Soutenance de thèse de François RULIER

“Law must precede man into space”. Le milieu des juristes du droit de l'espace dans les années 1950 et 1960 : entre affrontements idéologiques, promotion de l'astroculture et défense de l'universalisme


Titre anglais : “Law must precede man into space”. The milieu of space lawyers in the 1950s and 1960s: between ideological arguments, endorsing astroculture and the advocacy of universalism.
Ecole Doctorale : TESC - Temps, Espaces, Sociétés, Cultures
Spécialité : Histoire
Etablissement : Université Toulouse II Jean Jaurès
Unité de recherche : UMR 5136 - FRAMESPA- France, Amériques, Espagne-Sociétés, pouvoirs, acteurs
Direction de thèse : Jean-Marc OLIVIER- Alexander C.T. GEPPERT


Cette soutenance aura lieu jeudi 25 septembre 2025 à 14h00
Adresse de la soutenance : Université Toulouse Jean-Jaurès 5 allée Antonio Machado, Maison de la recherche, 31058, Toulouse - salle D29 Maison de la Recherche

devant le jury composé de :
Jean-Marc OLIVIER   Professeur des universités   Université Toulouse - Jean Jaurès   Directeur de thèse
Guillaume DE SYON   Professor   Albright College   Examinateur
Alexander C. T. GEPPERT   Associate Professor   New York University   CoDirecteur de thèse
Maurice CARREZ   Professeur émérite   Université de Strasbourg   Rapporteur
Laurence GUIGNARD   Professeure des universités   Université Paris-Est Créteil   Rapporteur


Résumé de la thèse en français :  

Lorsque le premier satellite artificiel est envoyé en orbite par les Soviétiques en 1957, il n'existe pas de droit régissant spécifiquement les activités spatiales. Pourtant, de nombreux articles ont déjà été écrits sur le sujet par des juristes, qu'ils soient conseillers juridiques dans des entreprises ou des organisations internationales, à l'Organisation des Nations Unies (ONU), qu'ils soient professeurs, avocats, juges voire qu'ils occupent plusieurs de ces fonctions à la fois. Ces juristes, à leur grande majorité des hommes, se trouvent majoritairement en Occident bien que des auteurs viennent également du bloc de l'Est, de l'Amérique latine ou encore de l'Asie. Cette production doctrinale se trouve divisée par des antagonismes idéologiques, entre bloc capitaliste et bloc communiste, mais partage néanmoins une même confiance dans le futur de l'humanité : un futur dans les étoiles, que promet l'imaginaire sociotechnique dominant. Une partie importante de ces juristes tente de se constituer en une communauté internationale à travers la création d'organisations internationales et de lieux de réflexion, dans l'espoir de peser sur le cours des relations internationales. Les militants astronautiques, défenseurs de la conquête spatiale depuis l'entre-deux-guerres, et réunis depuis les années 1950 au sein de la Fédération astronautique internationale, accueillent ces tentatives de création d'une communauté juridique du droit de l'espace, laquelle se trouve étroitement liée avec ces acteurs des promesses technoscientifiques sur lesquels repose l'astroculture hégémonique. La Guerre froide devient alors autant un cadre général qu'il s'agit d'écarter dans l'espoir de parvenir à une communauté véritablement internationale, qu'un enjeu pour une partie des juristes influencés par le développement des thèses réalistes en relations internationales : pour ceux-là, le droit de l'espace doit devenir un outil au service de la puissance, qui étatsunienne, qui soviétique. Néanmoins, une majorité de juristes reste influencée par l'internationalisme libéral et place ses espoirs dans l'ONU pour assurer que la conquête spatiale se fasse au service de l'humanité toute entière. Le retour du droit naturel après la Seconde Guerre mondiale et les combats internationalistes déjà menés par plusieurs juristes dans le domaine aérien au début du XXème siècle, font également partie de l'héritage qui inspire ces juristes. Ces derniers développent alors des projets internationalistes et même supranationaux : que ce soit par l'ONU ou par une nouvelle organisation, ils défendent la création d'un ordre proprement supranational afin d'éviter que la guerre ne s'exporte dans l'espace, une perspective particulièrement redoutée à l'heure des armes atomiques que détiennent les deux Grands. Une minorité de juristes pousse ses réflexions plus loin, en s'appuyant sur les espoirs promus par la science depuis près d'un siècle : la conquête spatiale pourrait permettra de rencontrer une vie intelligente ailleurs dans l'univers. Si tel devait être le cas, le droit devra alors empêcher que ne se reproduisent les horreurs de la colonisation, alors même que les années 1950 et 1960 voient les empires coloniaux européens se déliter. La perspective juridique, en prenant en compte l'éventualité d'une rencontre entre espèces, devient un espace pour penser un droit qui se veut proprement universel, capable de fonder une passerelle entre des êtres de raison, d'où qu'ils viennent et peu importe leurs apparences ou leurs cultures. La doctrine du droit de l'espace apparait ainsi comme l'un des derniers espaces de développement et d'épanouissement d'un internationalisme libéral qui s'alimente du droit naturel et de l'imaginaire sociotechnique, alors même que les théories réalistes le font reculer partout ailleurs.

