Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est caractérisé par des douleurs viscérales chroniques associées à des modifications du transit. La physiopathologie de ce syndrome comprend des altérations de la fonction de barrière intestinale, une hypersensibilité mécanique viscérale et une dysbiose du microbiote intestinal. Le stress et le stress périnatal sont des facteurs de risque majeurs dans la survenue des symptômes et/ou l’aggravation de leur sévérité. Dans une étude récente, un stress prénatal (SP) a été induit chez des souris, par une exposition à la lumière vive couplée à une contention, durant 30 minutes, 3 fois par jour, du 13ème au 18ème jour de gestation. Dans la descendance des deux sexes, le SP a entraîné une augmentation significative de la sensibilité viscérale à la distension colorectale. D’un point de vue taxonomique, l’abondance de Clostridium clostridioforme était augmentée et celle de Ligilactobacillus murinus diminuée chez les souris SP. L’abondance de Ligilactobacillus murinus, capable de produire plusieurs lipopeptides contenant du GABA, était inversement corrélé à la sensibilité viscérale à la distension colorectale. Dans le côlon des souris SP, la concentration de C12AsnGABA et de C14AsnGABA était significativement diminuée par rapport au contrôle. Chez les souris SP, le traitement intra-colique avec le C14AsnGABA permettait de diminuer l’hypersensibilité viscérale à la distension colorectale. Chez l’homme, la concentration de C16LeuGABA était diminué dans les selles de patients atteints du SII par rapport aux volontaires sains. Ces résultats soutiennent notre hypothèse : le microbiote, notamment les métabolites lipidiques qui en sont issus pourrait être l’un des mécanismes reliant le stress prénatal, la dysbiose du microbiote et l’hypersensibilité viscérale à l’âge adulte. L’objectif suivant de cette étude est de déterminer comment la dysbiose taxonomique et fonctionnelle du microbiote intestinal se mets en place.
Afin d’étudier l’implantation du microbiote nous nous sommes focalisés sur deux étapes essentielles : la lactation et le sevrage en comparant des souriceaux à 1 et 3 semaines de vie issue de mères contrôles ou stressées. L’impact du stress prénatal a été mesurée en en déterminant la perméabilité intestinale paracellulaire par gavage d’une solution de dextran-FITC 4kDa et par l’expression de gènes impliqués dans la fonction de barrière intestinale, dans l’immunité et codant pour des peptides antimicrobiens (PAM). L’étude des populations immunitaires chez ces souris a été réalisée au niveau des ganglions mésentériques et du côlon par cytométrie en flux. La composition taxonomique du microbiote du lait maternel a été étudiée par séquençage 16S et sa fonction par la quantification des métabolites lipidiques bactériens par spectrométrie de masse. Les souris issues de mères stressées présentaient en période de sevrage, à 3 semaines de vie, des différences immunologiques caractérisées notamment par l’augmentation du pourcentage d’ILC3 dans la muqueuse, une dysbiose taxonomique du microbiote intestinal et une augmentation de l’expression de certains gènes codant pour des PAM ou impliqués dans la fonction de barrière, en accord avec les résultats de perméabilité, retrouvée diminuée chez ces souris par rapport aux souris contrôles. Dans le lait maternel des souris stressées, une dysbiose taxonomique et fonctionnelle a été retrouvée.
Nos résultats soutiennent l’hypothèse que la dysbiose taxonomique et fonctionnelle du lait maternel induites par le stress pourraient modifier la fonction de barrière et l’immunité intestinale responsable de l’implantation d’un microbiote dysbiotique chez la descendance. La diminution de métabolites-GABA analgésiques ferait alors suite à cette dysbiose taxonomique, et pourrait être un des mécanismes impliqués dans la mise en place d’une hypersensibilité viscérale dans notre modèle de souris SP. |
Irritable bowel syndrome (IBS) is characterized by chronic visceral pain associated with changes in bowel habits. The pathophysiology of this syndrome includes alterations in intestinal barrier function, visceral mechanical hypersensitivity, and dysbiosis of the gut microbiota. Stress and perinatal stress are major risk factors in the onset of symptoms and/or the worsening of their severity. In a recent study, prenatal stress (PS) was induced in mice through exposure to bright light coupled with restraint for 30 minutes, three times a day, from the 13th to the 18th day of gestation. In the offspring of both sexes, PS resulted in a significant increase in visceral sensitivity to colorectal distension. From a taxonomic perspective, the abundance of Clostridium clostridioforme was increased and that of Ligilactobacillus murinus decreased in PS mice. The abundance of Ligilactobacillus murinus, capable of producing several GABA-containing lipopeptides, was inversely correlated with visceral sensitivity to colorectal distension. In the colon of PS mice, the concentrations of C12AsnGABA and C14AsnGABA were significantly decreased compared to controls. In PS mice, intra-colonic treatment with C14AsnGABA reduced visceral hypersensitivity to colorectal distension. In humans, the concentration of C16LeuGABA was decreased in the stool of IBS patients compared to healthy volunteers. These results support our hypothesis: the microbiota, particularly the lipid metabolites derived from it, could be one of the mechanisms linking prenatal stress, microbiota dysbiosis, and visceral hypersensitivity in adulthood. The next objective of this study is to determine how taxonomic and functional dysbiosis of the gut microbiota is established.
To study microbiota colonization, we focused on two essential stages: lactation and weaning, comparing pups at 1 and 3 weeks of age from control or stressed mothers. The impact of prenatal stress was measured by determining paracellular intestinal permeability through gavage with a 4kDa dextran-FITC solution and by the expression of genes involved in intestinal barrier function, immunity, and coding for antimicrobial peptides (AMPs). The study of immune populations in these mice was conducted in the mesenteric lymph nodes and colon by flow cytometry. The taxonomic composition of the microbiota in maternal milk was studied by 16S sequencing and its function by quantifying bacterial lipid metabolites through mass spectrometry.
Mice from stressed mothers showed immunological differences at weaning, at 3 weeks of age, characterized by an increased percentage of ILC3 in the mucosa, taxonomic dysbiosis of the gut microbiota, and increased expression of certain genes coding for AMPs or involved in barrier function, consistent with the permeability results, which were found to be decreased in these mice compared to control mice. A taxonomic and functional dysbiosis was found in the maternal milk of stressed mice.
Our results support the hypothesis that taxonomic and functional dysbiosis of maternal milk induced by stress could alter barrier function and intestinal immunity, leading to the establishment of a dysbiotic microbiota in the offspring. The reduction of analgesic GABA metabolites would follow this taxonomic dysbiosis and could be one of the mechanisms involved in the development of visceral hypersensitivity in our PS mouse model. |