Plus de 2,2 millions de greffes osseuses sont réalisées à travers le monde par an, et une augmentation de plus de 5 % du marché des substituts osseux est prévue de 2019 à 2026 en raison du vieillissement de la population, accroissant les besoins de réparation osseuse. Pour éviter les écueils pouvant être associés à l’autogreffe, les substituts synthétiques sont considérablement développés et étudiés depuis une quarantaine d’années, tels que les céramiques de phosphates de calcium (CaP), érigées comme biomatériau synthétique idéal de par leur composition similaire à celle du minéral osseux. Parmi les autres familles de matériaux minéraux utilisés pour le comblement et la reconstruction en site osseux, celle des carbonates de calcium (CC) complète celle des CaP : ils sont biocompatibles, et pour la majorité plus solubles et donc résorbés plus rapidement une fois implantés, entraînant la libération d’ions Ca2+ et CO32- constitutifs de l’os. En particulier, les carbonates de calcium amorphes (ACC) présentent, par leur structure désordonnée et leur teneur en eau, une grande réactivité en milieu aqueux. Cette famille est constituée de plusieurs phases dont la composition et l’organisation à petite échelle diffèrent selon les conditions de synthèse. Leur métastabilité nécessite de les stabiliser vis-à-vis de la cristallisation lors de la synthèse, majoritairement par le biais d’additifs, dont les phosphates. Ces derniers sont des inhibiteurs efficaces de la cristallisation notamment de la calcite et plusieurs types de phosphates ont été utilisés avec succès (monomères ou chaînes condensées). L’utilisation du dimère pyrophosphate est cependant très peu documentée. Or, outre son rôle d’inhibiteur de la cristallisation, il peut conférer des propriétés biologiques additionnelles liées à son hydrolyse in vivo par des enzymes comme la phosphatase alcaline, libérant ainsi des ions orthophosphates constitutifs de l’apatite osseuse.
Dans ce travail de thèse, des ACC stabilisés par différents taux de pyrophosphate (PyACC) ont été synthétisés, et l’impact du ratio de pyrophosphate/carbonate sur la structure et la composition des poudres de PyACC a été étudié, mettant en évidence l’obtention d’une phase totalement amorphe au-delà d’un certain ratio. Celle-ci a été caractérisée à différentes échelles par SAXS, WAXS-PDF et RMN du solide et présente une organisation à courte distance similaire à celle de la vatérite (proto-vatérite). Un modèle expérimental multi-échelle de la structure des PyACC et des hypothèses sur les mécanismes de stabilisation par le pyrophosphate ont alors été proposés.
La poudre de PyACC a ensuite été dopée avec trois ions bioactifs (le strontium, le cuivre et le zinc), montrant une intégration quantitative des dopants. L’étude de leur évolution in vitro dans deux milieux aqueux a mis en évidence des libérations de calcium et d’ions dopants continues sur quatre semaines avec une libération plus élevée aux temps courts (« burst effect »), n’étant pas néfaste aux cellules puisque nous montrons que les différentes poudres synthétisées sont cytocompatibles. En outre, les PyACC dopés au zinc semble présenter in vitro un potentiel ostéogénique marqué.
Enfin, des scaffolds macroporeux composites alginate-PyACC ont été élaborés avec succès par freeze-casting, avec des pores interconnectés et orientés de taille et de volume adaptés à la colonisation cellulaire et l’angiogenèse. Le taux de charges minérales ajoutées en suspension et la réticulation de l’alginate par le calcium qui est libéré influe sur la taille des pores, qui diminue lorsque ces paramètres augmentent, à l’opposé des propriétés mécaniques. Celles-ci sont suffisantes pour permettre une manipulation aisée lors de la chirurgie.
L’ensemble de ces travaux ouvre la voie au développement de nouveaux substituts macroporeux élaborés à partir de poudres bioactives de PyACC dopés, aux propriétés biologiques modulables pour des applications en substitution osseuse. |
More than 2.2 million bone grafts are performed worldwide each year, and an increase of more than 5% in the bone substitute market is expected from 2019 to 2026 due to the aging of the population, increasing the number of pathologies or trauma requiring bone repair. To avoid the pitfalls potentially associated to autografts, synthetic substitutes have been considerably developed and studied over the past forty years. Particularly, calcium phosphate (CaP) ceramics are established as the ideal synthetic biomaterial due to their composition similar to that of bone mineral. Among the other families of mineral materials used for bone filling and reconstruction, the calcium carbonates (CC) one is complementary to CaP: they are biocompatible, and for most of them more soluble and therefore resorbed more quickly once implanted, releasing the bone constituents Ca2+ and CO32- ions. In particular, amorphous calcium carbonates (ACC) exhibit a high reactivity in aqueous media by their disordered structure and water content. This family comprises several phases whose composition and small-scale organization differ according to the synthesis parameters. Their metastability requires stabilizing them against crystallization during synthesis, mainly through additives, including phosphates. The latter are effective inhibitors of crystallization, including of calcite, and several types of phosphates have been used successfully (monomers or condensed chains). However, the use of the pyrophosphate dimer is poorly documented. Yet, in addition to its crystallization inhibitor role, it can confer additional biological properties due to its in vivo hydrolysis by enzymes such as alkaline phosphatase (ALP), thus releasing orthophosphate ions that are the building bricks of bone apatite.
In this work, various pyrophosphate-stabilized (PyACC) were synthesized, and the impact of the pyrophosphate/carbonate ratio on the structure and composition of PyACC powders was studied, highlighting the obtaining of a totally amorphous phase beyond a certain ratio. This phase was characterized at different scales by SAXS, WAXS-PDF and solid-state NMR and exhibited a short-range organization similar to that of vaterite (called proto-vaterite). A multi-scale experimental model of the structure of PyACC and hypotheses on the mechanisms of pyrophosphate-stabilization were then proposed.
The PyACC powder was then doped with three bioactive ions (strontium, copper and zinc), showing a quantitative integration of the dopants. The study of their in vitro evolution in two aqueous media revealed continuous releases of calcium and doping ions over four weeks, with a higher release at short times ("burst effect"), but without being harmful to the cells since we showed that the various synthesized powders were cytocompatible. In addition, zinc-doped PyACCs appeared to exhibit an in vitro marked osteogenic potential.
Finally, alginate-PyACC composite macroporous scaffolds had been successfully elaborated by freeze-casting, with interconnected and oriented pores whose size and volume were suitable for cell colonization and angiogenesis. The rate of mineral fillers added in suspension and the crosslinking of the alginate by the released calcium influenced the size of the pores, which decreased when these parameters increased, contrary to the mechanical properties. These properties were sufficient to allow easy manipulation by the surgeon.
This work paves the way for the development of new macroporous substitutes elaborated from bioactive powders of doped PyACC, with tunable biological properties for bone substitution applications. |