Des initiatives territoriales d’accompagnement au changement sont mises en œuvre dans le cadre de projets de recherche transdisciplinaires et participatifs. Ces projets visent à reconcevoir des systèmes agri-alimentaires désirables et accessibles à l’ensemble de la population et à produire des connaissances pour favoriser la reproductibilité et l’efficacité de ces expérimentations. Cependant, la gouvernance de ces expérimentations suscite des débats, soulignant les défis démocratiques de ces espaces. L’étude des rouages de ces expérimentations permet d’éclairer la fabrique de leurs modes de gouvernance, en s’intéressant aux processus internes des projets de recherche participative, et à la mise en œuvre des accompagnements par ces collectifs transdisciplinaires. Ainsi, cette thèse explore la manière dont l’expérience d’une gouvernance démocratique transforme les pratiques des collectifs transdisciplinaires d’accompagnement au changement.
Pour étudier ces transformations, un cadre conceptuel et analytique de gouvernance, inspiré du concept de démocratie créatrice de Dewey, est proposé. Ce cadre permet d’observer empiriquement ce qui se « fabrique » dans les expériences de transitions, en mettant l’accent sur les communautés, le care et les savoirs fabriqués. Un travail ethnographique a été mené durant trois ans au sein d’un projet de recherche-action porté par un collectif d’actrices du territoire et de chercheurs et chercheuses. Constituant un corpus d’entretiens, d’observations, de photographies et de documents écrits, l’enquête ethnographique s’est déployée à deux niveaux : le premier, celui du collectif de projet, le second, celui des accompagnements mis en œuvre par ce collectif auprès des habitant·es et de la restauration collective du territoire. Dans une perspective d’ethnographie combinatoire, le travail s’est resserré autour des actrices-animatrices qui coordonnent des accompagnements au sein et en dehors du projet de recherche participative : les chargées de mission, de projet, et d’animation qui accompagnent les transitions alimentaires.
Par la production et l’analyse de deux monographies inscrites dans le cadre de l’ethnographie du projet de recherche participative, ce travail met en lumière le rôle d’intermédiaires de transition de ces animatrices à la fois dans les activités qu’elles mènent et dans les lieux dans lesquels elles travaillent et vivent. Au-delà du travail d’interfaçage sciences-sociétés, les animatrices produisent aussi un travail de maintenance des relations entre recherche et société, et essaiment des savoirs et des pratiques dans des réseaux pluriels. Elles redéfinissent les normes professionnelles de leur métier d’accompagnatrices et font face à des attentes et obligations rentrant en tension entre les différents acteurs des sphères territoriales, politiques, financières, publiques, de recherche. Enfin, ce travail montre comment la logique de projet encadre les relations recherche-société à travers la standardisation de la conduite de la recherche participative, la généralisation des financements par appel à projets et la gestion influencée par le New Public Management. Les modes d’organisation et de financement génèrent de l’incertitude sur la continuité des actions, et sur les processus de transitions. Ce travail de thèse explore la perméabilité entre des postures d’accompagnement, d’animation et de recherche, dans le contexte de transitions alimentaires durables. En travaillant une gouvernance démocratique et transdisciplinaire, l’accompagnement au changement offre des opportunités d’enquête politique dans lesquelles la démocratie est une disposition individuelle. La thèse ouvre des perspectives quant à la construction d’une éthique relationnelle au sein de dispositifs transdisciplinaires pour la mise en place d’une recherche soucieuse et solidaire. |
Local initiatives supporting change are implemented as part of transdisciplinary and participatory research projects. These projects aim to democratically redesign desirable and accessible agri-food systems for the entire population and to produce knowledge to enhance the reproducibility and effectiveness of these experiments. However, the governance of these experiments sparks debates, highlighting the democratic challenges of these spaces. Studying the mechanisms of these experiments sheds light on the creation of their governance modes by focusing on the internal processes of participatory research projects and the implementation of experiments by these transdisciplinary collectives. Thus, this thesis explores how the experience of democratic governance transforms the practices of transdisciplinary collectives supporting food change.
To explore these transformations, a conceptual and analytical framework of governance is proposed, inspired by Dewey's concept of creative democracy. This framework empirically examines what is 'generated' in transition experiences, with a focus on communities, care and knowledge production. Ethnographic research was conducted over a three-year period as part of a research-action project led by local stakeholders and researchers. The ethnographic study, which included interviews, observations, photographs and written documents, was carried out at two levels: the project group itself, and the support the group provided to local residents and the catering services in the territory. Using a combinatorial ethnography approach, the study focused on facilitators who coordinate Food transitions experiments within and outside the participatory research project.
Through the production and analysis of two monographs within the framework of the participatory research project ethnography, this work highlights the intermediary role of these facilitators in both the activities they conduct and the places where they work and live. They bridge science and society, maintain relationships between research and community, and disseminate knowledge and practices across different networks. These intermediaries redefine professional norms and navigate tensions between different stakeholders in the territorial, political, financial, public and research spheres.
Finally, the work shows how the project logic framework shapes the relationship between research and society through standardised participatory research practices, the widespread use of project-based funding, and management influenced by New Public Management. These organisational and funding methods create uncertainty about the continuity of action and transition processes. The thesis explores the interplay between support, governance and research approaches in the context of sustainable food transitions. By focusing on democratic and transdisciplinary governance, support for change creates opportunities for political inquiry where democracy is an individual disposition. This work opens up perspectives for constructing relational ethics within transdisciplinary mechanisms for conducting research that is both caring and solidaristic. |