Soutenance de thèse de Jonatan BORO

Trouble de quiétude dans l’hétéronormativité en Afrique subsaharienne : re-penser le récit de l’incompatibilité culturelle


Titre anglais : Heteronormative Disquiet in Sub-Saharan Africa: Towards a Re-examination of the Cultural Incompatibility Narrative.
Ecole Doctorale : ALLPHA - Arts, Lettres, Langues, Philosophie, Communication
Spécialité : Philosophie
Etablissement : Université Toulouse II Jean Jaurès
Unité de recherche : EA 3051 - ERRAPHIS - Équipe de Recherches sur les Rationalités Philosophiques et les Savoirs
Direction de thèse : Jean-Christophe GODDARD- Jacques NANEMA


Cette soutenance aura lieu mercredi 26 novembre 2025 à 14h00
Adresse de la soutenance : Université Toulouse Jean Jaurès Maison de la Recherche 5 allée Antonio Machado 31058 Toulouse cedex 9 - salle D29

devant le jury composé de :
Jean-Christophe GODDARD   Professeur des universités   Université Toulouse - Jean Jaurès   Directeur de thèse
Edmond Yao KOUASSI   Professeur des universités   Université Alassane Ouattara de Bouaké   Rapporteur
Jacques NANEMA   Professeur des universités   Université Joseph KI-ZERBO   CoDirecteur de thèse
Christophe BROQUA   Chargé de recherche   CNRS Paris-Centre   Examinateur
Serge Denis SAMANDOULGOU   Maîtresse de recherche   CNRST du Burkina Faso   Examinateur
Regis SCHLAGDENHAUFFEN   Maître de conférences   EHESS   Examinateur


Résumé de la thèse en français :  

Le début des années 2000 marque un tournant important dans la publicisation de la problématique homosexuelle. L’épidémie du SIDA est indexée comme étant le principal facteur qui explique, entre autres, cette publicisation. Dans le monde occidental, cette période donne un regain aux luttes LGBTQ+ par la mobilisation des acteur.rices face aux défis sanitaires, sociaux et politiques. En Afrique, elle annonce une ère un peu spéciale qui est la visibilisation progressive et déconcertante des gays, des lesbiennes et des identités transgenres dans les grandes capitales. Perçue comme un nouveau phénomène, la visibilisation des personnes LGBTQ+ ne se fait pas dans un accueil spécialement convivial sur le continent. En effet, plus que l’étrangeté et la crainte qui entourent l’émergence de tout nouveau phénomène, celui des homosexuel.les, particulièrement, est vécu telle une défiance au système de valeurs africaines. Dès lors, on assiste sur le continent à des violences multiformes, faisant de lui, en tout cas dans la majeure partie de la littérature consacrée au sujet, un continent dit homophobe.
Ce travail de thèse, mobilise un corpus de disciplines diverses pour penser la problématique de l’homosexualité en Afrique au sud du Sahara. Tout en prenant en son compte l’état des lieux de l’expression des résistances face à l’homosexualité, manifestes par l’existence de cadres législatifs répressifs, de violences multiples sur la personne homosexuelle ou trans, tente de comprendre l’ancrage de ces résistances. Cette compréhension passe par un diagnostic des forces en présence, d’une historicisation de l’homosexualité et des pratiques assimilées, et du questionnement du fond sur lequel sont ancrées ces résistances. De là, on relève deux typologies de forces que sont les anti-LGBTQ+ et les pro-LGBTQ+, toutes les deux prises au niveau local dans les accointances avec les entités extérieures, toute chose qui contribue, selon l’analyse, à exacerber les luttes dans les deux sens. L’historicisation était nécessaire pour la saisie de l’idée d’une origine non africaine des pratiques sexuelles entre personnes de même sexe. Dans ce sens, on note qu’avant la période coloniale, des pratiques sexuelles ou des transgressions de genre existaient déjà chez des peuples sur le continent, ce qui permet d’introduire une nuance dans la ferme affirmation de l’origine importée de ces pratiques. Qu’il est aussi vrai de dire que la période coloniale, avec sa logique de « détribalisation » et son échelle de valeurs judéo-chrétiennes, a fortement perturbé ces pratiques, de telle sorte qu’au sortir de la colonisation, la période postcoloniale est marquée par une certaine conscience africaine qui s’est oubliée et est devenue étrangère à bien des pratiques de son ancien monde ; d’où les thèses de l’incompatibilité des cultures africaines avec l’homosexualité.
Aussi, la réflexion tente de sortir de ce récit de l’incompatibilité culturelle, non pas dans le sens de faire une certaine promotion de l’homosexualité, mais d’assurer un cadre sécurisé à toutes ces personnes qui, en tant qu’êtres humains, ne demandent qu’à jouir de leur sexualité. À ce titre, les soubassements philosophiques tels que la reconnaissance, la dignité humaine, la liberté et l’autonomie et les droits de l’homme, peuvent fonder l’idée de postuler la défense et la protection des LGBTQ+ en Afrique subsaharienne. Tout en adoptant une posture de déconstruction de l’universalité de ce fond éthico-moral et juridique, l’analyse trouve son écho dans le système de valeurs africaines. Finalement, la thèse tente d’analyser le contexte actuel à partir des réalités en vue d’identifier les défis à prendre en considération dans un élan de lutte pour les personnes LGBTQ+, et attire l’attention sur les risques de duplication des expériences de luttes historiques occidentales sur un terrain où le tabou, ajouté à la situation des institutions de socialisation et judiciaires, suffisamment impréparées, fait obstacle.

