Séance SEMECOL le 10 avril 2025

Forêts tropicales : déconstruire leurs mythes, histoires et futurs

Lieu 17h30-20H
Salle du Sénéchal, 17 rue de Rémusat
>> lien Internet



Forêts tropicales : déconstruire leurs mythes, histoires et futurs
Contesting myths, histories, and futures in tropical forests
Les forêts tropicales représentent plus de la moitié des terres boisées dans le monde, couvrant 1/6 des continents ; des forêts de montagnes aux forêts semi-arides à feuilles caduques. Plus de 1,5 milliard de personnes dans le monde dépendent des forêts tropicales, avec 350 millions d’habitant.es « indigènes et tribales » dont les cultures, les identités et les stratégies de subsistance sont étroitement liées au maintien de l'écosystème forestier, qui bénéficie à son tour de ces pratiques traditionnelles, par exemple via une augmentation de la biodiversité.
Malgré ces liens étroits avec les sociétés humaines, les forêts tropicales ont souvent été considérées comme « vierges » avant l'arrivée des forces coloniales et industrielles, la conservation ayant tendance à se concentrer sur l'élimination des populations humaines de ces habitats. L'archéologie, l'histoire, la géographie et l'anthropologie démontrent cependant la grande variété de formes d'occupation humaine et de modes de vie dans et avec les forêts observées au cours de l'histoire de l'humanité.
Patrick Roberts soulignera l'importance de ces écosystèmes pour l'évolution et l'expansion de notre espèce, l'émergence de la production alimentaire et même l'apparition des premières formes d'urbanisme dans différentes parties du monde. L'expansion du colonialisme européen et, plus tard, nord-américain dans les forêts tropicales a apporté de nouvelles idées extractivistes, marginalisé les connaissances indigènes et souvent réduit en esclavage ou assassiné les communautés locales, occultant les relations complexes qui existaient avec la forêt. Amélie Robert se concentrera sur les forêts vietnamiennes, décrivant leur évolution depuis la période précoloniale jusqu'à aujourd'hui (l'époque de l'établissement de la plantationocène), où les arguments coloniaux ont finalement été adoptés par les autorités locales, affaiblissant les liens avec les forêts, en particulier parmi les minorités ethniques.
Nous discuterons donc de la manière dont cette riche histoire humaine dans les tropiques nous oblige à considérer l'éventail des façons dont les sociétés humaines peuvent vivre avec les forêts tropicales, au-delà de l'objectivation historique des forêts tropicales, de leurs ressources et de leurs populations, qui a façonné les crises de durabilité qui existent encore aujourd'hui. Même les approches de conservation ou « vertes » des forêts tropicales perpétuent certaines de ces préoccupations, du mythe de la forêt vierge aux avantages de l'écocertification, en passant par une vision purement comptable : le Vietnam montre notamment les pièges que représente le fait de se concentrer uniquement sur la superficie forestière et ses avantages économiques, sans tenir compte de la richesse des forêts spontanées. Et le changement climatique fait monter les enjeux.

Patrick Roberts - directeur du département de Coévolution de l'Occupation des Sols et de l'Urbanisation à l’Institut Max Planck de Géoanthropologie. Auteur du livre Jungles : Comment les forêts tropicales ont façonné le monde (2024).
Amélie Robert - maîtresse de conférence en biogéographie historique et géographie du développement durable à EDYSAN - Université de Picardie Jules Verne


Séance animée par Guillaume Gaudin et Sylvain Kuppel. Elle se fera partiellement en anglais avec traduction “instantanée”. 
Tropical forests account for more than half of wooded land worldwide, covering 1/6 of continents, from montane forests to semi-arid deciduous forests. More than 1.5 billion people around the world depend on tropical forests, which are also home to 350 million ‘indigenous and tribal’ people whose cultures, identities and livelihood strategies are closely linked to the maintenance of the forest ecosystem, which in turn benefits from these traditional knowledge practices, e.g. leading to increasing biodiversity. Despite these intimate connections to human societies, tropical forests have often been framed as pristine prior to arrival of colonial and industrial forces, with conservation tending to focus on removing the human from these habitats. However, archaeology, history, geography, and anthropology are increasingly demonstrating the wide variety of forms of human occupation and ways of living in and with forests witnessed over the course of human history.
Patrick Roberts will highlight the significance of these ecosystems to our species’ evolution and expansion, the emergence of food production, and even appearance of early urbanism in different parts of the world. The expansion of European and, later, North American colonialism into tropical forests brought new extractive ideas, marginalised Indigenous knowledge and often enslaved or murdered local communities, often obscuring early complex relationships with the forest. Amélie Robert will focus on Vietnamese forests, describing their evolution from the precolonial period to the present day (the time of the established plantationocene), as colonial arguments were eventually adopted by local authorities, weakening the links with the forests, especially among ethnic minorities.
We will thus discuss how this rich human history in the tropics forces us to consider the range of ways in which human societies can live with tropical forests, beyond the historical objectification of tropical forests, their resources, and their peoples, which has shaped sustainability crises which exist to this day. Even conservation or ‘green’ approaches to tropical forests also perpetuate some of these concerns, from the myth of the virgin forest to the benefits of eco-certification to a purely accouting-oriented view: Vietnam notably shows the pitfalls of focusing solely on the forest area and its economic benefits, without considering the wealth of spontaneous forests. And climate change raises the stakes.