Soutenance de thèse de Anna SYTIUK

Évaluation du rôle des métabolites dans l'écologie des sphaignes dans un contexte de changements climatiques: de l'espace des traits fonctionnels des sphaignes à la dynamique du carbone


Titre anglais : Evaluating the role of metabolites in Sphagnum ecology under climate change: from Sphagnum functional trait space to carbon-related processes
Ecole Doctorale : SDU2E - Sciences de l'Univers, de l'Environnement et de l'Espace
Spécialité : Ecologie fonctionnelle
Etablissement : Université de Toulouse
Unité de recherche : UMR 5300 - CRBE - Centre de Recherche sur la Biodiversité et l'Environnement
Direction de thèse : Régis CEREGHINO- Vincent JASSEY


Cette soutenance a eu lieu vendredi 17 juin 2022 à 9h30
Adresse de la soutenance : Université Paul Sabatier Toulouse III - salle Salle de conférence Bâtiment 4R1

devant le jury composé de :
Régis CEREGHINO   Professeur   Université Toulouse III - Paul Sabatier   Directeur de thèse
Elena KAZAKOU   Professeure   Institut Agro Montpellier, Département Biologie et Ecologie   Rapporteur
Vincent JASSEY   Chargé de recherche   CNRS - ECOLAB   CoDirecteur de thèse
Geneviève CHIAPUSIO   Maîtresse de conférences   Université Savoie Mont Blanc (USMB)   Rapporteur
Virginie BALDY   Professeure des universités   Aix Marseille Université   Examinateur
Bjorn ROBROEK   Assistant professor   Radboud University Nijmegen   Examinateur
Christophe ROUX   Professeur   Université Toulouse III - Paul Sabatier   Président


Résumé de la thèse en français :  

Les effets du changement climatique sont plus prononcés aux hautes latitudes, ce qui impacte fortement la dynamique du carbone mondiale. En effet, les écosystèmes nordiques comme les tourbières ont un rôle clé dans cette dynamique en tant que puits de carbone, puisqu'un tiers du carbone organique du sol y est stocké. Les mousses et les sphaignes contribuent de manière significative au piégeage du carbone. Leurs caractéristiques morphologiques et biochimiques (métabolites) uniques font qu’elles façonnent activement leur habitat en produisant une litière récalcitrante à la décomposition. De fait, elles influencent la structure et l'activité microbienne et contrôlent ainsi les cycles du carbone et des nutriments. Malgré ces connaissances, le rôle des métabolites de la sphaigne en tant que traits fonctionnels importants pour l'écologie des tourbières reste peu étudié et, ainsi que leur réponse aux changements climatiques.
Le but de ce travail de thèse était d'explorer le potentiel des métabolites de la sphaigne pour améliorer la compréhension mécanistique de leur rôle fonctionnel, et de prédire la composition des communautés microbiennes et leur espace fonctionnel le long d'un gradient environnemental. J’ai aussi étudié comment les patrons saisonniers des métabolites répondent aux changements climatiques et les conséquences que cela induit sur l'absorption du carbone par les tourbières. Pour cela, j'ai réalisé des observations et des expériences sur le terrain le long d'un gradient latitudinal. Des informations sur les traits anatomiques et morphologiques et sur les métabolites de la sphaigne ont été recueillies. Les flux de CO2 des tourbières et la structure et l‘activité des communautés microbiennes ont été mesurés. L'expérience de transplantation réciproque le long du gradient couvrant cinq pays a permis de mimer les changements des conditions climatiques et d'évaluer la plasticité des métabolites.
Mes résultats montrent que les espèces de sphaigne qui poussent dans des conditions environnementales locales (composition de la végétation, teneur en nutriments) et régionales (température, précipitations) différentes possèdent des traits biochimiques divers définissant leur forme, leurs fonctions et leur résistance aux changements environnementaux. De plus, j'ai constaté que le volume de l'espace des traits de la sphaigne était quatre fois plus grand quand des traits biochimiques étaient ajoutés à l'ensemble habituel de traits morphologiques et anatomiques, que lorsqu'ils étaient exclus. L'ajout de traits fonctionnels de la sphaigne aux variables environnementales locales et régionales dans un modèle d'équation structurelle (SEM) a permis d’augmenter notre capacité à prédire les variations taxonomiques et fonctionnelles des microorganismes dans les tourbières. De plus, les métabolites se sont avérés être de meilleurs prédicteurs de la structure des communautés microbiennes, comparé aux caractéristiques anatomiques et morphologiques. Enfin, avec l'expérience de transplantation réciproque j’ai montré que les sphaignes transplantées sur de nouveaux sites avaient des réponses similaires aux changements climatique en termes de concentrations en métabolites et de productivité primaire brute au cours de chaque saison, avec des valeurs maximales dans les sites les plus chauds. J'ai aussi mis en évidence la forte plasticité des métabolites face aux variations de températures et de précipitations. Plus intéressant encore, mes données ont montré des liens importants entre les métabolites des sphaignes et les processus liés au carbone, qui étaient plus importants au printemps et en automne. En résumé, l'approche basée sur les traits biochimiques utilisée dans cette thèse a montré un fort potentiel pour mieux comprendre et prédire l'espace fonctionnel de la sphaigne, la structure et les traits des communautés microbiennes associées, les processus écosystémiques liés au carbone ainsi que les réponses au changement climatique.

