Les microorganismes pathogènes peuvent provoquer des infections aigües et/ou chroniques entrainant une altération transitoire ou prolongée de l’homéostasie chez son hôte. Dans la majorité des cas, les infections sont rapidement résolues, permettant ainsi un retour à l’état initial. Cependant, dans certains cas, ces infections peuvent avoir des conséquences à long terme, régulant ainsi positivement ou négativement le développement de pathologies chroniques. Ainsi, les infections du tractus gastro-intestinal peuvent favoriser le développement de pathologies telles que le syndrome de l’intestin irritable post-infectieux (SII-PI). Ce dernier se traduit par une altération du transit intestinal associée à une hypersensibilité viscérale. Le SII-PI peut se développer suite à une infection par de nombreux types de pathogènes différents, suggérant que des mécanismes communs, probablement inflammatoires, sont à l’origine du développement de ce syndrome. De manière étonnante, le très répandu parasite Toxoplasma gondii (T. gondii) n’a jamais été lié au développement d’un SII-PI. T. gondii est un parasite eucaryote intracellulaire obligatoire capable d’infecter tous les animaux à sang chaud, avec une prévalence estimée à 30% de la population mondiale. L’infection débute par une phase aigüe intestinale suivie d’une phase chronique caractérisée par la persistance de kystes parasitaires dans le système nerveux central. Cette infection est majoritairement considérée comme asymptomatique chez le sujet immunocompétent bien que notre connaissance des mécanismes physiopathologiques repose essentiellement sur des observations réalisées chez le modèle murin. En outre, les modèles murins d’infection chronique par Toxoplasma gondii ont révélé la mise en place d’une réponse lymphocytaire T contre des bactéries commensales du microbiote intestinal ainsi qu’une augmentation de la susceptibilité à la colite induite par le DSS. Ces études suggèrent ainsi une altération durable de l’environnement immunitaire de l’intestin, favorable au développement de pathologies digestives comme le SII-PI.
Les travaux menés au cours de cette thèse ont eu pour but d’identifier l’impact de l’infection chronique par T. gondii sur la sensibilité viscérale. De façon inattendue, nos données montrent que cette infection induit une hyposensibilité viscérale, phénomène opposé à l’hypersensibilité viscérale classiquement observée dans le SII-PI. Cette diminution de sensibilité viscérale apparait indépendante de la persistance locale du parasite et du mode d’infection mais repose cependant sur une production périphérique d’opioïdes endogènes étant donné que ce phénotype est bloqué par l’administration de naloxone-méthiodide, un antagoniste des récepteurs aux opioïdes incapable de franchir la barrière hématoencéphalique. Ce phénotype est associé à une plus forte abondance de lymphocytes T CD8 cytotoxiques et CD4 producteurs d’IFN-γ dans le colon en comparaison aux souris non infectées. Ces cellules étant connues pour produire de l’enképhaline (i.e opioïde endogène) capable d’inhiber la douleur dans des modèles de colite, nous avons évalué le rôle de ces cellules dans l’hyposensibilité viscérale induite au cours de l’infection chronique par T. gondii. Cependant, en utilisant un modèle de délétion du gène codant pour l’enképhaline spécifiquement dans les lymphocytes T, nos résultats montrent que l’enképhaline produite par ces cellules n’est pas impliquée dans le phénotype hyposensible observé au cours de cette infection.
Ainsi, les travaux menés au cours de cette thèse ont mis en évidence que l’infection chronique par le parasite Toxoplasma gondii, très répandu chez l’homme, entraine une modification durable de l’environnement immunitaire du colon chez la souris. Ces modifications sont associées à une diminution de la sensibilité viscérale, suggérant que cette infection pourrait être négativement associée du développement du SII-PI. |
Pathogenic microorganisms can cause acute and/or chronic infections, resulting in transient or sustained alteration of host homeostasis. In most cases, infections are rapidly resolved, allowing the organism to return to its initial state. However, in some cases, these infections can have long-term consequences, positively or negatively regulating the development of chronic pathologies. For example, infections of the gastrointestinal tract can promote the development of pathologies such as post-infectious irritable bowel syndrome (PI-IBS), which is characterized by altered bowel transit associated with visceral hypersensitivity. PI-IBS can appear following infection by many different types of pathogens, suggesting that common mechanisms, likely inflammatory, trigger the development of this syndrome. Surprisingly, the widespread parasite Toxoplasma gondii (T. gondii) has never been linked to the development of PI-IBS. T. gondii is an obligate intracellular eukaryotic parasite able to infect any warm-blooded animals, with an estimated prevalence of 30% of the world's population. The infection begins by an acute intestinal phase, followed by a chronic phase characterized by the persistence of parasitic cysts in the central nervous system. This infection is mostly considered asymptomatic in the immunocompetent subject, although our knowledge of the pathophysiological mechanisms mainly rely on studies in mouse models. In addition, mouse models of chronic Toxoplasma gondii infection have highlighted the development of a T cell response against commensal bacteria of the intestinal microbiota, as well as increased susceptibility to DSS-induced colitis. Hence, these studies suggest a lasting alteration in the gut's immune environment which could trigger the development of digestive pathologies such as PI-IBS.
The aim of this thesis was to identify the impact of the chronic infection by Toxoplasma gondii on visceral sensitivity. Unexpectedly, our data show that this infection induces visceral hyposensitivity, the opposite phenotype of the visceral hypersensitivity classically displayed by IBS patients. This decreased visceral sensitivity appears to be independent of the local persistence of the parasite and the mode of infection, but relies on peripheral production of endogenous opioids, since this phenotype is blocked by administration of naloxone-methiodide, an opioid receptors antagonist unable to cross the blood-brain barrier. This phenotype is associated with a higher abundance of cytotoxic CD8 T cells and IFN-γ-producing CD4 T cells in the colon compared to uninfected mice. As these cells are known to produce enkephalin (i.e. endogenous opioid) able to inhibit pain in mouse models of colitis, we assessed the role of these cells in the visceral hyposensitivity induced upon chronic T. gondii infection. However, using a model of deletion of the enkephalin encoding gene specifically in T cells, our results show that enkephalin produced by these cells is not involved in the hyposensitive phenotype observed during this infection.
The work carried out in the course of this thesis demonstrated that chronic infection by Toxoplasma gondii, a worldwide disseminated parasite, leads to lasting changes in the immune environment of the colon in mice. These changes are associated with a reduction of visceral sensitivity, suggesting that this infection could be negatively associated with the development of PI-IBS. |