Soutenance de thèse de Andres GURPIDE LASHERAS

Les extrêmes de l'accrétion : comprendre les phénomènes d'accrétion et de rétroaction super-Eddington dans les sources de rayons X ultralumineuses


Titre anglais : The extremes of accretion: understanding super-Eddington accretion and feedback phenomena in Ultraluminous X-ray sources
Ecole Doctorale : SDU2E - Sciences de l'Univers, de l'Environnement et de l'Espace
Spécialité : Astrophysique, Sciences de l'Espace, Planétologie
Etablissement : Université de Toulouse
Unité de recherche : UMR 5277 - IRAP - Institut de Recherche en Astrophysique et Planetologie
Direction de thèse : Jean-François OLIVE- Olivier GODET


Cette soutenance a eu lieu jeudi 25 novembre 2021 à 10h30
Adresse de la soutenance : IRAP, 9 Av. du Colonel Roche, 31400 Toulouse - salle Salle de Conférences

devant le jury composé de :
Jean-François OLIVE   Professeur   Université Toulouse III - Paul Sabatier   Directeur de thèse
Christian MOTCH   Directeur de recherche émérite   Observatoire astronomique de Strasbourg   Rapporteur
Timothy Paul ROBERTS   Professeur   Durham University   Rapporteur
Geneviève SOUCAIL   Astronome   IRAP, Université de Toulouse, CNRS, CNES   Président
Olivier GODET   Maître de conférences   IRAP   CoDirecteur de thèse
Victoria GRINGBERG   Liason Scientifique   ESA's European Space Research and Technology Centre   Examinateur
Matteo BACHETTI   Chargé de recherche   INAF–Osservatorio Astronomico di Cagliari   Examinateur


Résumé de la thèse en français :  

Au centre de la plupart des galaxies massives se trouve un trou noir supermassif (TNSM) avec des masses entre 10$^{6-10}$,$M_odot$ qui agit comme un énorme réservoir d'énergie. Ainsi les processus d'accrétion de matière permettent de convertir efficacement une partie de l'énergie potentielle gravitationnelle du gaz accrété sous forme d'intenses rayonnements et de puissants vents/jets qui vont induire des phénomènes de extit{rétroaction} dans leurs environnements à de multiples échelles. L'étude de ce phénomène est donc cruciale pour comprendre comment les TN ont participé à la formation des grandes structures de l'Univers observable aujourd'hui. L'étude de l'univers lointain ou primordial a révélé que les TNSM avec des masses de 10$^{8-9}$,$M_odot$ existaient déjà lorsque l'Univers n'avait que 5\% de son âge actuel, suggérant que les TN ont dû croître extrêmement rapidement. Encore aujourd'hui, les mécanismes de croissance de ces trous noirs, notamment via l'accrétion super-Eddington, reste encore mal compris. S'il est impossible d'étudier en détail ces premiers TNSM avec l'instrumentation actuelle, trouver des systèmes analogues subissant une extit{accrétion super-Eddington} offrirait l'opportunité d'étudier indirectement l'apport de ce régime d'accrétion extrême dans la croissance des TNSM. Or, après deux décennies d'étude, il existe maintenant des preuves solides que la plupart des sources ultralumineuses en X (ULX), généralement localisées hors du noyau de leur galaxie hôte, sont des systèmes accrétant à des taux super-Eddington de manière extit{stable} sur des échelles de temps longues (années/décennies). Certaines de ces sources possèdent également des bulles très larges (centaines de parsec) de gaz ionisés permettant d'étudier les phénomènes de rétroaction induits par les vents puissants et les rayonnements intenses prevenant de la source centrale. Pourtant, ces sources énigmatiques ont déconcerté les astronomes depuis leur découverte : la nature de l'accréteur dans la plupart d'entre elles reste inconnue, tandis que quelques unes montrent des pulsations en rayons X indiquant que l'accréteur est une étoile à neutrons (EN). De plus, les géométries des flots d'accrétion leur permettant d'atteindre des luminosités aussi extrêmes et sa dépendance avec la nature de l'accréteur sont encore mal contraintes.