 
Résumé de la thèse en anglais:  

Climate change is a threat to most ecosystems. However, these effects will be most pronounced at high northern latitudes, significantly affecting global carbon dynamics. Indeed, northern ecosystems, such as peatlands, play a key role in global carbon dynamics as carbon sinks, where one third of soil organic carbon is stored. Mosses, such as Sphagnum mosses, contribute significantly to carbon sequestration in peatlands, due to their unique morphological and biochemical (metabolites) traits. Sphagnum metabolites actively shape peatland habitat by producing recalcitrant litter and driving microbial structure and activities, and possibly controlling carbon and nutrients cycling. Despite this knowledge, the role of Sphagnum metabolites as important functional traits in peatland ecology remains poorly studied, particularly their response to climate change.
The aim of my PhD work was to explore the potential of Sphagnum metabolites in providing deeper mechanistic understanding of the Sphagnum functional trait space, and to predict microbial community composition and functioning across environmental gradients. I further examined how seasonal patterns of Sphagnum metabolites respond to climate changes and the consequence for peatland C uptake. To meet these goals, several field observations and experiments were conducted along a latitudinal gradient in Europe. I collected information about Sphagnum anatomical, morphological traits, and metabolites, as well as on peatland CO2 fluxes and on microbial structure and activities. The reciprocal transplantation along a latitudinal gradient spanning five countries allowed to emulate shifts in climate conditions and evaluate Sphagnum metabolites plasticity.
My findings showed that Sphagnum species growing in different local environmental (vegetation composition, nutrients content) and regional (temperature, precipitation) conditions possess a suite of diverse biochemical traits (metabolites and enzymes) that support Sphagnum form and function, as well as Sphagnum resistance to environmental changes. Additionally, I found that the volume of the Sphagnum trait space was four times larger when biochemical traits were added to the usual suite of morphological-anatomical traits, than when they were excluded. Sphagnum interspecific trait variations were shown to play a key role in driving microbial community composition and microbial traits in addition to local and regional environmental conditions. The addition of Sphagnum traits to local and regional environmental variables in structural equation models (SEM) increased our capacity to predict and explain the variance of microbial communities and functions in peatlands. Additionally, the metabolites were shown to be better predictors of microbial community structure and traits compared to anatomical and morphological traits. Finally, using a reciprocal transplantation experiment, I showed that Sphagnum species, transplanted to new sites, had similar responses of metabolites concentrations and gross ecosystem productivity over all seasons, with the maximum values in warmer sites. Sphagnum metabolites were very plastic in response to temperature and precipitation and the variation in phenotype (graphically represented as reaction norms) had similar slopes and curvatures. More interestingly, my data showed important linkages between Sphagnum metabolites and C-related processes, which were the most prominent in spring and autumn. In a nutshell, trait-based approach used in this thesis has a potential for understanding and predicting Sphagnum functional space, associated microbial community structure and microbial traits, carbon-related ecosystem processes in the context of climate change.

Mots clés en français :métabolites secondaires, traits de plantes, transplantation réciproque, changement climatique, interactions plantes-microbiens, Sphagnum,
Mots clés en anglais :   plant-microbial interactions, reciprocal transplantation, secondary metabolites, plant traits, climate change, Sphagnum,