 
Résumé de la thèse en anglais:  

When the first artificial satellite was sent into orbit by the Soviets in 1957, there was no law specifically governing space activities. However, numerous articles have already been written on the subject by legal experts, whether they be legal advisors to companies or international organizations such as the United Nations (UN), professors, lawyers, judges, or even those who hold several of these positions at once. These jurists, the vast majority of whom are men, are mainly to be found in the West, although authors also come from the Eastern bloc, Latin America and Asia. This doctrinal production is divided by ideological antagonisms, between the capitalist bloc and the communist bloc, but nevertheless shares the same confidence in the future of humanity: a future in the stars, promised by the dominant sociotechnical imaginary. A significant number of these jurists are trying to form an international community through the creation of international organizations and think tanks, in the hope of influencing the course of international relations. Astronautical activists, defenders of the conquest of space since the inter-war years, and united since the 1950s within the International Astronautical Federation, welcome these attempts to create a legal community for the right to space, which finds itself closely linked with these actors of the technoscientific promises on which the hegemonic astroculture is based. The Cold War thus becomes as much a general framework to be set aside in the hope of achieving a truly international community, as it does a challenge for some jurists influenced by the development of realist theses in international relations: for them, space law must become a tool in the service of power, whether American or Soviet. Nevertheless, a majority of jurists remained influenced by liberal internationalism, and placed their hopes in the UN to ensure that the conquest of space would be at the service of all mankind. The return of natural law after the Second World War, and the internationalist battles already waged by several jurists in the air sector at the beginning of the 20th century, are also part of the heritage that inspires these jurists. They developed internationalist and even supranational projects: whether through the UN or through a new organization, they advocated the creation of a truly supranational order to prevent war from being exported into space, a prospect particularly dreaded at a time when the two great powers have atomic weapons. A minority of jurists take their thoughts a step further, drawing on the hopes promoted by science for almost a century: the conquest of space could enable us to encounter intelligent life elsewhere in the universe. Should this be the case, law will have to prevent a repeat of the horrors of colonization, even as the 1950s and 1960s saw the European colonial empires disintegrate. The legal perspective, by taking into account the possibility of an encounter between species, offers to think about a right that aims to be properly universal, capable of founding a bridge between beings of reason, wherever they come from and whatever their appearances or their cultures. The doctrine of the law of space thus appears to be one of the last spaces for the development and flourishing of a liberal internationalism that feeds on natural law and the sociotechnical imaginary, even as realist theories are pushing it back everywhere else.

Mots clés en français :espace, histoire du droit, juristes, ONU, internationalisme,
Mots clés en anglais :   space, law history, lawyers, UN, internationalism,