec l’environnement bâti.
La mécanique des fluides numérique (CFD) s’est imposée comme un outil puissant pour résoudre ce problème en fournissant des simulations d’écoulement et de dispersion qui prennent explicitement en compte les bâtiments. Cependant, les modèles CFD sont très couteux, ce qui entrave leur utilisation dans des contextes opérationnels et en situation d'urgence. Par ailleurs, leur précision reste limitée en raison des fortes incertitudes en jeu, en particulier celles liées au forçage atmosphérique à grande échelle et à la variabilité interne de la couche limite atmosphérique. Pour les applications d’évaluation des risques, il est essentiel de contrôler et de quantifier ces incertitudes, mais cela est rendu difficile par le coût des modèles CFD.
Pour répondre à ces deux problèmes, nous mettons en œuvre et validons un système de modélisation par simulation des grandes échelles de tourbillons (LES), qui inclut un modèle réduit et un algorithme d'assimilation de données basé sur un filtre de Kalman d’ensemble. Cette thèse établit une preuve de concept de la capacité du système à améliorer les prévisions LES de concentration de polluant dans le cas d’un essai de la campagne expérimentale MUST. En particulier, nous démontrons que les mesures locales de concentration peuvent être utilisées pour réduire les incertitudes paramétriques météorologiques et corriger les biais dans les conditions aux limites du modèle. L’utilisation d’un modèle réduit permet de générer des prévisions d’ensemble qui tiennent compte avec précision des fortes non-linéarités du modèle LES, en quelques dizaines de secondes seulement.
Une attention particulière est accordée à l’incertitude associée à la variabilité interne de la couche limite atmosphérique, que nous proposons de quantifier à l’aide d’une approche bootstrap. Nous démontrons que la variabilité interne impacte fortement les prévisions de dispersion à micro-échelle des modèles LES mais aussi les observations sur le terrain, et qu'elle ne doit donc pas être ignorée lors de l’évaluation des modèles de dispersion. Nous allons ensuite plus loin en tenant compte de cette variabilité interne dans la construction du modèle réduit et du système d’assimilation de données. En particulier, nous montrons que l’analyse de la variabilité interne permet de choisir le nombre de modes du modèle réduit afin d’éviter d’introduire du bruit dans ses prévisions. Enfin, nous prenons en compte la variabilité interne à micro-échelle dans le processus d’assimilation de données afin de le rendre plus robuste et réaliste. Ces développements sont faits de manière élégante et sans générer de lourdeur d’implémentation ou de calcul.
D’un point de vue plus général, cette thèse montre quelques pistes pour adopter une approche de modélisation probabiliste de processus atmosphériques complexes basée sur la modélisation LES, qui est aujourd’hui reconnue comme une référence mais qui reste soumise à des incertitudes, dont certaines sont intrinsèquement irréductibles. |
Microscale pollutant dispersion is a critical aspect of air quality assessment with significant implications for the environment and public health. At this scale, of the order of a hundred meters, the aim is to characterize pollutant concentration levels in detail, which is particularly relevant in urban environments due to their great heterogeneity. Designing accurate microscale dispersion models is of paramount importance for predicting air pollution exposure and assessing risks, for example in case of industrial accidents. However, this is a challenging task, as the structure and trajectory of pollutant plumes are strongly influenced by atmospheric flow, which is inherently multi-scale and turbulent, and interacts in complex ways with the built environment.
Computational Fluid Dynamics (CFD) has emerged as a powerful tool to address this issue by providing obstacle-resolving flow and dispersion predictions. However, CFD models are very costly, which hinders their use in operational and emergency contexts. In addition, their accuracy remains limited because of the significant uncertainties involved, in particular those arising from a lack of knowledge in the large-scale atmospheric forcing and from the internal variability of the atmospheric boundary layer. For risk assessment applications, controlling and quantifying these uncertainties is essential, but made difficult by the cost of CFD models.
To address these dual issues, we design and validate a large-eddy simulation (LES) modeling system that includes a reduced-order model and a data assimilation algorithm based on an ensemble Kalman filter. This thesis provides a proof-of-concept of the system's ability to improve LES pollutant concentration field predictions in a neutral trial of the MUST field experiment. In particular, we demonstrate that local pollutant concentration measurements can be used to reduce meteorological parametric uncertainties and correct bias in the model boundary conditions. The use of a reduced-order model enables generating ensemble predictions that accurately account for the strong nonlinearities of the LES model, in just a few tens of seconds.
Particular attention is paid to the uncertainty associated with the internal variability of the atmospheric boundary layer. We adapt a bootstrap approach to quantify its effect on microscale dispersion and demonstrate that internal variability significantly affects not only LES model predictions but also field observations. By propagating the associated uncertainties to the standard statistical metrics used for air quality model evaluation, we show that the resulting variability in the validation metrics is significant and cannot be ignored when evaluating LES model accuracy. We then go a step further by accounting for this internal variability in the construction of the reduced-order model and of the data assimilation system. In particular, we show that the analysis of internal variability is of great interest to make an informed choice on the number of reduced-basis modes to avoid introducing noise into the reduced-order model. Finally, we take into account the microscale internal variability in the data assimilation process, making it much more robust and realistic. These additions to the data assimilation framework are made elegantly and without generating implementation or computational heaviness.
From a broader point of view, this thesis shows some ways to adopt a probabilistic modeling approach for complex atmospheric phenomena based on LES, which are nowadays recognized as references, but remain subject to uncertainties, some of which are inherently irreducible. |