Les femmes enceintes sont souvent exclues des essais cliniques, ce qui explique que la sécurité des médicaments pendant la grossesse est souvent inconnue. L'évaluation des médicaments pendant la vie prénatale est généralement faite après leur commercialisation, rendant la pharmaco-épidémiologie cruciale. L'exposition médicamenteuse in utero peut causer des anomalies du développement embryonnaire, et notre étude se concentre sur les malformations congénitales de l’œil (MCO), rares et peu étudiées. Si certaines MCO sont d'origine génétique, la majorité reste sans cause identifiée.
Nous examinons l'implication des médicaments pris pendant la grossesse dans la survenue des MCO. Bien que quelques médicaments aient été associés à ces malformations, les données sur un lien de causalité sont rares. Le développement de l’œil commence très tôt, dès la 4e semaine de développement embryonnaire, souvent avant que la grossesse soit connue. Notre revue de la littérature explore ce lien potentiel, souvent sous-évalué, malgré une large exposition des femmes enceintes aux médicaments.
Notre analyse inclut une étude épidémiologique descriptive basée sur les données du consortium européen EUROmediCAT, couvrant plus de 13 millions de naissances dans 13 pays. La prévalence des MCO est de 3,47 pour 10 000 naissances, variant de 1,41 à 13,46 selon les registres. Les anomalies congénitales du cristallin sont les plus fréquentes (31%), suivies par les ano/microphtalmies (24%). Parmi les MCO uniques, 3,9% sont diagnostiquées en prénatal, principalement au 2e trimestre. Les causes génétiques connues expliquent 2,5 à 25% des MCO.
Nous avons conduit deux études étiologiques pour rechercher des associations entre l'exposition prénatale aux médicaments et les anomalies oculaires. La première étude, menée dans la base de données EFEMERIS en Haute-Garonne, France, se concentre sur les anomalies oculaires fonctionnelles ou malformatives. La deuxième étude, réalisée en collaboration avec EUROmediCAT, est la première du genre à analyser les MCO après exposition intra-utérine aux médicaments. Nous avons identifié 4185 cas de MCO, 232720 contrôles sans anomalies génétiques et 38409 contrôles avec anomalies génétiques.
Nos résultats confirment l'association entre l'exposition prénatale aux opioïdes et les MCO pour les deux groupes de contrôle. De nouvelles associations ont été trouvées, notamment pour les agents bêta-bloquants en collyre avec les cas totaux de MCO. Des associations spécifiques ont aussi été identifiées : le glaucome congénital est associé aux anticonvulsivants, aux analgésiques (paracétamol) et aux collyres ophtalmologiques ; les cataractes sont associées aux préparations nasales, aux antihistaminiques (desloratadine) et aux topiques ophtalmologiques ; les malformations des paupières et des annexes sont liées aux topiques dermatologiques (antifongiques, antibiotiques, corticostéroïdes), aux anticonvulsivants et aux préparations nasales.
Ces découvertes révèlent de nouvelles associations entre l'exposition aux médicaments pendant le premier trimestre et les MCO. Étant donné que les mécanismes sous-jacents des MCO sont en grande partie inconnus et qu'il n'existe pas de traitement curatif pour la plupart de ces anomalies, éviter les médicaments à risque et permettre une prise en charge précoce et adaptée des patients affectés pourrait avoir des avantages économiques importants et stimuler de nouvelles hypothèses sur l'origine de ces anomalies. |
Pregnant women are often excluded from clinical trials, resulting in the safety of medications during pregnancy being frequently unknown. The evaluation of medications during prenatal life is usually conducted after their commercialization, making pharmacoepidemiology crucial. In utero exposure to medications can cause embryonic developmental anomalies, and our study focuses on congenital eye malformations (CEM), which are rare and understudied. While some CEMs are of genetic origin, the majority remain without an identified cause.
We examine the impact of medications taken during pregnancy on the occurrence of CEMs. Although a few medications have been associated with these malformations, data on a causal link are scarce. Eye development begins very early, at the 4th week of embryonic development, often before pregnancy is known. Our literature review explores this potential link, which is often underestimated, despite the wide exposure of pregnant women to medications.
Our analysis includes a descriptive epidemiological study based on data from the European consortium EUROmediCAT, covering more than 13 million births in 13 countries. The prevalence of CEMs is 3.47 per 10,000 births, varying from 1.41 to 13.46 per 10,000 depending on the registries. Congenital lens anomalies are the most frequent (31%), followed by anophthalmia/microphthalmia (24%). Among unique CEMs, 3.9% are diagnosed prenatally, mainly in the 2nd trimester. Known genetic causes account for 2.5% to 25% of CEMs.
We conducted two etiological studies to investigate associations between prenatal medication exposure and ocular anomalies. The first study, conducted in the EFEMERIS health database in Haute-Garonne, France, focuses on functional or malformative ocular anomalies. The second study, conducted in collaboration with EUROmediCAT, is the first of its kind to analyze CEMs following in utero exposure to medications. We identified 4,185 CEM cases, 232,720 controls without genetic anomalies, and 38,409 controls with genetic anomalies.
Our results confirm the association between prenatal opioid exposure and CEMs for both control groups. New associations were found, particularly for beta-blocker eye drops with total CEM cases. Specific associations were also identified: congenital glaucoma is associated with anticonvulsants, analgesics (paracetamol), and ophthalmic drops; cataracts are associated with nasal preparations, antihistamines (desloratadine), and ophthalmic topicals; eyelid and adnexa malformations are linked to dermatological topicals (antifungals, antibiotic chemotherapeutics, corticosteroids), anticonvulsants, and nasal preparations.
These findings reveal new associations between first-trimester medication exposure and CEMs. Given that the underlying mechanisms of most CEMs are largely unknown and no curative treatment is available for most of these anomalies, avoiding high-risk medications and enabling early and appropriate healthcare for affected patients could have significant economic benefits and stimulate new hypotheses about the origin of these anomalies. |