Soutenance de thèse de Charlotte PIARULLI

Rencontrer l’Autre en soins critiques: Étude de la pratique du Dire et de l’Écoute au sein d’un service de Réanimation


Titre anglais : Meeting the Other in Critical CareStudy of the practice of Speaking and Listening in an Intensive Care Unit
Ecole Doctorale : ALLPHA - Arts, Lettres, Langues, Philosophie, Communication
Spécialité : Philosophie
Etablissement : Université Toulouse II Jean Jaurès
Unité de recherche : EA 3051 - ERRAPHIS - Équipe de Recherches sur les Rationalités Philosophiques et les Savoirs
Direction de thèse : Flora BASTIANI


Cette soutenance a eu lieu jeudi 03 juillet 2025 à 14h00
Adresse de la soutenance : Université Toulouse Jean Jaurès Maison de la Recherche 5, allées Antonio Machado 31300 Toulouse - salle D29

devant le jury composé de :
Flora BASTIANI   Maîtresse de conférences   Université Toulouse - Jean Jaurès   Directeur de thèse
Thomas GEERAERTS   Professeur des universités   Université de Toulouse   Président
Alain LOUTE   Professeur des universités   Université Catholique de Louvain   Examinateur
Jean-Philippe PIERRON   Professeur des universités   Université Bourgogne Europe   Rapporteur
Yasuhiko MURAKAMI   Professeur des universités   The University of Osaka   Rapporteur


Résumé de la thèse en français :  

Depuis plus d’une vingtaine d’années, nous assistons, dans le domaine de la santé en France, au développement de la notion, devenue fondamentale, de « démocratie sanitaire ». Celui que l’on nomme désormais « l’usager du système de santé » doit être placé au centre des attentions : il s’agit de faire de lui le véritable protagoniste de la prise en charge médicale. Parallèlement à cet impératif, qui entend redessiner les contours de l’agir soignant, nous pouvons constater, ces dernières années, un essoufflement touchant les acteurs et actrices du système de santé français. Les principaux concernés pointent en effet l’impossibilité organisationnelle de concilier cette volonté d’une relation médicale basée sur la notion de care, qui puisse véritablement permettre une autonomie des personnes prises en charge, avec les moyens supposés par la répartition actuelle des ressources du système français de la santé et de ses services. Cet essoufflement nous paraît accéléré encore depuis la pandémie de COVID-19 et la crise sanitaire qu’elle a suscitée. Dans ce contexte, l’appréhension de la prise de parole de personnes soignées et, plus largement, des conditions de possibilité d’une rencontre intersubjective entre les différents acteurs de la relation de soin, est apparue comme un enjeu majeur, quoique largement impacté. En effet, la concentration des services de santé sur la dimension technique de la crise et les effets de la « distanciation sociale », ont posé aux soignants de nombreux questionnements à propos de l'appréhension de l’expressivité des personnes soignées. Devant ces injonctions paradoxales faites aux soignants et aux administrateurs de l’accompagnement médico-social en France, il nous a paru important de se saisir théoriquement de ce que pouvait être une rencontre, dans le contexte de la mise en présence des professionnels du soin et des personnes qui sont soignées par eux. Il s’agit de tenter de percevoir à quel point la rencontre, dans le contexte du soin, constitue un enjeu central de l’accompagnement thérapeutique ; il nous semble que nous atteler à cet effort théorique peut nous permettre de contribuer à penser les conséquences de la crise sanitaire contemporaine, et ainsi de contribuer à discerner les impératifs d’une organisation du système de santé qui puisse véritablement permettre aux soignants de réinvestir la dimension humaine de la relation de soin.
Pour tenter d’initier une réflexion à partir de ces questionnements préliminaires, nous nous sommes concentrés sur un pan spécifique de la prise en charge soignante qu’est le contexte des soins critiques ; ce champ constitue un moment de la prise en charge médicale et paramédicale qui interroge la possibilité même de la poursuite de l’existence. Pour l’appréhender, il nous a semblé pertinent de nous baser sur des auteurs de tradition phénoménologique ; dans ce contexte, Autrui y est considéré comme une intentionnalité se présentant toujours médiatement. Or, il nous semble que cette médiateté de la présentation de l’Autre, non seulement s’élabore d’une manière particulière dans le contexte des soins critiques, mais qu’elle est également comme renvoyée au sujet lui-même. Les soins critiques supposent en effet une situation où le sujet apparaît pour lui-même en tant que fondamentalement autre, et à ce titre, devient, pour lui-même, incompréhensible.
Comprendre ce que peut être la Rencontre dans le contexte du soin suppose pour nous d’avoir accès à la façon qu’ont les personnes qui sont concernées par elle de l’appréhender.
Il s’agissait de nous déplacer, au sens strict du terme, et de se proposer d’entrer physiquement un espace de Réanimation en oncologie, afin d’observer des pratiques interactionnelles et d’en rendre compte. Nous pensons qu’une telle démarche peut permettre que le processus de conceptualisation s’élabore depuis un dedans ; c’est-à-dire, depuis le lieu de la manifestation des phénomènes qui nous intéressent.

