Soutenance de thèse de ANISSA KHAMKHAM

Du militantisme à la conquête du pouvoir politique : le mouvement noir étatsunien en Caroline du Nord, 1965-2014


Titre anglais : From Protest to Politics: Grassroots Activism and Electoral Politics in the Black Freedom Movement in North Carolina, 1965-2014
Ecole Doctorale : ALLPHA - Arts, Lettres, Langues, Philosophie, Communication
Spécialité : Langues, Littératures, Arts et Civilisations du Monde Anglophone
Etablissement : Université Toulouse II Jean Jaurès
Unité de recherche : EA 801 - CAS - Centre for Anglophone Studies
Direction de thèse : Anne STEFANI- Caroline ROLLAND-DIAMOND


Cette soutenance aura lieu samedi 27 septembre 2025 à 9h00
Adresse de la soutenance : Université Toulouse Jean Jaurès Maison de la Recherche 5 allée Antonio Machado 31100 Toulouse - salle AR204

devant le jury composé de :
Anne STEFANI   Professeure des universités   Université Toulouse - Jean Jaurès   Directeur de thèse
Laurence COSSU-BEAUMONT   Professeure des universités   Université Sorbonne Nouvelle   Rapporteur
David DIALLO   Professeur des universités   Université de Bordeaux   Rapporteur
Caroline  ROLLAND-DIAMOND   Professeure des universités   Université Paris Nanterre   CoDirecteur de thèse
Françoise COSTE   Professeure des universités   Université Toulouse - Jean Jaurès   Examinateur
Jean-Christian VINEL   Professeur des universités   Université Paris Cité   Examinateur


Résumé de la thèse en français :  

Après des décennies de lutte, l’adoption du Voting Rights Act de 1965 garantit enfin légalement l’accès au vote pour les Africains-Américains dans le Sud des États-Unis après presqu’un siècle d’exclusion sous le régime ségrégationniste Jim Crow. Le rôle des stratégies électorales au sein du Long Mouvement de Libération Noire fait l’objet de nombreux débats parmi les historiens et les politistes. L’adoption de stratégies de conquêtes électorales et l’élection de représentants noirs après 1965 a souvent été comprise comme une simple conclusion positive au Mouvement des droits civiques, signe du succès de l’intégration politique des Africains-Américains. D’autres y voient au contraire une victoire à la Pyrrhus, ayant mené à la dé-radicalisation et à la démobilisation du mouvement tout en faisant émerger une élite politique noire déconnectée des revendications de la grande majorité des Africains-Américains.
En s’appuyant sur une série d’études de cas à différentes échelles en Caroline du Nord et en mobilisant l’approche historiographique du Long Mouvement de Libération Noire, cette thèse soutient, au contraire, que le recours aux stratégies électorales doit être analysé sous le prisme de la continuité. Le monopole politique exercé par les élus blancs dans les instances locales de pouvoir avait des conséquences très concrètes sur les conditions matérielles de vie et de travail des Africains-Américains, puisque ces instances contrôlaient la répartition des ressources, les droits politiques et l’organisation de l’espace (cartes électorales, cartes scolaires, ségrégation résidentielle, zonage).
Par conséquent, la conquête du pouvoir politique après 1965 s’imposa comme un levier d’action crucial, en parallèle d’autres modalités du répertoire d’action collective des luttes politiques africaines-américaines grassroots. Loin de disparaître, celles-ci se reconfigurèrent au cours des années 1980 et 1990 pour attaquer de front les multiples facettes du racisme systémique : la destruction des quartiers noirs, le racisme environnemental, l’exploitation économique, la répression du syndicalisme, la destruction de l’État-Providence et les politiques de marginalisation voire d’obstruction des électeurs noirs.
À partir de l’exploitation de fonds d’archives d’élus, d’organisations politiques et militantes africaines-américaines, de la presse locale et d’entretiens d’histoire orale, cette étude repense l’agentivité politique noire dans un État du Sud, foyer historique du mouvement mais aussi de la contre-offensive conservatrice et des batailles juridiques autour de l’application du VRA, et ce jusqu’à aujourd’hui. Pour ce faire, il s’agira de démontrer que la diversité des acteurs et des stratégies déployées ainsi que l’imbrication des échelles dans cette lutte pour la conquête du pouvoir politique entre 1965 et 2014. Mettre l’agentivité politique du point de vue des concernés au cœur de l’analyse permettra de montrer comment et pourquoi la politique électorale s’est imposée comme un levier crucial pour l’avancée du mouvement de libération noire, non sans tensions et négociations.

 
Résumé de la thèse en anglais:  

In 1965, the passage of the Voting Rights Act reaffirmed every American’s right to vote and marked the end of decades of activism which sought to end Jim Crow segregation and the political disenfranchisement of African Americans in the South. This led to the unprecedented opening of the political system to Black Americans, especially at the local level. Far from merely being a conclusion to the preceding Civil Rights Movement, famously known for its iconic non-violent marches and sit-ins, the shift from direct action to electoral politics must be understood as part of the continued struggle for equality and as a strategy in its own right to secure real political and economic gains, as well as community control.
The role of electoral strategies within the Long Black Freedom Movement has long been the subject of intense debate among historians and political scientists. The embrace of electoral politics and the election of Black representatives after 1965 has often been interpreted as a mere positive coda to the Civil Rights Movement, signaling the success of African American political incorporation. Others, however, see this development as a hollow prize –one that led to the de-radicalization and demobilization of the movement, while producing a Black political elite increasingly disconnected from the demands of the broader African American population.
Drawing on a series of case studies on different scales in North Carolina and using the framework of the Long Black Freedom Movement historiography, this dissertation argues in favor of viewing electoral politics in the movement through the lens of continuity. White-controlled power structures had concrete material consequences for African American communities, as local governing bodies controlled the distribution of resources, political rights, and the organization of space – by dictating electoral maps, school systems, residential segregation, and zoning.
In this context, the pursuit of political power after 1965 emerged as a crucial tool, alongside other elements of the grassroots African American repertoire of contention. Far from fading away, these struggles were reconfigured during the 1980s and 1990s to confront the many facets of systemic racism: the destruction of Black neighborhoods, environmental racism, economic exploitation, anti-labor policies, the dismantling of the welfare state, and growing efforts to suppress Black voting rights.
Based on archival research, drawing on the records of Black elected officials, political and activist organizations, local newspapers, and oral history interviews, this study proposes to rethink Black political agency in a Southern state – one that was both a historical center of the freedom movement and has been a ground zero for the conservative counter-offensive and legal battles over the implementation of the VRA and still is to this day. This dissertations seeks to demonstrate how the diversity of actors and strategies, as well as the way they played out at various levels, shaped the struggle for political power between 1965 and 2014. Centering Black political agency on the ground, from the point of view of the actors themselves, reveals how and why electoral politics became a vital, though contested, lever for advancing the Black freedom movement.

Mots clés en français :Mouvement de libération noire, Africains-Américains, Politique électorale, États-Unis – Sud – Caroline du Nord, Black Power, Droit de vote,
Mots clés en anglais :   Black Freedom Movement, African Americans, Electoral politics, United States – South – North Carolina, Black Power, Voting rights,