 
Résumé de la thèse en anglais:  

The early 2000s mark an important turning point in bringing homosexual issues to public attention. The AIDS epidemic is identified as the main factor explaining this increased visibility. In the Western world, this period gave new momentum to LGBTQ+ struggles through the mobilization of actors facing health, social, and political challenges. In Africa, it heralded a rather special era: the progressive and disconcerting visibility of gays, lesbians, and transgender identities in major capitals. Perceived as a new phenomenon, the visibility of LGBTQ+ people was not met with a particularly friendly reception on the continent. Indeed, beyond the strangeness and fear surrounding the emergence of any new phenomenon, that of homosexuals in particular is experienced as a defiance of African value systems. Since then, the continent has witnessed multifaceted violence, making it, at least in most of the literature on the subject, a so-called homophobic continent.
This thesis, although rooted in the philosophical discipline, mobilizes a corpus of various disciplines to think about the issue of homosexuality in sub-Saharan Africa. It includes two axes of analysis.
The first, while taking into account the state of resistance to homosexuality—manifested by the existence of repressive legislative frameworks and multiple forms of violence against homosexual or trans individuals—attempts to understand the roots of these resistances. This understanding involves diagnosing the forces at play, historicizing homosexuality and similar practices, and questioning the foundation on which these resistances are anchored. From this, two types of forces emerge: anti-LGBTQ+ and pro-LGBTQ+, both engaged at the local level in connections with external entities, which, according to the analysis, contributes to exacerbating struggles in both directions. Historicization was necessary to grasp the idea of a non-African origin of same-sex sexual practices. In this sense, it is noted that before the colonial period, sexual practices or gender transgressions already existed among peoples on the continent, which allows for nuance in the firm assertion of the imported origin of these practices. It is also true that the colonial period, with its logic of "detribalization" and its Judeo-Christian value scale, severely disrupted these practices such that after colonization, the postcolonial period is marked by a certain African consciousness that has forgotten itself and become foreign to many practices of its former world; hence the theses of the incompatibility of African cultures with homosexuality.
The second axis of reflection attempts to move beyond this narrative of cultural incompatibility, not in the sense of promoting homosexuality, but of ensuring a secure framework for all these people as human beings who simply ask to enjoy their sexuality. In this regard, philosophical underpinnings such as the recognition of personhood and human dignity, freedom and autonomy of the individual, as well as human rights, can form the basis for advocating the defense and protection of LGBTQ+ people in sub-Saharan Africa. While adopting a stance of deconstructing the universality of this ethical-moral and legal foundation, the analysis finds its echo in the African value system.
Finally, the thesis attempts to analyze the current context based on ground realities to identify challenges to be considered in the struggle for LGBTQ+ people. It draws attention to the risks of duplicating Western historical struggle experiences in a terrain where taboo, combined with the situation of insufficiently prepared socialization and judicial institutions, creates obstacles.

Mots clés en français :Homosexualité, Culture, Sexualité, Afrique, Identité, l' Occident,
Mots clés en anglais :   Homosexuality, Cutture, Sexuality, Africa, Identity, The Western World,