Contexte : L’entrée en Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD) constitue une transition de vie importante, souvent marquée par des pertes fonctionnelles, relationnelles et psychologiques. Ces ruptures soulèvent la question de leurs effets sur le concept de soi et sur le bien-être psychologique des personnes âgées. Ce questionnement s’est trouvé d’autant plus important dans le contexte exceptionnel de la crise sanitaire liée à la COVID-19, qui a affecté les conditions d’accueil et de vie en EHPAD.
Cette thèse explore donc les effets de l’institutionnalisation sur le concept de soi, en tenant compte à la fois des spécificités du cadre de vie institutionnel et du contexte exceptionnel de la crise sanitaire liée à la COVID-19. Elle vise à éclairer les dynamiques identitaires à l’œuvre et à proposer des pistes d’accompagnement psychologique adaptées.
Méthodes : Ce travail s’appuie sur quatre études empiriques complémentaires et articulées. Deux études quantitatives comparatives examinent l’influence du type d’hébergement (EHPAD, domicile, résidence autonomie) sur le concept de soi et les symptômes psychopathologiques associées à l’institutionnalisation. Une troisième étude, en deux volets (quantitatif et qualitatif), approfondit cette réflexion en analysant les effets de la crise sanitaire de la COVID-19 sur l’expérience institutionnelle, en particulier ceux admis durant les confinements. Enfin, une étude de cas clinique prolonge ces analyses en proposant un protocole thérapeutique individualisé, centré sur les valeurs personnelles et la flexibilité psychologique, afin de soutenir la continuité de soi en amont de l’entrée en EHPAD.
Résultats : Les personnes âgées en EHPAD décrivent un concept de soi différent de celui des personnes âgées vivant à domicile, ce qui pourrait traduire un remaniement identitaire en lien avec le cadre institutionnel. Néanmoins, la clarté du concept de soi ne varie pas selon le lieu de vie, qu’il soit médicalisé ou non. Les personnes âgées en EHPAD présentent également une perspective temporelle moins tournée vers le futur que celles vivant à domicile ou en résidence autonomie. Des niveaux plus élevés de symptômes dépressifs et traumatiques sont observés en EHPAD, en particulier chez les personnes âgées admis pendant la crise sanitaire. Enfin, l’étude de cas clinique met en évidence l’intérêt d’un accompagnement thérapeutique individualisé, mobilisant les ressources internes de la participante et contribuant au maintien de la continuité du soi lors de la transition vers l’EHPAD.
Conclusion : À travers l’exploration du concept de soi, des symptômes psychopathologiques, et de la perspective temporelle, ces travaux mettent en évidence la possibilité d’un traumatisme identitaire chez les personnes âgées lié à la transition vers l’EHPAD. Ils soulignent la nécessité de dépasser une lecture centrée uniquement sur les vulnérabilités individuelles, pour interroger les responsabilités structurelles du cadre institutionnel. Ainsi, le maintien de la continuité du soi ne peut reposer uniquement sur les capacités d’adaptation des personnes âgées. Il revient aussi à l’EHPAD de se transformer, en repensant ses modalités d’accueil, ses pratiques relationnelles et son organisation, afin de devenir un lieu capacitaire, capable de soutenir la subjectivité des personnes âgées accueillies. |
Context: Admission to a nursing home represents a major life transition for older adults, often marked by functional, relational, and psychological losses. These ruptures raise critical questions about their impact on the self-concept and psychological well-being of elderly residents. Such concerns became even more pressing in the exceptional context of the COVID-19 pandemic, which profoundly affected living and care conditions in nursing homes. This thesis therefore examines the effects of institutionalization on the self-concept, taking into account both the specificities of the institutional living environment and the exceptional context of the COVID-19 health crisis. It aims to shed light on the identity dynamics at play and to propose avenues for tailored psychological support.
Methods: This work is based on four complementary and interrelated empirical studies. Two comparative quantitative studies investigate how different types of living arrangements (nursing home, private home, or non-medicalized residence) influence self-concept and the psychopathological symptoms associated with institutionalization. A third study, combining quantitative and qualitative methods, deepens this reflection by analyzing the effects of the COVID-19 health crisis on the institutional experience, particularly for residents admitted during lockdown periods. Finally, a clinical case study extends this analysis by proposing an individualized therapeutic protocol centered on personal values and psychological flexibility, with the aim of supporting continuity of self prior to nursing home admission.
Results: Older adults living in nursing homes describe a self-concept that differs from that of individuals living at home, suggesting a potential identity reorganization linked to the institutional setting. However, self-concept clarity does not appear to vary according to the type of residence, whether medicalized or not. Nursing home residents also display a future time perspective that is more limited than that of individuals living at home or in non-medicalized residences. Higher levels of depressive and post-traumatic symptoms are observed in nursing homes, particularly among those admitted during the COVID-19 crisis. The clinical case study highlights the value of individualized therapeutic support that mobilizes the participant's internal resources and contributes to preserving self-continuity during the transition to institutional care.
Conclusion: Through the exploration of self-concept, psychopathological symptoms, and time perspective, this research highlights the potential for identity-related trauma among older adults during the transition to institutional living. It underscores the need to move beyond an understanding focused solely on individual vulnerabilities, to critically examine the structural responsibilities of institutional settings. Maintaining continuity of self should not rest solely on the adaptive capacities of older adults; it must also involve a transformation of the nursing home itself reimagining its admission practices, relational dynamics, and organizational structures, so that it may become an empowering environment capable of supporting the subjectivity of those it serves.
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