Le secteur apicole fait face à d’importantes difficultés depuis le début des années 2000, qui se traduisent par une grande variabilité des rendements et d’importantes mortalités. La diminution de la qualité et de la quantité des ressources florales fait partie des facteurs qui expliquent ces difficultés. En France métropolitaine, plus de la moitié de la production de miel est issue de ressources florales directement produites par l’agriculture (colza, tournesol, lavande, prairies). La modernisation agricole est toutefois citée comme l’une des principales responsables de la diminution, en quantité et en qualité, des ressources florales disponible pour les apiculteur·rices, à cause notamment de la simplification paysagère qu’elle occasionne. Dans ce contexte, trouver des voies alternatives de développement agricole, plus favorables aux ressources florales, semble nécessaire. Quels sont les freins et les leviers à l’émergence de telles alternatives à l’échelle territoriale ? C’est la question à laquelle cette thèse cherche à répondre.
Pour cela, elle combine une approche technico-économique et une approche sociale des interactions entre apiculture et agriculture. Ces approches sont appliquées à un territoire d’étude marqué par l’agropastoralisme, le Mont Lozère. Le Mont Lozère est riche d’une longue histoire apicole, et présente une variété de ressources florales qui sont le produit de l’agropastoralisme à différentes échelles spatiales (parcelle, paysages, versants) et temporelles (saison de production, pluriannuelle, pluridécennal).
Notre analyse technico-économique aborde l’apiculture comme une activité agricole, intégrée dans un système agraire. Nous identifions une diversité de systèmes de production apicoles, et les ressources florales qu'ils exploitent. Cela conduit à repérer les pratiques agricoles les plus favorables aux ressources florales, et le freins et leviers technico-économiques à leur mise en place par les agriculteur·rices. Sur le Mont Lozère, l’augmentation de la productivité physique du travail agricole, comme en plaine, est responsable d’une réduction de la production de ressources florales. Des systèmes économes et autonomes sont favorables aux ressources florales, mais leur généralisation est freinée par plusieurs mécanismes politiques et de marchés.
Notre approche sociale s’intéresse aux relations existantes entre agriculteur·rices et apiculteur·rices, ainsi qu’aux représentations et aux valeurs associées aux ressources florales. Nous identifions ainsi des freins et des leviers à l’engagement dans des actions en faveur des ressources florales. Nous montrons que les relations professionnelles entre apiculteur·rices et agriculteur·rices améliorent l’accès des apiculteur·rices aux ressources florales, mais ne conduisent pas à produire plus de ressources florales. Les apiculteur·rices sont doté·es d’un très faible pouvoir de négociation auprès des agriculteur·rices. Les motivations à l’action en faveur des ressources florales est faible, tant chez les apiculteur·rices que chez les agriculteur·rices. Néanmoins, des médiations entre apiculteur·rices et agriculteur·rices mis en place par d’autres acteur·rices, et la mise en évidence des liens entre pratiques agricoles, ressources florales et développement territorial pourrait susciter un regain d’intérêt pour l’action en faveur des ressources florales.
Cette thèse, pionnière dans l’analyse systémique des interactions entre apiculture et élevage, montre la convergence entre enjeux apicoles, enjeux environnementaux et enjeux de développement rural, en lien avec le développement des systèmes économes et autonomes. Elle montre également l’intérêt potentiel pour des structures de développement rural de contribuer au rapprochement entre ces deux mondes. Cette thèse fournit un cadre pour penser l’intégration de l’apiculture et des ressources florales dans les systèmes agraires, qui mériterait d’être déployé dans d’autres territoires, dans une visée comparatiste. |
The beekeeping sector has been facing major difficulties since the early 2000s, reflected in highly variable yields and high mortality rates. The decline in the quality and quantity of floral resources is one of the factors behind these difficulties. In mainland France, more than half of honey production comes from floral resources produced directly by agriculture (rapeseed, sunflower, lavender, meadows). However, agricultural modernisation is cited as one of the main reasons for the decline in the quantity and quality of floral resources available to beekeepers, not least because of the simplification of the landscape. Against this backdrop, it seems necessary to find ways to foster agricultural development pathes that are more favourable to floral resources. What are the obstacles and levers to the emergence of such alternatives on a landscape scale? This is the question that this thesis seeks to answer.
To do this, it combines a technical and economic approach with a social approach to the interactions between beekeeping and agriculture. These approaches are applied to a study area marked by agro-pastoralism, the Mont Lozère. The Mont Lozère has a long history of beekeeping, and offers a variety of floral resources that are the product of agropastoralism at different spatial scales (plots, landscapes, slopes) and temporal scales (production season, multi-annual, multi-decennial).
Our technico-economic analysis approaches beekeeping as an agricultural activity, integrated into an agrarian system. We identify a diversity of beekeeping systems and the floral resources they exploit. This leads us to identify the agricultural practices that are most favourable to floral resources, and the technical and economic obstacles and levers to their implementation by farmers. On the Mont Lozère, the increase in the physical productivity of agricultural labour, as in lowlands, is responsible for a reduction in the production of floral resources. Frugal systems are favourable to floral resources, but their generalisation is hampered by a number of political and market mechanisms.
Our social approach focuses on the existing relationships between farmers and beekeepers, as well as the representations and values associated with floral resources. In this way, we identify the obstacles and levers to the involvement in actions to promote floral resources. We show that professional relationships between beekeepers and farmers improve beekeepers' access to floral resources, but do not lead to an increased production of floral resources. Beekeepers have very little bargaining power with farmers. Motivation for action in favour of floral resources is weak, among both beekeepers and farmers. Nevertheless, mediation between beekeepers and farmers by other actors, and the identification of links between agricultural practices, floral resources and territorial development could lead to renewed interest in action to promote floral resources.
This thesis, a pioneering systemic analysis of the interactions between beekeeping and livestock farming, shows the convergence between beekeeping issues, environmental issues and rural development issues, in connection with the development of frugal systems. It also shows the potential interest for rural development structures in helping to bring these two worlds closer together. This thesis provides a framework for thinking about the integration of beekeeping and floral resources into farming systems, which should be deployed in other areas, with a view to comparison. |