Cette thèse a pour ambition d'aider à mieux comprendre les propriétés de l'accrétion super-Eddington dans les ULXs et les phénomènes de rétroaction associés sur de multiples échelles spatiales au moyen d'études multi-longueur d'onde (optique, X et dans une moindre mesure les UV). Cette thèse est divisée en deux volets. Dans le premier, j'ai exploité les grandes quantités de données d'archive offertes par les principaux télescopes à rayons X ( extit{XMM-Newton}, extit{Chandra} et extit{NuSTAR}) pour réaliser une étude détaillée des transitions spectrales en rayons X d'un large échantillon d'ULXs, afin de tester quel modèle d'émission serait le plus à même de reproduire les données. Pour la plupart des sources, j'ai montré que leurs transitions spectrales sont mieux décrites par des modèles invoquant une émission anisotrope induite par des vents -- dont les géométries sont capatibles avec les prédictions théoriques et les simulations numériques de disques avec des taux d'accrétion super-Eddington -- autour de EN faiblement magnétisées ($B$ $<$ 10$^{12}$,G) ou de TN accrétants. La richesse des données me permet également d'examiner les différences/similitudes spectrales et les similitudes entre les ULX à étoile à neutrons connues et celles pour lesquelles l'accréteur est inconnu; ce qui m'a permis de révéler un nouveau candidat de ce type. Ce travail est suivi d'une étude approfondie de deux ULX, Holmberg~II~X--1 & NGC~5204~X--1, pour laquelle j'ai exploité la cadence d'observation élevée du extit{Swift}-XRT pour révéler que ces deux sources suivent un cycle évolutif spectral récurrent dans l'espace dureté -- luminosité en X. Il s'agit du premier cycle évolutif mis en évidence pour une source super-Eddington. Les transitions spectrales et la variabilité associées au cycle sont discutées dans le cadre de l'accrétion super-Eddington, en invoquant des changements de taux d'accrétion et un degré variable d'obscuration par les vents super-Eddington. Le deuxième volet de cette thèse se concentre sur l'exploration des données d'archive du Multi-Unit Spectroscopic Explorer sur le Very Large Telescope en mettant l'accent sur la caractérisation des principales sources d'ionisation/excitation du gaz nébulaire en utilisant une série de diagnostics spectraux et en comparant les rapports de raies mesurées avec les modèles prédisant l'émission attendue pour du gaz choqué. Le résultat principal de cette partie est la découverte d'une bulle gonflée par des chocs s'étendant sur des centaines de parsecs autour de l'ULX NGC 1313 X--1. Je montre que la puissance mécanique estimée attribuée à l'éjection de vents par la source centrale est supérieure à la puissance radiative, suggérant que dans le régime super-Eddington, la rétroaction mécanique pourrait être plus importante que la rétroaction radiative.

 
Résumé de la thèse en anglais:  

Sitting at the center of most massive galaxies lies a supermassive black hole (SMBH) with masses 10$^{6-10}$,$M_odot$. The central black hole (BH) acts as an enormous reservoir of energy, when accreting gas from the galaxy and efficiently converting part of the energy into radiation, outflows and jets. Studying this fundamental process involved in the growth of the central BH and its extit{feedback} into the galaxy is crucial to understand how BHs shaped the large-scale structures of the Universe as we observe them today. Surprisingly, the deepest infrared surveys have revealed that SMBHs with masses 10$^{8-9}$,$M_odot$ were already present when the Universe was only 5\% of its current age, suggesting that these BHs must have grown extremely fast, but the extreme accretion regime that would be required to allow these BHs to grow so fast is poorly understood. While studying these early SMBHs in detail is not feasible with current instrumentation, nearby systems undergoing extit{super-Eddington accretion} sustained over several decades are good laboratories to indirectly study this critical epoch. After two decades of studies, there is now firm evidence supporting that most of the Ultraluminous X-ray sources (ULXs) typically found in external galaxies are accreting binary systems undergoing sustained super-Eddington accretion. Much like a scaled-down version of a SMBH, the copious amounts of radiation and outflows these mighty sources produce can ionize large nebulae of gas extending hundreds of parsecs in size, offering an observational template to study the feedback and efficiency of the super-Eddington regime. Yet these enigmatic sources have been puzzling astronomers since their discovery: the nature of the accretor in most of them remains unknown, while a few show X-ray pulsations indicative of a neutron star (NS) accretor. Moreover, the accretion flow geometry allowing them to reach such extreme luminosities and its dependency with the nature of the accretor is still highly debated.

This thesis presents a multi-wavelength study combining X-rays, optical and to lesser extent UV, in an effort to shed light on the engines behind ULXs, the properties of their inflows and outflows as well the feedback signatures in their surroundings. The two main lines of investigation are presented. In the first one, I exploited the extensive archival data offered by the major X-ray telescopes ( extit{XMM-Newton}, extit{Chandra} and extit{NuSTAR}) to present a comprehensive study of the long-term X-ray spectral transitions of a broad sample of high-quality data ULXs, including known pulsating NS-ULXs, in order to test which of the current models to explain their extreme luminosities fit the data best. The analysis suggest that for the most part, their spectral transitions are best described by models invoking anisotropic emission induced by super-Eddington winds, with accreting lowly magnetised ($B <$ 10$^{12}$,G) NSs or BHs as their engines. The wealth of data serves also to examine the spectral differences/similarities between the known NS-ULXs and those for which the accretor is unknown, revealing a potential new NS-ULX. This work is followed by an in-depth study of two archetypal ULXs, Holmberg~II~X--1 and NGC~5204~X--1, where I exploited the high-observing cadence of extit{Swift}-XRT to reveal that these two sources follow a spectral recurrent evolutionary cycle. The spectral transitions and variability associated with the cycle is discussed in the framework of super-Eddington accretion, by invoking mass-accretion rate changes and varying degree of obscuration by the super-Eddington winds. The second part of this thesis focuses on exploring the archival data from the Multi-Unit Spectroscopic Explorer at the Very Large Telescope to study the feedback properties of super-Eddington winds at larger scales, with focus on characterising the main sources of ionization of the nebular gas through state-of-the art spatially-resolved gas diagnostics and comparisons with emission radiative-shock models. The main result of this work focuses around the discovery of a shock-powered bubble nebula extending hundreds of parsecs around the ULX NGC 1313 X-1. The estimated mechanical power attributed to the outflow is in excess of the radiative power, suggesting that in the super-Eddington regime the mechanical feedback by outflows and jets may be more prevalent than the radiative feedback.

Mots clés en français :étude multi longueurs d'onde, objets compacts, accrétion, signatures spectrales, vents relativistes, processus de rayonnement,
Mots clés en anglais :   accretion, multi-wavelength study, compact objects, spectral features, relativistic outflows, radiation processes,