Le contrôle aérien est une activité critique qui se déroule dans un environnement complexe, dynamique et incertain. Ainsi les capacités attentionnelles des contrôleurs sont particulièrement sollicitées pour surveiller de nombreux aéronefs tout en restant attentifs à des alarmes dans un contexte de travail en horaire posté, de variation forte et contrastée de charge de travail, et de stress parfois élevé. De plus, les analyses de sécurité ont montré que les problèmes attentionnels étaient une des principales causes d'incidents et d'accidents dans le contrôle du trafic aérien. Toutefois, peu de données sont disponibles sur la nature et la prévalence de ces problèmes, ainsi que sur leurs impacts précis sur la performance des contrôleurs. Dans un premier temps, nous avons donc réalisé un sondage en ligne auprès de 150 controleurs aériens pour mieux connaitre les états d'attention délétères rencontrés en opérations. Cette étude nous a permis d'identifier la cécité inattentionnelle, un phénomène qui se traduit par la non-perception de signaux pourtant saillants dans le champ visuel, comme étant un problème de sécurité majeur.
Une expérimentation avec 29 élèves contrôleurs équipé d'un électroencéphalogramme a ensuite permis d'une part de recueillir des marqueurs neurophysiologiques de cet état dans un environnement simulant du contrôle aérien, et d'autre part de tester des contre-mesures auditive, vibrotactile et visuelle ambiante (un flash coloré apparaissant sur l'ensemble de l'écran) à la cécité inattentionelle. Les contre-mesures ont été plus souvent et plus rapidement acquitées que l'alarme classique actuellement utilisée en opérations. L'étude des potentiels évoqués a par ailleurs montré que l'alarme classique ne capturait pas efficacement l'attention par rapport aux contre-mesures cognitives.
Toutefois, les contre-mesures ont été perçues comme plus gênantes et plus urgentes que l'alarme classique. La contre-mesure visuelle ambiante ayant été jugée comme la moins gênante et la plus pertinente opérationnellement, des versions atténuées de celle-ci ont été testées auprès de 28 élèves contrôleurs afin d'en déterminer la limite inférieure de saillance, c'est à dire le niveau en dessous duquel elle perd son pouvoir de capturer l'attention. Les résultats ont montré que même les flashs visuels ambiant très courts et de très faible opacité restaient efficaces et étaient autant acquittés que les flashs plus longs et plus opaques de l'expérimentation précédente. De plus, les données oculométriques ont montré que l'orientation de l'attention vers les alarmes étaient bien provoquée par le flash visuel ambiant. En conclusion, cette étude a mis en oeuvre une approche neuroergonomique des problèmes attentionnels dans le contrôle du trafic aérien. Ces résultats ouvrent la voie à l'implémentation d'interfaces adaptatives, qui ne déclencheraient la contre-mesure visuelle ambiante que lorsque l'état mesuré de l'opérateur le justifie. Cela pourrait aider le contrôle du trafic aérien à maintenir un niveau de sécurité très élevé. |
Air traffic control is a critical activity that takes place in a complex, dynamic and uncertain environment. Thus, the attentional capacities of controllers are particularly solicited to monitor numerous aircraft while remaining alert to alarms in a context of shift work, strong and contrasted workload variations, and sometimes high stress. Moreover, safety analyses have shown that attentional problems were a main cause of incidents and accidents in air traffic control. However, little is known on the nature and prevalence of these problems, as well as on their precise impact on the performance of controllers. Therefore, we first conducted an online survey of 150 air traffic controllers to better understand the deleterious attentional states encountered in operations. This study allowed us to identify inattentional blindness, a phenomenon whereby a highly salient visual stimulus in the visual field is missed, as a major safety concern for air traffic controllers. An experiment with 29 student air traffic controllers equipped with an electroencephalogram then allowed us to collect neurophysiological markers of this state in an environment simulating air traffic control, and to test an auditory, a vibrotactile and a visual ambient (i.e., a colored flash appearing on the whole screen) countermeasures to inattentional blindness. The countermeasures were acknowledged more often and more quickly than the conventional alarm currently used in operations. The study of event-related potentials also showed that the classic alarm did not effectively capture attention compared to the cognitive countermeasures.
However, the countermeasures were perceived as more annoying and urgent than the classic alarm. The visual ambient countermeasure was perceived as the least annoying and most operationally relevant one. Therefore, toned down versions of this countermeasure were tested in order to determine its lower bound of salience, below which it loses its ability to capture attention. The results showed that even very short visual ambient flashes of very low opacity were acknowledged as much as the longer, more opaque flashes in the previous experiment. Moreover, the oculometric data showed that the orientation of attention towards the alarms was indeed caused by the visual ambient flashes.
Overall, this study implemented a neuroergonomic approach to attentional issues in air traffic control. These results pave the way for the implementation of adaptive interfaces that would trigger visual ambient countermeasure only when the measured state of the operator warrants it. This could help this industry maintain a very high level of safety. |