 
Résumé de la thèse en anglais:  

For more than twenty years now, we have been witnessing the development of the now fundamental concept of ‘health democracy’ in the French healthcare sector. What we now call the ‘user of the healthcare system’ must be placed at the centre of attention: the aim is to make him or her the real protagonist of medical care. At the same time as this imperative, which aims to redefine the role of healthcare providers, we have seen in recent years that the players in the French healthcare system are running out of steam. The main people concerned point to the organisational impossibility of reconciling this desire for a medical relationship based on the notion of care, which can genuinely enable the people being cared for to become autonomous, with the resources assumed by the current distribution of resources in the French healthcare system and its services. In our view, this loss of impetus has accelerated even further since the outbreak of the COVID-19 pandemic and the health crisis it triggered. In this context, understanding how people receiving care can speak out and, more broadly, the conditions under which an intersubjective encounter can take place between the various players in the care relationship, has emerged as a major challenge, albeit one that has had a major impact. The concentration of healthcare services on the technical dimension of the crisis and the effects of “social distancing” have posed a number of challenges for carers.
Faced with these paradoxical injunctions imposed on carers and administrators of medico-social support in France, we felt it was important to take a theoretical approach to what an encounter might be, in the context of bringing together care professionals and the people they care for. The aim is to try and understand the extent to which the encounter, in the context of care, is a central issue in therapeutic support; it seems to us that embarking on this theoretical effort may enable us to contribute to thinking about the consequences of the contemporary health crisis, and thus help us to discern the imperatives of an organisation of the health system that can genuinely enable carers to reinvest the human dimension of the care relationship.
In an attempt to launch a reflection based on these preliminary questions, we have focused on a specific aspect of care provision, namely the context of critical care. This field constitutes a moment in medical and paramedical care that calls into question the very possibility of continuing to exist. In order to understand this, we felt it relevant to base ourselves on authors from the phenomenological tradition; in this context, the Other is seen as an intentionality that always presents itself mediately. However, it seems to us that this mediateness of the presentation of the Other is not only elaborated in a particular way in the context of critical care, but that it is also referred back to the subject himself. Critical care presupposes a situation in which the subject appears for himself as fundamentally other, and as such becomes, for himself, incomprehensible.
Understanding what the Encounter can be in the context of care requires us to have access to the way in which it is understood by the people who are affected by it.
We had to move around, in the strict sense of the term, and physically enter an oncology intensive care unit in order to observe and report on interactional practices. We believe that such an approach would enable the conceptualisation process to be developed from within; in other words, from the place where the phenomena we are interested in are manifested.

Mots clés en français :soins critiques, compétences en santé, rencontre, care, éthique, soignant-soigné,
Mots clés en anglais :   to care, skills in healthcare, to meet, Intensive Care Unit, Ethics, the care-giver-patient relationship,